Rester à l'heure d'été ou à l'heure d'hiver? Voici les avantages et les inconvénients de chacune
Publié le 18-09-2018 à 16h47 - Mis à jour le 18-09-2018 à 18h24
Comme son cabinet l’a confirmé à La Libre, le Premier ministre Charles Michel souhaite la mise en place d’une concertation avec les Pays-Bas et le Luxembourg, “ainsi que les pays voisins” quant au choix à effectuer entre les heures d’été et d’hiver. Il s'entretiendra avec eux en marge du prochain conseil européen de mercredi et jeudi. Il entend également consulter la population belge et “étudie la façon de consulter la population”.
Pour rappel, la Commission européenne souhaite que les États membres et le Parlement européen puissent parvenir à un accord sur la suppression du changement d’heure avant la fin de l’année. La Commission souhaite que le dernier passage à l’heure d’été ait lieu le 31 mars 2019. D’ici là, les États devront communiquer à l’exécutif européen s’ils désirent conserver l’heure d’été de manière permanente, ou demeurer sous le régime de l’heure d’hiver. Les pays optant pour cette dernière possibilité remonteraient alors leurs horloges pour la dernière fois le 27 octobre prochain.
Concrètement, quels seraient les avantages et les inconvénients de chacune des heures ?
L'heure d'hiver est la plus proche de l'heure naturelle
En Belgique, astronomiquement, c’est l’heure d’hiver la plus “naturelle”, du moins la plus proche de la réalité. Mais pas tout à fait l’exacte réalité ! En effet, on pourrait dire que depuis 1884, l’heure que nous suivons est “arbitraire”. Au XIXe siècle, chaque ville avait son heure locale ; elles correspondaient astronomiquement au moment où le midi solaire est également au midi vrai, quand le soleil est au point le plus haut dans le ciel. Et cela diffère en fonction de l’endroit. En 1884, on a décidé au niveau mondial d’instaurer les fuseaux horaires, par rapport au méridien de Greenwich. On peut dire qu’actuellement, ce sont ceux qui habitent le long de ce méridien qui voient leur heure de midi officielle correspondre le plus au zénith du soleil. Elément arbitraire, déjà à l’époque : la Belgique a choisi le fuseau horaire de Paris, continentale (+ 1 par rapport au méridien de Greenwich) pour des raisons de facilité. En réalité, le décalage horaire entre Bruxelles et Greenwich n’est que de 20 minutes. Quand le soleil est au plus haut point à Bruxelles, il est encore en train de monter à Greenwich. Avec l’heure d’été, introduite en 1977, l’heure de Bruxelles correspond à Greenwich + 2. “L’heure d’hiver est beaucoup proche de la vraie heure que l’heure d’été, remarque donc Lê Binh San Pham, porte-parole de l’Observatoire royal de Belgique. Avec l’heure d’hiver, il y a 20 minutes de décalage entre Bruxelles et Greenwich, avec l’heure d’été, il y a tout d’un coup 2 heures de décalage, c’est beaucoup moins réaliste.”
Avantages. Et pour notre corps ? Selon que ce soit le somnologue ou le psychologue-psychothérapeute qui parle, Roland Pec ( Unité de sommeil à domicile “DOMO SleepWell” ) a deux réponses différentes. Sous la casquette du somnologue, le bon choix pour lui est “très clairement celui de l’heure d’hiver”. “Cette option serait la plus souhaitable parce que l’heure d’hiver est la plus ‘vraie’. Lorsque l’on passe à l’heure d’été, nous avons deux heures de retard par rapport au soleil. On s’écarte donc encore plus de ce qui est naturel”. Pour le somnologue, le fait d’avoir le soleil qui se lève le matin, plut tôt, et qui correspond à la réalité géophysique, est ce qui est le plus souhaitable. “Car l’horloge biologique est régulée par l’heure du lever et la lumière du jour qui va frapper la rétine. Ce qui permet de la remettre quotidiennement à l’heure, c’est d’avoir de la lumière à la même heure tous les jours. Idéalement, le matin quand on prend son petit-déjeuner. Si c’est plus compliqué en hiver, plus on va avoir de jours où l’on peut réunir ces conditions, mieux c’est pour l’horloge biologique. En plus des répercussions sur le sommeil, la vigilance et les performances cognitives, une horloge biologique qui retarde peut donner de la dépression ainsi que toute une série de symptômes psychiques, uniquement à cause de la physiologie.”
Inconvénients : S’il l’on conserve l’heure d’hiver, toute l’année, la nuit arrivera beaucoup plus rapidement en été. Exemple : avec l’heure d’été, fin juillet, le soleil se couche vers 21 heures 30 (il fait noir à 22 heures), avec l’heure d’hiver permanente, il se couchera à 20 heures 30. Le 21 juin, le soleil - heure d’été - se couche à 22 heures ; il fait noir à 22 heures 46. Avec l’heure d’hiver permanente, même au solstice, il ferait donc noir avant 22 heures. Fin août, avec l’heure d’hiver il ferait noir vers 20 heures. “Pour certaines personnes, c’est moins gai, car elles préfèrent avoir de longues soirées, mais ce n’est qu’un changement d’une heure”, relève Mme Pham.

L'heure d'été permet davantage de rapports sociaux
Avec l’heure d’été, instaurée en 1977, concrètement, on renonce à une heure de clarté tôt le matin pour la transposer en fin de journée, les heures d’activité correspondraient ainsi davantage aux heures d’ensoleillement. “On décale tout d’une heure vers l’avant. Au lieu qu’il soit 8 heures, il est 9 heures. Le but est d’avoir des soirées éclairées plus longues que l’on aurait normalement en été, pour prolonger les journées d’été. Afin d’avoir moins besoin d’allumer les lampes”, détaille Lê Binh San Pham, de l’Observatoire royal de Belgique.
Avantages : Le soleil se coucherait plus tard en hiver. Avec l’heure d’hiver, le 21 décembre (le jour le plus court) 2018, le soleil se couchera à 16 heures 39, et il fera noir à 17 heures 18. Avec l’heure d’été permanente, il ferait clair jusque 18 h 18.
En terme d’énergie, l’expert Damien Ernst (Université de Liège ) voit les avantages du côté de l’heure d’été permanente : “parce qu’en terme de charge de l’éclairage, il y a de toutes petites économies, vous éclairez plus le matin, mais moins le soir ( l’heure d’été actuelle pourrait permettre entre 0, 5 et 2,5% d’économie en fonction des pays, selon une étude européenn, NdlR), mais surtout il y a le fait qu’avec l’heure d’été, le pic de consommation du soir va être un peu plus aligné - même si ce ne sera qu’une heure de décalage - sur la production d’électrcité des panneaux photovoltaïques, qui sont le futur du renouvelable en Belgique. C’est ce pic de consommation quand les gens rentrent, allument tout et commencent à cuisiner qui pose problème sur nos réseaux électriques”.
Quant à Roland Pec, lorsqu’il prend la casquette du psychologue, il “rejoint probablement plus l’homme de la rue” et choisit l’heure d’été. “Psychologiquement, cela fait beaucoup de bien d’avoir des soirées qui s’ouvrent. Avoir davantage de luminosité en soirée permet d’avoir plus de rapports sociaux, d’aller sur des terrasses, de faire une série de choses qui font du bien au moral. Il est certain que, psychologiquement, l’heure d’été est en général accueillie avec enthousiasme. Là, il y a un antagonisme car, d’un côté, il y a l’horloge biologique qui va jouer contre le moral et de l’autre côté il y a l’aspect purement relationnel, émotionnel, sensoriel, relationnel et symbolique, qui va booster le moral.”
Inconvénients. Problème : il ferait aussi alors plus sombre plus longtemps le matin. “Le soleil se lèverait en effet après 9 heures, note Mme Pham. Le 21 décembre, le soleil se lèverait à 9 heures 42. Mais il fera clair vers 9 heures - cela s’explique par l’effet de la diffusion de la lumière du soleil sous l’horizon dans l’atmosphère -, c’est-à-dire que tous ceux qui vont partir travailler avec un horaire normal, ils vont se déplacer dans le noir. C’est déjà le cas pour beaucoup, mais le pic de la circulation - entre 8 et 9 heures - se fera dans le noir.”

Et donc, en conclusion ?
“Pour tout le monde, arrêter de changer deux fois d’heure sur une année est une bonne chose, que ce soit pour le sommeil, l’état de veille, les performances cognitives et l’humeur. Ce sera un souci en moins, résume Roland Pec. Pour beaucoup de personnes, avoir un bon sommeil n’est déjà pas facile, alors ajouter ces deux épreuves par an ne fait qu’amplifier la difficulté. Tout dépendra en fait des personnes. Certaines seront plus sensibles au niveau de leur horloge biologique. Et donc, pour celles-là, il sera certainement plus souhaitable de passer à l’heure d’hiver toute l’année. C’est-à-dire à l’heure la plus naturelle possible. Alors que pour les personnes qui ont une horloge biologique moins sensible, qui se dérègle moins vite, qui retarde moins, l’heure d’été tout l’année serait plus souhaitable. Cela dépend donc de qui l’on est et ça, on ne le décide pas, c’est génétique à la base. Il n’y a donc pas de bon ou de mauvais choix. L’une ou l’autre option privilégiera l’une ou l’autre personne .”
“En terme de luminosité, il n’y a pas de grands changements, la quantité de luminosité sur la journée reste identique, ajoute de son côté Lê Binh San Pham. C’est une question de préférence individuelle. C’est un débat qui sera difficile à trancher si l’on se base là-dessus. Il y a des gens qui aiment bien se lever avec la lumière, et d’autres disent aussi que les enfants qui se lèvent dans le noir, ça les démotive, et donc l’heure d’hiver leur convient mieux, et d’autres qui préfèrent profiter de la lumière en fin de journée, surtout l’hiver. Car dès qu’ils sortent de leur bureau, il fait noir et voudraient profiter d’un peu de lumière avant de rentrer chez eux.”
Et vous, qu'en pensez-vous ?
52 % pour l’heure d’été sur la libre.be
Sur notre site, à la question “quelle heure souhaiteriez-vous conserver”, vous avez été plus de 3500 à répondre (vers 16 heures, mardi). Plus de la moitié se prononce pour l’heure d’été, environ 35 % pour l’heure d’hiver et quelque 12 % sont sans avis.