Le nouveau président Joe Biden repoussera-t-il la date de retour des humains vers la Lune ?
La Nasa et l’Esa se sont accordées pour construire ensemble une station lunaire en orbite à partir de 2024. La Belgique y participera.
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- Publié le 15-11-2020 à 09h13
- Mis à jour le 21-11-2020 à 23h25
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L’Europe fera bien partie de l’aventure lunaire. L’agence spatiale européenne (Esa) vient d’annoncer avoir signé un accord en ce sens avec son homologue américaine, la Nasa. Par le biais de ce "protocole d’entente" datant du 27/10, les États membres de l’Esa (dont la Belgique) vont fournir plusieurs éléments clés du "premier avant-poste de l’humanité en orbite lunaire", connu sous le nom de Gateway.
Pour cette future petite station spatiale orbitant autour de la Lune, les pays européens devront construire les quartiers de l’équipage, avec le module d’habitation longue durée I-Hab, ainsi que le module de communication et de ravitaillement Esprit. Pour le véhicule Orion de la Nasa qui amènera les astronautes vers la Lune, les Européens devront fournir au moins deux modules de service (livrant eau, électricité, oxygène et azote). Les sociétés Airbus et Thales seront chargées de fabriquer ces modules.
De son côté, dans cet accord, la Nasa s’engage formellement à embarquer des astronautes européens lors de trois missions Artemis autour de la Lune. En clair, il y aura trois "opportunités de vol" pour des astronautes européens qui pourront ainsi effectuer une mission à bord du Gateway. "Ce protocole d’entente marque un point critique dans la trajectoire de l’Europe : il confirme que nous prenons le chemin de la Lune, pas seulement par le biais d’équipements et de technologies, mais bien de personnes", a indiqué le patron de l’Esa, Jan Wörner. Cet accord "est un élément critique de l’effort de la Nasa de mener une coalition mondiale vers la Lune. D’autres accords avec d’autres partenaires internationaux pour la Gateway seront établis dans le futur", a déclaré pour sa part la Nasa.

Exclusive chinoise
Chacune des puissances en retire des avantages. En ce qui concerne l’Europe, "l’Esa favorise depuis quelques années l’idée d’une installation humaine à la surface de la Lune, avec le fameux ‘moon village’. Mais l’Europe, elle toute seule, n’a pas les moyens de se lancer dans une telle aventure, au niveau financier, mais aussi technologique. Jusqu’ici, l’Europe n’a jamais construit de lanceur capable de mettre un humain en orbite. Si on veut participer à un projet pareil, il faut le faire dans le cadre d’une coopération internationale. Et il y a un certain nombre d’astronautes européens qui sont en train de se préparer pour des missions au-delà de l’orbite terrestre basse, analyse Gregor Rauw, astrophysicien à l’ULiège. Pour les États-Unis, "c’est assez clair depuis le début, les moyens que les États-Unis sont prêts à investir dans ce projet sont largement insuffisants pour le faire tout seul. Il faut donc une collaboration internationale. Les Américains ne veulent pas que les Chinois participent à leur projet, ils ont mis une exclusive, donc il leur reste en gros les Européens, les Russes et le Japon."
L’impact de l’élection
L’assemblage en orbite et l’exploitation de la mini-station doivent débuter à partir de 2024, date à laquelle l’administration Trump visait "le retour de l’homme et l’arrivée de la première femme à la surface de la Lune" (la Nasa n’a pas encore décidé si ce premier "deuxième pas" lunaire se ferait via la Gateway ou en alunissant directement à partir de la Terre). Beaucoup, dans la communauté scientifique, étaient dubitatifs quant à la possibilité pour la Nasa de respecter ce délai de 2024, que les observateurs estimaient choisi afin que Donald Trump puisse envoyer des humains sur la Lune avant la fin d’un potentiel second mandat. À présent, l’élection de Joe Biden devrait rebattre les cartes, principalement en termes de timing, spécule la presse américaine. Certains pensent aussi que seule la partie alunissage pourrait être concernée. "Barack Obama avait annulé le projet lunaire de Georges W. Bush peu après son arrivée à la Maison-Blanche. Parce que le programme était extrêmement mal défini et peu crédible. Mais ici, depuis le temps, le programme lunaire est revenu de manière assez forte dans les activités de la Nasa ; je ne pense pas que Biden va mettre un terme à ce programme. Par contre ce ne sera pas 2024, juge Gregor Rauw. Ce qui est sûr, c’est que les jours de Jim Bridenstine (nommé par Donald Trump, NdlR) à la tête de la Nasa sont comptés. Au sein de la Nasa, ils vont devoir revoir leurs priorités et faire le point. Faut-il mettre autant d’argent dans le programme lunaire ou le décélerer un peu et transférer de l’argent ailleurs ? Il est clair que Biden aura d’autres priorités que Trump. Trump avait transféré pas mal d’argent de l’observation de la Terre (satellites), vers d’autres projets, notamment le programme lunaire. Biden a clairement fait savoir qu’il ferait de la lutte contre le réchauffement climatique une de ses priorités, ce qui implique un retour de financement vers l’observation de la Terre. Va-t-il prendre de l’argent en plus et le mettre là-dedans ou faire un principe de vases communicants au sein de la Nasa ? C’est difficile à prévoir. Mais il paraît clair qu’il y aura des retards conséquents en termes de réalisation. De toute façon, en spatial, les dates avancées sont rarement celles concrétisées !"