Lasers, robots, implants: ces évolutions vont bouleverser l'ophtalmologie et votre vision
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Publié le 25-08-2019 à 11h57 - Mis à jour le 25-08-2019 à 10h16
S’il est une discipline médicale en constante évolution, il s’agit bien de l’ophtalmologie. Domaine de la médecine s’intéressant à l’oeil, elle a connu ces dernières années des changements radicaux dont peu d’autres disciplines peuvent se vanter. Entre l’apparition de nouvelles technologies et la constante amélioration des traitements, l’ophtalmologie offre à ses patients une prise en charge profondément différente aujourd’hui de celle qui leur était proposée il y a 20 ans. Et cela sera encore le cas dans les années à venir, puisque le secteur s’attend à des changements conséquents, que ce soit au niveau du diagnostic, de la chirurgie, des traitements ou même encore du coût des soins. Implants multifocaux, intelligence artificielle, lasers: dans le cadre de son dossier “C’est pour demain”, LaLibre.be vous donne un aperçu de l’avenir que nous réserve ce domaine médical à la pointe de l’innovation.
Les troubles de la vision constituent plus que jamais un phénomène omniprésent dans notre société. Selon une enquête menée par le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE), quelque sept Belges sur dix ont des problèmes de vue. Si l’apparition des smartphones n’a pas aidé, l’omniprésence des écrans dans nos vies, que ce soit à la maison ou au travail, a également joué un rôle dans cette détérioration de la vision. Mais face à ce problème grandissant, l’ophtalmologie offre un éventail de plus en plus varié de solutions avantageuses pour le patient, lui permettant parfois même de supprimer tout problème existant. Cet éventail qui ne cesse de s’agrandir au fil des ans devrait connaître un véritable essor dans les années à venir. Deux évolutions majeures sont particulièrement attendues dans le domaine de la chirurgie ophtalmique. Celles-ci concernent les implants et les opérations au laser.
Le Saint-Graal de l’ophtalmologue
Les implants sont déjà fréquemment utilisés en chirurgie, lors de l’opération de la cataracte (une opacification du cristallin due à l’âge que rencontrent nombre de personnes âgées) ou simplement dans des opérations permettant d’améliorer la vision. Actuellement, 90% des implants utilisés dans la chirurgie de la cataracte sont des implants monofocaux, c’est-à-dire qu’ils corrigent uniquement, à terme, la vision de loin - le patient reste donc presbyte et doit continuer à porter des lunettes. “Il faut s’attendre à de grandes évolutions à ce niveau-là dans les dix prochaines années, estime le docteur Vincent Qin, ophtalmologue aux cliniques Chirec. Nous parlons énormément d’implants multifocaux, c’est-à-dire d’implants qui permettront aux patients d’à la fois voir de loin et de près. De nombreuses firmes s’attellent à trouver ce qui est considéré en ophtalmologie comme le Saint-Graal, mais nous n’en sommes qu’aux balbutiements”. Car, en effet, si ces implants existent déjà, ils provoquent encore certains effets secondaires non-négligeables tels que des halos de lumière, des glares,...
“À ces complications, s’ajoute l’important coût de l’intervention, explique l’ophtalmologue. Alors que les implants monofocaux sont entièrement remboursés par l’INAMI, les multifocaux sont aux frais du patient qui doit débourser presque 1.000 euros, en plus du prix de l’opération”. Des freins pour les malades qui pourraient bien disparaître dans les années à venir. “Un implant multifocal verra probablement le jour, sans les effets secondaires que nous connaissons actuellement, espère Vincent Qin. Il permettra à la fois de voir de près, en distance intermédiaire et de loin, et ce sans effets optiques indésirables. Les personnes qui y auront recours pourront définitivement mettre leurs lunettes à la poubelle”.
Un monde sans lunettes?
Pour les patients qui souhaitent d’ores et déjà ne plus porter de verres correcteurs, il existe actuellement les opérations au laser, au-delà des implants. Il s’agit en quelques mots de polir la cornée de l’oeil pour supprimer la myopie, l'astigmatisme, l'hypermétropie et la presbytie. Cette chirurgie réfractive au laser touche des personnes plus jeunes, sans cataracte, qui souhaitent davantage de confort dans leur vie quotidienne. Deux types de laser sont majoritairement utilisés: le LASIK et la PRK. Tous deux offrent des résultats plus que satisfaisants, mais un troisième type de laser est en train de voir le jour: le SMILE. “Celui-ci ne requiert pas d’ouvrir la cornée et pourrait donc offrir plus de solidité à cette dernière”, détaille le docteur Qin. Une méthode qui est à l’étude en Belgique mais qui, à son aboutissement, pourrait encore améliorer la qualité des opérations au laser et, dès lors, augmenter l’entrain déjà existant pour ce type de chirurgie réfractive.
Est-ce à dire que, dans quelques dizaines d’années, plus personne ne portera de lunettes? “On en est encore loin, mais c’est ce vers quoi nous tendons, en effet, estime Vincent Qin. Les personnes qui porteront des verres correcteurs seront de moins en moins nombreuses. Toutefois, tout le monde ne sera pas sans lunettes car cela a un coût de se faire opérer”. L’ophtalmologue s’attend tout de même à ce que le prix de telles opérations finisse par diminuer, élargissant le champ de clients qui pourraient alors opter pour cette solution.
Des médicaments qui s’autodosent
Il existe un autre domaine de l’ophtalmologie qui devrait connaître de grands bouleversements dans un futur plus ou moins proche: celui des médicaments. “Les traitements pour le glaucome (NDLR: maladie dégénérative du nerf optique (causée par une pression intraoculaire trop élevée) qui peut entraîner la cécité) et la DLMA (NDLR: dégénérescence maculaire liée à l’âge) vont radicalement évoluer”, pronostique Vincent Qin, ophtalmologue aux cliniques Chirec. Actuellement, le glaucome se soigne par l’application fréquente de gouttes. “C’est très fastidieux, surtout pour les patients plus âgés qui doivent parfois en mettre tous les jours, 3 à 4 fois, regrette le médecin. Résultat: certains ne prennent pas bien leur traitement et cela ne fait qu’empirer leur état”. Mais selon lui, les soins s’amélioreront dans les années à venir. “Les malades devront appliquer les gouttes moins souvent car ces dernières seront plus efficaces sur le long terme”, espère le docteur Qin. Mais un autre changement révolutionnaire facilitera la vie des personnes atteintes d’un glaucome. “Des systèmes avec capteurs de pression intraoculaire qui permettront de mesurer de façon automatisée la pression dans l’oeil sans aucune aide extérieure apparaîtront, postule Vincent Qin. Ils rendront ensuite un feedback direct. Un peu comme un tensiomètre automatique à la maison, mais pour la pression dans l'oeil, qui alertera le malade et lui dira si son traitement est nécessaire à ce moment précis."
Les patients atteints d’un glaucome ne sont pas les seuls à devoir actuellement suivre un traitement fastidieux. La DMLA, une autre maladie très fréquente, première cause de cécité irréversible dans les pays développés, se soigne difficilement de nos jours. “Jusqu’à il y a une dizaine d’années, on ne savait pas faire grand-chose, raconte l’ophtalmologue. Mais il existe désormais des injections qui permettent de limiter, voire de réversibiliser la maladie. Des piqûres de médicament ‘antiVEGF’ sont administrées dans l’oeil du patient à peu près une fois par mois, ce qui implique qu’il doive se déplacer et fréquemment voir son médecin”. Une fréquence d’administration qui diminuera dans les années à venir et une efficacité pharmacologique qui augmentera avec la recherche dans ce domaine selon Vincent Qin. “Encore une fois, cette possible amélioration aura un impact majeur sur la qualité de vie des malades”, se réjouit le docteur.
Les machines prennent le contrôle des diagnostics
Comme c'est le cas pour beaucoup d’autres domaines, l’intelligence artificielle risque de venir bouleverser le monde de l’ophtalmologie. Support pour le spécialiste, elle appuiera le diagnostic de ce dernier, voire même le prendra en charge de A à Z. “On utilisera des réseaux de neurones artificiels pour extraire des données spécifiques et classifier les images recueillies, détaille Vincent Qin. En gros, l’ordinateur émettra un diagnostic que l’ophtalmologue n’aura qu’à évaluer et/ou valider”. Une avancée de taille qui fera gagner un temps précieux au médecin qui pourra traiter de façon plus efficiente. Si cette forme de robotisation de la profession a de quoi faire rêver, elle inquiète également. Peut-on imaginer à terme que notre médecin soit remplacé par une machine? Est-ce la fin pour les ophtalmologues? “Il est certain que l’intelligence artificielle va changer en profondeur l’exercice de notre profession, constate le docteur Qin. De là à disparaître, je ne pense pas. Tout ce qui sort d’une machine doit être validé par un spécialiste. A celà s'ajoute l'indispensabilité de la relation thérapeutique avec le patient. Cela va simplement accélérer la prise en charge des patients, modifier nos pratiques de travail, mais certainement pas remplacer le médecin”.