En 2020, la Terre a accéléré sa rotation et les jours sont devenus plus courts
Notre planète n’avait jamais tourné aussi vite sur elle-même en un demi-siècle. Pour la première fois en 2020, elle a fini l’année "en avance" sur le temps de référence.
- Publié le 29-01-2021 à 09h01
- Mis à jour le 29-01-2021 à 15h01
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Eh bien, qu’est-ce qu’il se passe ? Elle a un train à prendre, la Terre ? Ou bien elle était pressée d’en finir avec une année 2020 cauchemardesque, elle aussi ?
Notre planète semble en effet avoir récemment décidé d’accélérer sa cadence de rotation et de boucler ses journées de plus en plus vite, jusqu’à piquer de vrais sprints : en 2020, elle a battu le record du jour le plus court… 28 fois.
Instabilité
Il n’y a au départ aucune surprise à ce que les jours terrestres ne soient pas réguliers. Grâce au développement des satellites, on tient un registre de la durée des jours depuis 1973 et on a pu constater que la rotation de la Terre ne dure jamais exactement 24 heures, soit 86 400 secondes. C’est parfois une milliseconde de plus, d’autres fois une demi-milliseconde en moins. La durée d’un jour augmente et baisse cycliquement, toutes les deux semaines environ.
Cette instabilité est due "au mouvement complexe du noyau de la Terre, de ses océans et de son atmosphère, et à d’autres effets", résume Timeanddate.com, un site norvégien spécialisé dans le temps.
C’est dans ce cycle de variations à court terme que la planète bleue a décroché cette année 2020 toutes les médailles de vitesse. Timeanddate.com se souvient du dernier champion en titre : "Avant que cette année commence, le jour le plus rapide depuis 1973 était le 5 juillet 2005, quand la rotation de la Terre a pris 1,0516 milliseconde de moins que 86 400 secondes."
Depuis, il ne s’était rien passé. On imagine qu’après quinze ans à se reposer sur ses lauriers, le 5 juillet 2005 n’a pas dû voir venir cette nouvelle vague de dopage terrestre, la planète boostée aux hormones version 2020. Le record a été battu dès le 21 juin, lendemain du solstice d’été : la Terre a bouclé son tour avec 1,11 milliseconde d’avance.
Puis la durée du jour est repartie à la hausse, comme d’habitude, mais au cycle d’après, début juillet, elle est descendue plus bas encore. Et ce n’était pas fini ! Le minimum suivant, enregistré le 19 juillet, a carrément tapé à 24 heures moins 1,46 milliseconde.
C’est ainsi qu’au total 28 jours de l’année 2020 ont été plus courts que le vieux record du 5 juillet 2005.
Tendance
Difficile de savoir ce qui a causé cet emballement de la planète, mais la rotation rapide relève clairement d’une nouvelle tendance plutôt que d’un raté ponctuel. Pour sentir l’évolution, il suffit de faire le bilan de chaque année en cumulant les 365 (ou 366) petits écarts quotidiens à la normale. Mais on constatait plutôt, traditionnellement, que la planète traîne des pieds. En 1987 par exemple, la Terre a mis au total 497 millisecondes de plus pour boucler ses journées que si elle avait tourné en 24 heures pile sur elle-même. En 1973, première année des archives, elle a cumulé 1 106 millisecondes de "retard", soit plus d’une seconde !
De mémoire de satellite, le bilan annuel de la durée des jours a toujours été positif. Le dernier pic date de 2016, avec 490,76 millisecondes supplémentaires sur le temps de référence. Et depuis, ça baisse. Ça baisse régulièrement, et ça baisse vite. Jusqu’à cette année 2020 de tous les records où pour la toute première fois le bilan est négatif. Cette année, les rotations cumulées de la planète affichent -1,28 millisecondes sur le temps de référence. Et si la tendance se poursuit au rythme actuel, 2021 devrait finir avec 35 millisecondes d’"avance".
Seconde intercalaire
Cette situation sans précédent amène des questions tout aussi inédites. Par exemple : faudra-t-il bientôt retirer une seconde à nos horloges pour se recaler sur le rythme planétaire ?
Les horloges atomiques sont d’une régularité à toute épreuve, comparées aux errements de notre bonne vieille Terre : elles ne dévient jamais. Une seconde, c’est mille millisecondes. Et une journée, c’est 86 400 secondes. Et ce tous les jours.
Alors de temps en temps, quand la Terre commence à entasser plus de 0,6 seconde de retard au fil des ans, on ajoute une seconde dite "intercalaire" aux horloges pour réduire l’écart entre le temps atomique international (TAI) et le temps universel (TU) de la planète. Cette synchronisation décidée par le Service international de la rotation terrestre et des systèmes de référence (IERS) peut se produire en cas de nécessité le 30 juin ou le 31 décembre : à la fin de la journée, il est officiellement 23:59:59, puis 23:59:60, et enfin 00:00:00.
La dernière fois que ça s’est produit était le 31 décembre 2016. Et la fois d’avant, le 30 juin 2015.
Mais on n’est pas près de revoir une seconde intercalaire de sitôt, vu l’empressement actuel de la Terre. Son écart avec le temps atomique se creuse de moins en moins vite depuis 2016, et voilà maintenant qu’il commence à se résorber. Si les jours continuent d’être toujours plus courts pendant plusieurs années encore, il faudra envisager d’enlever une seconde à la fin décembre, au lieu d’en ajouter une. Cette seconde intercalaire négative est une possibilité théorique, qui n’a jamais eu besoin d’être mise en pratique jusqu’à présent.
Tout ceci ne doit pas faire oublier que sur le très long terme, à une échelle de temps imperceptible pour l’homme, la Terre a plutôt tendance à ralentir sa rotation, freinée par les forces de marées exercées par la Lune. On estime qu’il y a 1,4 milliard d’années le jour terrestre ne durait que 18,68 heures environ.