Avec les mégaconstellations de satellites, le nettoyage de l’espace se profile en "gros marché"
Actuellement, il y a plus d’un million de petits déchets d’un centimètre qui tournent autour de la Terre.
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Publié le 02-12-2020 à 07h25
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"Notre satellite Sentinel 1 avait été touché par un tel débris, tout comme la capsule Soyouz transportant l’un de nos astronaute s, avertit Jan Wörner, patron de l’Agence spatiale européenne (Esa). C’est déjà un danger, mais un autre danger vient des débris plus grands, comme des satellites ou des étages supérieurs de fusées. C’est un problème particulier dans l’espace. L’espace est une infrastructure et nous devons garder cette infrastructure propre. Et jusqu’ici, nous ne le faisons pas." Ces déchets ont un coût économique. Non seulement pour leur potentiel de destruction - à une vitesse orbitale, une simple vis peut avoir une puissance explosive - mais aussi à travers les tentatives de les éviter. "On a une centaine d’avertissements pour collisions par jour , souligne Rolf Densing, directeur des opérations à l’Esa. On les analyse et on doit faire une manœuvre d’évitement une fois toutes les deux semaines, sur 20 véhicules. Or cela prend des ressources et le carburant d’un satellite est limité. Le temps d’un satellite est aussi précieux, et durant ces manœuvres d’évitement, vous perdez aussi des données, car vous ne pouvez pas faire les opérations habituelles."
Croissance exponentielle des débris
C’est pour ces différentes raisons que l’Esa a lancé le marché pour ce service de "retrait" de déchets, qui a été remporté finalement par ClearSpace. "Cinq mille satellites se trouvent en orbite actuellement, dont 3 000 sont opérationnels. Mais nous sommes à une époque où des entreprises lancent des méga-constellations, continue Rolf Densing. Un chef d’entreprise comme Elon Musk veut lancer pour sa mégaconstellation des milliers de satellites. En peu de temps, la population de satellites en orbite va donc se multiplier. Nous devons donc trouver un moyen pour gérer cela, et pour utiliser l’espace de manière durable. Plus l’espace est peuplé, plus les probabilités de collision augmentent. Il y a ce qu’on appelle l’effet avalanche qui prédit que la population de débris suivra une croissance exponentielle. Donc on doit éviter les déchets et nettoyer l’espace."
"L’Europe sera au premier plan"
Pour Luc Piguet, co-fondateur et PDG de ClearSpace, vu le développement des mégaconstellations de type Starlink (SpaceX), organiser cette mission maintenant est le bon moment. Et il pense surtout à plus tard. "Notre but est de développer un service commercial. On veut mener des enlèvements de déchets de plus en plus ambitieux. L’idée est de cibler des objets plus grands, par exemple. Les technologies de cette mission ont diverses applications en orbite : apport de carburant ou réparation de satellites en orbite, allonger leur vie en orbite. Un marché qui n’est pas bien servi actuellement. On veut faire baisser les coûts et rendre les services en orbite abordables. On veut servir les constellations qui sont en train d’être lancées actuellement." De son côté, l’Esa, en lançant cette première mission dans un marché encore vierge, espère faire la démonstration de la faisabilité technique, et permettre à ce marché de se développer. "Une des nouveautés de ce projet et ce que nous cherchons à faire ici, c’est développer une nouvelle capacité européenne : conduire des services en orbite, détaille le directeur de l’industrie à l’Esa, le Belge Eric Morel de Westgaver. L’Europe sera au premier plan."
Et ce marché existe bien, selon Jan Wörner : "Dans ces mégaconstellations, les satellites sont prévus pour pouvoir être désorbités (rentrer de manière contrôlée dans l’atmosphère pour y être brûlé NdlR). Mais selon les initiateurs de ces constellations, la fiabilité de leurs satellites est de 90 à 95 %, ce qui signifie que 5 à 10 % ne sont pas fiables ! Si vous avez 20 000 satellites et que 10 % sont non fiables, cela fait 2000 débris de plus. Sans compter les débris du passé et les plus petits déchets. Donc, c’est sûr, c’est un gros marché."