Pour ramener des échantillons de Mars sur Terre, le système robotique le plus complexe jamais construit
Le lancement du robot mobile américain Perseverance, ce 30 juillet, marque le début d’un projet pharaonique et qui semble frôler la science-fiction: envoyer sur la planète Mars un robot afin qu’il prélève, guidé depuis la Terre, des échantillons de roches. Ils seront placés dans de tubes qu’il scellera, stockera et déposera par petits tas sur place. Quelques années plus tard, un autre rover viendra collecter ces échantillons, et ils seront récupérés en orbite via une troisième mission. Celle ci ramènera les tubes étanches sur Terre, afin qu’ils soient analysés en laboratoire pour y chercher des traces de vie.
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Publié le 14-07-2020 à 07h07 - Mis à jour le 19-07-2020 à 22h43
Des traces de vie ancienne. Si dans les années 70, deux atterrisseurs américains du programme Viking démontrent qu’il n’y a pas de vie présente en surface de ce grand désert glacé, les années 2000 ont néanmoins apporté la preuve que de l’eau liquide - présupposé de la vie avec la présence de lumière et de carbone - y avait coulé en quantité dans le passé. Plus tard, le rover Curiosity a prouvé que les conditions pour le développement d’une forme de vie avaient été réunies il y a environ 3, 5 milliards d’années : eau liquide, chimie organique à base des six éléments chimiques essentiels (C-H-N-O-P-S) constituant les êtres vivants, réserve d’énergie.

A la recherche de cholestérol
Concrêtement, le robot Perseverance a pour objectif de confirmer cette habitabilité passée découverte par Curiosity et d’aller recherche des biosignatures qui seraient des traces d’une forme de vie ou des composés qui auraient pu préparer son émergence : la chimie prébiotique. “On associe souvent les deux car on ne sait pas eu s’il y a une forme de vie ou pas sur Mars (de la vie microbienne, ndlR), mais on pense qu’il a pu raisonnablement y avoir de la chimie prébiotique, nous détaille Michel Viso, expert de l’exobiologie au Cnes, l’agence spatiale française, qui participe à la mission américaine. Cela consiste donc à rechercher des traces d’événements qui se sont produits il y a environ 4 milliards d’années. La chimie prébiotique est la fabrication par des réactions chimiques traditionnelles, de composés chimiques qui ont des squelettes de carbone importants, c’est-à-dire de longues chaînes carbonées.
Certains produits sont très spécifiques de la vie, comme le cholestérol par exemple. Si on découvre sur Mars du cholestérol ou un de ses produits de dégradation, cela veut dire que cela a été fabriqué par quelque chose de vivant. Certains composés pourraient avoir été produits par un système chimique avec des réactions assez évoluées pour se rapprocher de ce qui pourrait à un moment donné devenir vivant.”Concrètement, le robot Perserevance a pour objectif de confirmer cette habitabilité passée et d’aller recherche des biosignatures qui seraient des traces d’une forme de vie ou de chimie prébiotique. “On associe souvent les deux car on ne sait pas eu s’il y a une forme de vie ou pas sur Mars (c’est-à-dire de la vie microbienne, sous forme fossilisée, ndlR), mais on est pense qu’il pu avoir raisonnablement de la chimie prébiotique, nous détaille Michel Viso, responsable de l’exobiologie au Cnes, l’agence spatiale française, qui participe à la mission américaine. Cela consiste donc à rechercher des traces d’événements qui se sont produits il y a environ 4 milliards d’années. La chimie prébiotique est la fabrication par des réactions chimiques traditionnelles, de composés chimiques qui ont des squelettes de carbones importants, c’est-à-dire de longues chaînes carbonées. Des produits très spécifiques de la vie, comme le cholestérol. Si on découvre sur Mars du cholestérol, cela veut dire que cela a été fabriqué par quelque chose de vivant. Ou qui a assez de réactions évoluées pour se rapprocher de ce qui pourrait à un moment donné devenir vivant.”
Oeil perçant français
La mission a-t-elle une bonne chance de trouver ces biosignatures ? “Savoir si nous sommes seuls dans l’Univers - seuls en tant que cellules, pas en tant qu’êtres humains - agite depis longtemps l’humanité. La première question, c’est de se dire : on ne sait pas, mais est-ce que c’est possible ? Et on s’aperçoit, quand on regarde l’histoire de Mars, que Mars et la Terre ont eu une période humide en même temps. Il n’est donc pas du tout impossible que, sur Mars, se soit développée la même chose que sur Terre, au moment qui a précédé l’émergence de la vie. Ce début, sur Terre, a disparu (par la tectonique des plaques), alors que sur Mars, il a des chances d’être conservé ou que des traces en aient été conservées. Mars a, en effet, gardé des terrains très anciens. C’est le seul endroit du système solaire où je peux raisonnablement aller chercher quelque chose.
Perseverance sera doté de plusieurs instruments destinés à analyser la composition chimique du sol martien à un haut niveau de détail. Entre autres Supercam, l’instrument dont le Cnes est responsable. Cet “oeil perçant” utilise un laser capable d’analyser la composition des roches. Les scientifiques peuvent ainsi explorer la diversité chimique et minéralogique des sites traversés par le rover. Ils utiliseront ces informations pour le choix des endroits où des carottes de roche ou de sol seront prélevées avec le système de collecte d’échantillons du rover.
Tas de crottes de bique
Dans le cratère Jezero où il atterrira, Perseverance devra en effet collecter plusieurs dizaines d’échantillons. Trois instruments robotiques travailleront de concert : un bras robotique capable de forer légèrement dans le sol, un autre robot qui transfère l’échantillon du bras vers les tubes à l’intérieur du rover, où un autre bras robotisé prendra l’échantillon, le scellera et le stockera. Le tout en quelques heures et dans un environnement complètement stérile. Un système robotique décrit comme le plus complexe jamais construit. “Le prélèvement est bien sûr robotisé, mais ce n’est pas automatisé, précise Michel Viso. Tous les jours, comme pour Curiosity - cela se passera en partie à Toulouse -, les scientifiques se réuniront pour décider collectivement de ce que le rover devra faire le lendemain et quels instruments vont être mis en oeuvre. Ensuite, les ingénieurs écrivent les lignes de programme informatique, envoyé à la sonde autour de Mars qui l’envoie au rover. C’est donc télécommandé. On se base sur des images 3D du terrain, qui déterminent la taille des rochers, l’inclinaison du sol etc. Normalement, pour Perseverance, il faut que dans les deux ans terrestres, on ait prélevé 20 échantillons. C’est l’objectif que donne la Nasa. Il n’y a que 43 tubes qui peuvent être prélevés, et seuls 31 peuvent être ramenés sur Terre. Je ne vous dis pas les discussions qu’il va y avoir, d’abord sur lesquels on va prélever, et ensuite sur lesquels on laisse !” Une chercheuse belge aide d'ailleurs à sélectionner les endroits les plus pertinents.

Le rover devra à un moment “lâcher” les échantillons qu’il conserve en son sein. “Le danger, c’est que s’il y a une panne électrique sur le rover, ce serait quand même idiot d’avoir collecté 40 tubes et de ne pas pouvoir les sortir... L’idée - rien n’est décidé - c’est qu’à parti d’un certain nombre de tubes collectés, le rover les dépose à un endroit donné à la surface de la planète, accessible, en un sorte de tas. J’appelle ça le système “crotte de biques”. C’est l’ancien vétérinaire qui parle ! La grosse crainte, c’est en effet la panne, qu’on ne comprend pas et sur laquelle on ne peut rien faire. Sur Mars, on est soumis à des conditions très difficiles. Ce n’est pas mettre la voiture au garage !”
Le calendrier des deux prochaines étapes de ce programme américano-européen n’est pas entièrement déterminé mais les activités de conception ont commencé. L’arrivée des échantillons sur Terre est prévue début des années 2030. Pourquoi ramener des échantillons sur Terre ? Les laboratoires sur terre pourront efectuer des analyses bien plus fines que celles menées à distance grâce aux instruments du rover. “On ne cherchera pas la même chose et pas avec les mêmes moyens. De façon imagée, le rover, c’est un bon laboratoire très bien équipés de 500 m2 et 40 scientifiques. Si on rapporte des échantillons, il y a 200 laboratoires dans le monde qui vont travailler dessus, avec des moyens qui ne sont pas imaginables sur Mars : fluorescence, datation isotopique, synchrotron...” S'il y a quelque chose qui évoque une forme de vie passée ou peut-être présente, c'est à travers l'analyse de ces échantillons sur Terre qu'on sera sûrs de la réponse qu'on apporte, pense Michel Viso.