"Bye Galileo" : Suite au Brexit, la Grande-Bretagne envisage de bâtir son propre système GPS
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/f744db9d-4059-49f1-b3ae-ab829b0df5cc.png)
Publié le 30-08-2018 à 15h48 - Mis à jour le 31-08-2018 à 09h08
:focal(2495x1255:2505x1245)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/URXLF364XBBCVK45GL7E7OM2T4.jpg)
La Grande-Bretagne va étudier la possibilité d’avoir son propre système de navigation satellite. Car avec le Brexit, elle ne sera plus dans le “cerveau” de Galileo. Le "GPS européen", lui, s’étoffe et compte de plus en plus d’usagers.
Suite au Brexit, le Royaume-Uni va-t-il construire son propre réseau “GPS” ? La Grande-Bretagne a en tous cas annoncé mercredi qu’elle avait débloqué un budget pour étudier la faisabilité d’un système de navigation souverain. Le but serait de mettre sur pied une alternative au système européen Galileo, auquel, après la sortie de l’Union européen, elle n’aurait plus le même accès. Le gouvernement britannique a précisé qu’il consacrerait 92 millions de livres (101 millions d’euros) pour spécifier un design potentiel, ses implications en matière d'ingénierie, un programme et probablement les coûts. L’agence spatiale britannique sera chargée de mener cette analyse, avec l’aide de l’industrie britannique et le soutien du ministère de la Défense. Les premiers contrats pourraient être prêts au début du mois d’octobre, et l’étude est supposée prendre un an et demi. Les ministres prendront alors la décision de se lancer ou non dans ce projet qui pourraient coûter des milliards.
Signal gouvernemental Le gouvernement précise qu’il travaillerait sur cette alternative dans l’hypothèse où, après le Brexit, il n’a plus l’accès complet au réseau Galileo - mais il souhaite toujours être impliqué dans le projet. En réalité, les négociations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, à ce sujet, sont toujours en cours.
Pour rappel, le système Galileo est un projet emblématique de la Commission européenne et vise notamment à rendre l’Europe autonome par rapport au GPS américain. Le système compte désormais 26 satellites (lire ci-contre) sur les 30 prévus. Galileo doit être utilisé pour des applications commerciales pour les usagers “particuliers”, mais aussi militaires et de sécurité pour les gouvernements. Ce qui coince particulièrement entre Londres et Bruxelles est le système dit “PRS” de Galileo pour service public réglementé. Il s’agit du signal gouvernemental utilisé par exemple par la police, les douanes et particulièrement protégé contre le piratage. L’ Europe ne serait pas forcément contre d’en permettre l’usage à la Grande-Bretagne après le Brexit.
Rester dans le cerveau de Galileo Mais la Grande-Bretagne souhaite rester bien davantage qu’un utilisateur passif. Et continuer à siéger au comité d’utilisateurs, dans le “cerveau” de Galileo, et avoir accès aux discussions sur le signal et sa cryptographie, ce qui permettrait par exemple de savoir quelles sont les clés utilisées. Imbuvable pour la Commission européenne ! Ce qui fâche aussi Londres, c’est le fait que les entreprises britanniques ne pourront plus participer à la construction des satellites. Les règles du programmes - que le Royaume-Uni a approuvé lorsqu’il était membre de l’Union- précisaient pourtant bien que pour des raisons de sécurité, il fallait faire partir de l’Union européenne pour pouvoir être part de Galileo, notamment au niveau contribution industrielle et financière. Paradoxal : à la création de Galileo, les Britanniques étaient aussi parmi les plus critiques, évoquant un gaspillage d’argent... Pour plusieurs observateurs, ce volte-face est aussi la preuve que le système Galileo fonctionne très bien et s’avère utile, puisqu’il fait à présent des envieux.
Cependant, si techniquement, le Royaume-Uni dispose a priori des capacités techniques pour bâtir un tel système de navigation de manière souveraine, cela coûterait un montant astronomique : des experts britanniques évoquent déjà un coût de 3 à 5 milliards de livres. Sans compter la maintenance, des centaines de millions d’euros par an, dans le cas du GPS et de Galileo. De ce côté-ci de la Manche, certains pensent que ces déclarations constituent un coup de bluff de la part de Londres. Ce qu’a démenti la Première Ministre Theresa May sur la BBC : “Ce n’est pas une menace en l’air pour atteindre nos buts dans les négociations. Nous ne voulons pas n’être qu’un utilisateur final.”

Le "GPS européen" compte 400 millions d'usagers
La constellation Galileo s’étoffe. Fin juillet, quatre satellites supplémentaires ont en effet été lancé dans l’espace. “C’est une nouvelle étape sur la voie de la pleine capacité opérationnelle de Galileo en 2020”, se réjouit Maros Sefcovic, vice-président de la Commission européenne, qui finance et dirige le programme.
L’objectif, dès la création du projet il y a vingt ans, était de rendre l’Europe indépendante du GPS américain. Si l’idée a été critiquée au départ, les tensions actuelles entre l’Europe et les Etats-Unis semble lui donner raison. “Dans le contexte géopolitique actuel, personne ne peut douter qu’il est important que l’Europe ait une autonomie de moyens lui permettant d’assurer des services de navigation par satellite”, estime Stéphane Israël, le patron d’Arianespace, qui effectue les lancements. D’autant que “Galileo est en train de devenir un grand succès”, assure Jean-Yves Le Gall, patron de l’agence spatiale française, impliquée dans le projet. Il note une “accélération formidable du nombre d’utilisateurs” de Galileo dans le monde. Galileo est désormais accessible sur les derniers modèles de smartphones, notamment ceux d’Apple et de Samsung (la liste complète des appareils compatibles ici ). Fin 2016, lorsque les premiers services Galileo ont été disponibles, seul un GSM était doté de la puce qui permet de recevoir le signal. Il est en effet impossible pour l’utilisateur d’acheter cette puce et de l’ajouter à son GSM ; les fabricants doivent l’intégrer au départ.

“Bien supérieur” au GPS En février, le nombre d’utilisateurs était estimé à près de 100 millions. A présent, la Commission évoque le chiffre de 400 millions. L’avantage principal de Galiléo ? “ Sa précision est bien supérieure” à celle du GPS, rappelle Jean-Yves Le Gall. Cependant, si le récent lancement rapproche Galileo de sa finalisation, le service n’est pas encore fiable à 100 %. Vingt-six satellite au total ont été envoyés en orbite mais seuls 22 sont opérationnels (en raison de panne et de mauvaises orbites), dont quatre - les derniers envoyés - doivent être encore “testés” avant de réellement être en fonction. “Depuis 2016, le signal Galileo fonctionne. Mais il faut au minimum 24 satellites en orbite pour que le signal soit à 100 % disponible, détaille Lionel Poncelet, chargé des Affaires européennes chez OHB, la société allemande fabriquant les satellites Galileo. Pour que votre téléphone puisse vous localiser, il faut que vous ayez en permanence quatre satellites au-dessus de vous. Quand vous avez au moins 24 satellites dans la constellation, vous en avez toujours 4 au-dessus de vous. A moins de 24 satellites, il y aura des moments dans la journée où cela ne sera pas le cas” La qualité du service peut donc varier très fortement, ce qui ne le rend pas encore totalement fiable. Du moins à lui tout seul.
Quel côté de l’autoroute ? Mais désormais, les fabricants d’appareils développent des puces qui permettent de recevoir, outre le signal du GPS américain, d’autres systèmes tel le Glonass russe ou Galileo. L’idée étant qu’ils travaillent ensemble, ce qui améliore le service global, car Galileo est plus précis. En effet, si la marge de précision du GPS est de dix mètres, celle de Galileo estde l’ordre du mètre. Un exemple d’avantage concret : depuis avril, les nouveaux véhicules homologués dans l’UE doivent être équipés du système “eCall”. Une voiture accidentée va automatiquement prévenir les secours en incluant sa position géographique. Or, la précision de Galileo permet de savoir de quel côté de l’autoroute se trouve la voiture, ce qui est impossible avec le GPS. Les satelllites Galileo “volent” aussi plus haut, ce qui évite l’effet canyoning (les hauts bâtiments perturbant le signal GPS) en ville. Entre autre, Galileo permet aussi de mesurer en permanence l’intégrité du signal. Important par exemple pour les avions atterissant dans le brouillard, qui seront prévenus en quelques secondes que le signal est piraté ou en panne.