Quand l'intestin n'arrive plus à dire au cerveau : "Stop, ne mange plus de gras!"
Publié le 28-01-2019 à 11h00 - Mis à jour le 29-01-2019 à 09h02
:focal(2495x1255:2505x1245)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/REOWWY5VPVDDDGW3GYUX24QA6A.jpg)
Dans le domaine de la recherche sur l'obésité et le diabète, l'équipe du Pr Patrice Cani, chercheur FNRS-Welbio, co-directeur de l'Unité de recherche Métabolisme et nutrition à l'UCLouvain, n'en est pas à une découverte près… La dernière en date, publiée ce lundi dans la revue scientifique Nature Communications, concerne une enzyme (protéine catalysant une réaction biochimique) responsable du message indiquant au cerveau qu'il est temps de s'arrêter de manger.
Les chercheurs de l'UCLouvain ont en effet réussi à cibler cette enzyme, qui dysfonctionne chez les personnes en surpoids ou obèses. Lorsque cette enzyme est absente ou quand elle s'avère moins active suite à une surconsommation de graisses, il y a altération des signaux informant le cerveau qu'il faut arrêter de manger. Le message de satiété est interrompu entre l'intestin et le cerveau. "En d'autres mots, on a perdu un moyen physiologique qu'a l'intestin d'activer dans l'hypothalamus les neurones anorexigènes et qui font dépenser davantage d'énergie au repos", expliquent les chercheurs.

Développement d'un foie gras
L'équipe de l'UCLouvain est en effet la première à avoir découvert qu'un régime riche en graisses altère l'axe intestin-cerveau, via la baisse d'activité d'une enzyme (nommée NAPE-PLD). De ce fait, le corps ne réagissant plus correctement à cette surconsommation de gras, l'appétit n'est plus régulé, avec les conséquences que l'on imagine sur la prise de poids. Au cours de leur thèse de doctorat, Amandine Everard, Hubert Plovier et Marialetizia Rastelli, trois chercheurs FNRS de l'équipe de Patrice Cani ont en outre découvert que les souris qui n'avaient plus cette enzyme dans l'intestin développaient un foie gras, dépensaient moins d'énergie et devenaient obèses. Sans cette enzyme, l'intestin absorbe en effet plus de graisse et donc engorge le foie qui devient stéatosique (gras). "Cela perturbe le microbiote (flore intestinale) qui, à son tour, renforce le cercle vicieux lié à l'obésité", complètent les scientifiques.
Enfin, la recherche démontre également que le fait d'administrer la bactérie Akkermansia chez les souris dépourvues de cette fameuse enzyme, et qui ont de ce fait un axe intestin-cerveau perturbé, permet de faire baisser le foie gras mais aussi de manger moins. Et donc restaurer le dialogue , via le message "Stop, je n'ai plus faim". Rappelons qu'Akkermansia est une bactérie intestinale dont les effets bénéfiques ont été mis à jour par l'équipe de l'UCLouvain du Pr Cani. Elle réduit les effets liés au diabète et à l'obésité chez la souris.
Initiée en 2010 et financée par Welbio-FNRS, le Fonds Baillet-Latour et un European Research Council, cette recherche est essentielle, selon les chercheurs de l'UCLouvain, "car la découverte des effets de cette enzyme ouvre la porte à de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles. Trois pistes sont testées : administrer certaines molécules produites par cette enzyme afin de diminuer l’appétit; activer l’enzyme pour augmenter la production des molécules et donc ses effets; empêcher la dégradation de ces molécules pour garantir leur fonctionnement".