Cet été, les Terriens envahissent la planète Mars : "On a une fenêtre de tir à peu près tous les deux ans"
Ce 14 juillet vers 22 heures 50 devait avoir lieu le premier tir de la salve de missions spatiales qui s’envoleront vers la planète Mars cet été. Les Emirats arabes Unis qui lanceront vers la planète rouge la sonde appelée “Al-Amal”, ou “Hope” en anglais ont dû toutefois reporter ce moment historique en raison d'une mauvaise météo à ce dimanche 19 juillet.
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Publié le 14-07-2020 à 07h05 - Mis à jour le 19-07-2020 à 22h50
Objectif de la mission: fournir une image complète de la dynamique météorologique de l’atmosphère de Mars et ouvrir la voie à des percées scientifiques. “Les Emirats arabes unis ont compris que l’espace est très important pour leur développement et leur durabilité. C’est un pont vers l’avenir”, déclare Mohammed al-Ahbabi, directeur général de l’Agence spatiale du pays, qui investit dans le spatial depuis 15 ans. Il s’agit toutefois d’une collaboration avec le Japon, car c’est depuis et par ce pays que la sonde sera lancée.
Une semaine plus tard (sans doute le 23), ce sera au tour de la Chine, qui pour la première fois, tentera de faire atterrir un petit rover sur Mars, afin de chercher des traces de vie. Puis ce sera le moment de la mission la plus ambitieuse, américaine Mars 2020 le 30 juillet pour faire atterrir un véhicule conçu pour explorer sa surface, le rover Perseverance. Une quatrième échappée russo-européenne était programmée, “ExoMars” et son robot de forage, mais a dû être reportée à 2022.

Le moment choisi pour ces missions concomitantes n’est pas un hasard. En raison de la mécanique céleste, les agences ne disposent qu’une fenêtre d’un mois pour réaliser le lancement. Sinon, ils devront retenter leur chance... dans deux ans. “On a une fenêtre de tir à peu près tous les deux ans. La Terre tourne autour du soleil en un an, Mars tourne autour du soleil en un peu moins de deux ans, explique l’ancien ingénieur de l’Esa et candidat astronaute Vladimir Pletser, également membre de la Mars Society, qui promeut l’exploration martienne. Comme les planètes n’occupent pas toujours la même place sur leur orbite car la Terre tourne plus vite autour du Soleil que Mars, il faut qu’elles soient en conjonction, c’est-à-dire le plus proche l’une de l’autre au moment où on va lancer une sonde de l’orbite de la Terre vers celle de Mars. Pour être certain que le voyage ne dure que 6 à 8 mois (55 millions de kilomètres, NdlR). Théoriquement, on pourrait envoyer une sonde quand on veut, mais le voyage durerait plus longtemps, coûterait plus cher, demanderait plus de carburant etc... Durant cette fenêtre d’environ un mois, les paramètres orbitaux changent relativement lentement au début, puis de plus en plus vite. On peut compenser, mais jusqu’à un certain point.” La Nasa s’est donnée jusqu’au 15 août pour lancer sa mission, qu’elle a déjà reportée plusieurs fois de quelques jours.
Si les prétendants sont si nombreux, ce n’est pas un hasard non plus : “La conquête de Mars est à l’ordre du jour depuis plus d’un demi-siècle, Mars est toujours d’actualité, reprend Vladimir Pletser. C’est la planète proche de nous la plus intéressante d’un point de vue recherche de la vie et possibilité de vie. Et c’est également une planète, qui potentiellement, pourrait être habitable, c’est-à-dire qu’on pourrait y installer une base permanente. Je mets tout au conditionnel, car cela va prendre du temps, bien sûr. C’est très attirant pour les scientifiques.” Ce qui est intéressant, poursuit-il, c’est que jusqu’il y a peu, le club des puissances spatiales capables d’envoyer des missions vers Mars était assez limité : Américains, Russes, puis Européens, puis les Chinois, les Japonais. Et maintenant, on a des nouveaux acteurs, comme l’Inde et donc les Emirats arabes Unis. C’est aussi une bénédiction d’avoir plusieurs missions en parallèle : on peut regarder en même temps vers un même but, mais avec des instruments différents. Si on a des résultats concordants, la crédibilité des découvertes en est augmentée. Et on multiplie aussi tes chances d’arriver.” Car c’est toujours un immense défi d’aller vers et sur Mars. “Poser en douceur quelque chose à la surface de Mars, c’est des milliers de fois plus compliqué que poser quelque chose en douceur à la surface de la Lune : c’est plus loin, il n’y a pas de contrôle direct car le temps de transmission d’un signal est de 40 minutes, l’atmosphère peu dense de Mars est beaucoup difficile à gérer que l’atmosphère sur la Terre et l’absence d’atmosphère de la Lune. Quant à Hope, c’est moins compliqué que d’atterrir sur Mars, mais pour une première fois, arriver en orbite autour de la planète Mars, ce serait déjà une réussite fantastique. Si c’est un succès, çela montrerait qu’il y a une nouvelle puissance spatiale qui peut briguer au titre d’explorateur planétaire. Il faut applaudir des deux mains”.

Les Américains sont ceux qui ont réussi à lancer le plus de missions martiennes, et totalisent le plus de succès. Quant à la Chine, elle est désormais technologiquement totalement à la hauteur de réussir cette mission, estime Vladimir Pletser."Ils ont par exemple pu déposer un rover sur la face cachée de la Lune. Si la Chine arrive à atterrir sur Mars, qu’ils démontrent qu’ils sont arrivés à maîtriser tous éléments de cette mission, c’est fantastique. Il est évident que le gouvernement chinois va claironner là-dessus, avec raison!” Ils pourraient alors faire jeu égal avec les Américains. Les efforts spatiaux, y compris les missions scientifiques, ont toujours une dimension géopolitique...