Prévenir les séismes grâce à l'olivine ? Une découverte apporte un éclairage sur leur origine
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Publié le 21-03-2021 à 08h06 - Mis à jour le 21-03-2021 à 13h03
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À travers cette étude consacrée à l’olivine, les chercheurs examinent en fait les phénomènes à l’échelle microscopique pour mieux comprendre les grands événements géologiques, tectoniques et sismiques, qui transforment en permanence notre planète. "Ce qu’on essaye de faire, c’est une nouvelle science qu’on pourrait appeler la nano-géodynamique, souligne Patrick Cordier, enseignant-chercheur à l’Université de Lille et spécialisé dans l’étude des mécanismes de déformation des géomatériaux. Très paradoxalement, certains phénomènes de grande ampleur de la géologie, de la géodynamique, peuvent trouver leur explication à l’échelle nanométrique. Bien sûr, tout ne fonctionne comme cela, et entre les deux échelles il se passe des choses, mais cela existe bien néanmoins."
Plus particulièrement, la découverte concernant la déformation de l’olivine par la vitrification de l’interface entre les cristaux permet d’éclairer différemment ce qu’on sait de la fameuse tectonique des plaques. Ce qu’on appelait autrefois la dérive des continents explique le déplacement des continents ainsi que les grands phénomènes géologiques à la surface de la Terre.
Changement violent
Au début du XXe siècle, la science se posait la question suivante : comment la croûte sur laquelle est posée une montagne résiste-t-elle ? Les scientifiques se sont dit qu’une montagne était un peu comme le sommet d’un iceberg, avec une partie dessous qui s’enfonce légèrement. Et qu’on ne pouvait pas comprendre l’équilibre d’une montagne sans l’existence d’une couche molle, qu’on a appelée l’asthénosphère, sous la couche de roche, qu’on a appelée lithosphère. "La frontière entre l’asthénosphère, molle et qui s’écoule, et la lithosphère, dure et fragile, se trouve en plein dans le manteau. Ce qui veut dire que cette transition, très importante, entre ces propriétés, c’est l’olivine, qui se trouve dans le manteau, qui doit l’expliquer, pense Patrick Cordier. Cette transition entre la lithosphère et l’asthénosphère se fait à environ 1100 degrés. C’est là que notre découverte, cette petite couche de verre produite lors de la déformation de l’olivine, nous enthousiasme ! Car le verre solide est fragile. Mais pensons à un souffleur de verre : quand il chauffe le verre, celui-ci devient pâteux. Le verre, à une température critique (1 000-1 400 degrés), connaît un changement de propriétés mécaniques extrêmement violent, passant d’un solide fragile à un liquide pâteux (l orsque le verre devient pâteux, il y a en effet de la mobilité entre les atomes, qui peuvent bouger). Donc, notre idée est : cette couche de verre observée dans l’olivine - couche de verre qui a donc la capacité d’être soit solide, soit pâteuse selon la température - pourrait-elle expliquer la limite entre la lithosphère et l’asthénosphère ?"
98 % de la Terre à plus de 1 000 degrés
Au niveau de la lithosphère se déroule la tectonique des plaques, découpée en plaques rigides qui se déplacent les unes par rapport aux autres. Quelle est la force qui fait bouger ces plaques ? C’est le fait que la Terre est une planète encore très chaude : 98 % est à plus de 1 000 degrés. Elle doit donc évacuer sa chaleur, ce qui se fait par des mouvements de convection, courants de matière chaude et légère montant des profondeurs vers la surface. "Au-dessus de grands mouvements de convection dans le manteau se trouvent les plaques rigides - on dit parfois ‘les plaques qui flottent sur du magma’ mais elles flottent plutôt sur un manteau visqueux. Il est donc fondamental de comprendre quel est le couplage mécanique entre ces plaques rigides et le manteau visqueux, c’est-à-dire la frontière entre la lithosphère et l’asthénosphère. Pour nous, c’est l’olivine qui est cette couche de couplage, et ce qui permet de relier, d’une part, les grands mouvements, très lents, qui brassent le manteau jusqu’à 3 000 km de profondeur et qui ramènent la chaleur des profondeurs vers la surface et, d’autre part, la tectonique des plaques."
Prévention des séismes
Plus pratiquement, la découverte pourrait aussi aider à mieux comprendre l’origine des tremblements de terre, et donc à mieux les prévenir. "Pour qu’il y ait un séisme, il faut que cela casse, et cela ne peut pas casser dans toutes les zones. Or, la zone avec le mécanisme de vitrification de l’olivine se trouve à la frontière entre la zone sismogène, solide, où cela peut casser et celle où le matériau peut s’écouler et ne casse pas. Notre découverte permet donc de mieux comprendre les séismes, leur fonctionnement, où ils peuvent arriver, quand, comment… L’étude des séismes a fortement changé ces dernières années. On sait maintenant qu’il y a beaucoup de phénomènes de déformation avant et après un tremblement de terre. Si l’on veut comprendre pourquoi tel endroit est sismogène et pourquoi tel autre ne l’est pas, il faut comprendre le comportement des matériaux. C’est ainsi que l’on peut savoir comment, à certains endroits les matériaux se déforment gentiment, à d’autres pas du tout, ou cèdent brutalement ailleurs. Nous sommes un peu en quête de tout cela", conclut Patrick Cordier.