Bientôt tous bloqués sur Terre, entourés de débris en orbite lancés à folle allure?
Envois d’engins hors de notre atmosphère, projets de "panneaux publicitaires" en orbite, idées mégalos, accidents, destructions de satellite pour prouver sa puissance : autant d’exemples qui font que l’espace entourant la Terre est ou sera de plus en plus pollué. Une situation qui pourrait dégénérer et nous faire "étouffer" sur Terre.
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Publié le 08-09-2019 à 11h58 - Mis à jour le 05-01-2022 à 15h46
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Envois d’engins hors de notre atmosphère, projets de "panneaux publicitaires" en orbite, idées mégalos, accidents, destructions de satellite pour prouver sa puissance : voilà autant d’exemples qui font que l’espace entourant la Terre est ou sera de plus en plus pollué. Une situation qui pourrait dégénérer et nous faire "étouffer" sur Terre. C'est d'ailleurs le scénario envisagé, nommé "Syndrome de Kessler", il y a de nombreuses années par un scientifique américain.
Les objets en orbite autour de la Terre se multiplient, les "déchets" aussi. Et ces déchets, ou débris, pourraient causer de sérieux problèmes ici-bas. Comme nous rendre incapables de lancer de nouvelles fusées, d’envoyer et ou même de maintenir les satellites de communication, de GPS et autres outils dont nous sommes plus que dépendants.
Ces débris issus de vieux satellites, de restes de fusées ou de collisions d’engins placés en orbite constituent donc une menace à long terme. D’ailleurs, ce mardi 3 septembre 2019, l’Agence spatiale européenne a réussi à éviter un accident avec un satellite Starlink de SpaceX (entreprise créée par Elon Musk). Heureusement.
Pire, en mars dernier, l’Inde a voulu prouver qu’elle était capable de détruire un satellite en orbite. Elle a donc envoyé un missile droit dessus et l’a fait exploser. Résultat ? Des centaines de débris issus de l’explosion, des grands et des moins grands (quasi indétectables lorsqu’ils font moins de 10 cm), circulent à présent autour de la Terre. Un danger pour les autres satellites présents sur cette orbite, puisque ceux-ci pourraient percuter et détruire en partie ou totalement d’autres satellites. Surtout lorsqu’on prend en compte leur vitesse – entre 7 et 11 kilomètres par seconde – qui transforme le moindre objet de petite taille en un projectile extrêmement véloce et dangereux.
Et s’il y a collision, cela pourrait engendrer d’autres débris et faire monter le risque d’accidents de manière exponentielle.
Cette possibilité d'accidents à la chaîne a été théorisée il y a déjà plus de quarante ans, en 1978, par Donald J. Kessler, un astrophysicien américain, qui a donné son nom à ce "phénomène" : le syndrome de Kessler.
Pour résumer, une collision entre deux appareils provoque plusieurs débris, qui eux-mêmes provoquent par la suite une multitude de nouveaux impacts et donc de débris en rencontrant d'autres engins, et ainsi de suite. Le scénario catastrophe. C'est d'ailleurs de cette théorie que le film "Gravity" s'est inspiré.
Alors, si la situation n’est pour le moment pas catastrophique, elle demeure inquiétante.
On estime actuellement à 20.000 le nombre de débris "repérables" de plus de 10 cm en orbite autour de la Terre. En dessous de cette taille, c’est en millions de débris (de quelques millimètres à quelques centimètres) que cela se compte.

Les scientifiques cherchent encore comment protéger de manière idéale (entendez pas trop coûteuse et ne gênant pas les démarches scientifiques) les satellites d’impacts de débris par divers moyens. Un blindage à toute épreuve serait la plupart du temps trop lourd à envoyer dans l’espace et trop dangereux lors du retour dans l’atmosphère terrestre.
Voilà pour les débris. Mais les collisions entre engins sont aussi à éviter. Pour l’instant, une seule a été répertoriée, celle entre les satellites Iridium-33 et Kosmos-2251, le 10 février 2009. Une collision à plus de 11km par seconde. Deux satellites d’entreprises de communication se sont percutés et cela a provoqué des traînées de débris. Les calculs les estiment à environ 600.
Ces accidents sont rares car, généralement, les entreprises responsables sont prévenues par les différents organes de surveillance des débris spatiaux et elles opèrent des modifications d’altitude pour éviter le point de rencontre. Mais l’erreur reste possible.
Si on prend en compte l’ensemble des débris (en millions), les chiffres peuvent sembler affolants. Pourtant c’est beaucoup et peu à la fois étant donné "l’espace" que cela représente autour de la Terre.
Mais la multiplication des engins envoyés en orbite peut nous laisser imaginer le pire. Surtout lorsqu’on voit certains projets parfois utiles, parfois futiles et parfois complètement fous.
Quelques projets "hors normes"
Dans le genre inutile mais symbolique, on se souvient de la voiture Tesla d’Elon Musk envoyée dans l’espace en février 2018 avec un mannequin à bord. Un gros coup de communication onéreux mais qui a fonctionné, puisque l’image a fait "le tour du monde".
À la décharge d’Elon Musk, ce lancement ne représente pas de danger pour les satellites en orbite autour de la Terre puisque la voiture a été lancée de telle sorte qu’elle se mette en orbite autour du Soleil. Peu ou pas de chance qu’elle se retrouve à graviter autour de la Terre donc.
Dans le genre plus inquiétant, une entreprise russe, Star Rocket, est pour sa part en train de développer des satellites publicitaires qui pourraient d’une part illuminer – polluer ? - le ciel nocturne avec des panneaux publicitaires visibles "par plus de 7 milliards d’êtres humains" comme le dit son site web. Et d’autre part encombrer l’orbite terrestre avec ces objets à destination purement commerciale sans plus-value technique.
D’ailleurs, Pepsi, qui avait un temps envisagé d’investir dans le projet, a vite retiré ses billes du jeu lorsque le "bad buzz" a commencé à pointer le bout de son nez.
Le principe ? Envoyer des satellites dotés de voiles miroir et les déployer de façon à former des mots, des formes, des logos, en les coordonnant entre eux. Placés en orbite, de nuit, ils refléteraient la lumière du Soleil pendant une partie de la nuit, sur une partie du globe. Imaginez, une nuit étoilée… et un logo d’une marque quelconque visible par les noctambules. On en est là.
Dans le même principe, récemment, un Chinois du nom de Wu Chunfeng, qui travaille dans le secteur aérospatial dans la ville de Chengdu, dans le Sichuan, a annoncé vouloir placer une lune artificielle en orbite basse (environ 360 km d’altitude, comme la Station Spatiale Internationale) d’ici 2020. Le but serait d’illuminer la zone où est située Chengdu grâce à cette lune artificielle (une sorte de miroir en fait). Cette lune artificielle pourrait produire une lumière jusqu’à huit fois supérieure à celle renvoyée par la pleine lune. De quoi donner une sensation de fin de journée et… économiser énormément d’argent en éclairage public.
Une idée pas si récente puisque la Russie soviétique avait déjà développé ce genre de projets dans les années 1980-1990. À l’époque, ce n’était pas l’économie d’énergie qui était visée principalement, mais la prolongation de la journée à des fins productivistes. Plus de temps de jour, plus de travail potentiel et plus de productivité. Un projet finalement avorté.
Plus récemment, et avec une visée plus utilitariste disons, les satellites Starlink de SpaceX (dont l’un a failli rentrer en collision avec un satellite de l’ESA comme dit précédemment) ont été mis en orbite basse (entre 340 et 1200 km d’altitude) pour donner accès à Internet à travers le monde sans passer par le câble ou les satellites géostationnaires. Il faut savoir que les satellites géostationnaires sont placés beaucoup plus loin en orbite, à 36.000 km. Leur déplacement suit la rotation de la Terre de sorte qu’ils semblent "fixes" dans le ciel. Mais la distance donne un temps de réaction plus important (de l’ordre de 600 ms) que les Starlink (25 à 35 ms). Mais deux principaux points négatifs se dégagent.
Le premier : ces satellites Starlink doivent former une "constellation" qui se déplace en orbite basse afin d’offrir cette rapidité de réaction au signal. Une constellation en mouvement qui empêchera donc d’avoir une visibilité du ciel nocturne idéale à certains points du globe pour les observateurs d’étoiles.
Le deuxième : en 2018, une soixantaine de satellites ont été envoyés en orbite. Une collision, même si peu probable a priori, a déjà été évitée. Pourtant, le projet prévoit d’envoyer jusqu’à… 12.000 satellites. Rien que ça.
A titre de comparaison, il y a environ 2600 satellites actifs actuellement en orbite autour de la Terre... "seulement".
Ces exemples donnent donc le tournis. Sans être alarmiste, il est important pour l’être humain de faire en sorte de ne pas se retrouver bloqué sur Terre par ces déchets "volants". Une problématique connue depuis de nombreuses années mais qui, visiblement, n’est pas encore prise en compte par toutes les puissances "spatiales".
Enfin si tout un temps, on envoyait des satellites sans trop se soucier de leur fin de vie, il est désormais exigé que tout objet envoyé dans l’espace le soit avec un plan de fin de vie. La plupart du temps, il s’agit de conserver une réserve d’énergie suffisante pour le ramener vers l’atmosphère terrestre afin qu’il s’y désintègre.
Mais sans cela, et avec tout ce qui se trouve déjà dans l’espace, on risque de se retrouver avec des orbites saturées, où les objets ne subissent pas ou trop peu de frottements pour qu’ils soient ralentis et donc attirés par la gravité terrestre, seul moyen de se débarrasser de ces engins morts. Les placer en orbite plus élevée nécessiterait plus d’énergie et les envoyer au-delà n’est donc même pas concevable si ce n’était pas prévu à la base. À terme, dans les prochaines décennies, on pourrait donc bel et bien se retrouver bloqués sur Terre si on ne trouve pas de solutions.
L’ESA a bien envoyé son premier satellite de "nettoyage" expérimental en 2018, appelé RemoveDebris. Reste à voir si les tests seront concluants et suffisamment efficaces pour pallier ce problème de pollution.
