Comment observer l'éclipse solaire de ce jeudi matin, la première en Belgique depuis 2015?
La Belgique connaîtra une éclipse solaire partielle jeudi midi. La première depuis 2015. Pour l’observer en toute sécurité, des lunettes spéciales sont indispensables.
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- Publié le 09-06-2021 à 17h10
- Mis à jour le 10-06-2021 à 11h32
Ce jeudi, la Lune et le Soleil ont rendez-vous pour jouer à Pac-Man. Dans la matinée du 10 juin, les Belges pourront en effet assister à une éclipse partielle de Soleil - du moins, comme d’habitude, si la météo est de la partie. La dernière éclipse de ce type a eu lieu en 2015 et la prochaine, ce sera pour le 25 octobre de l’année prochaine. Concrètement, "sur le territoire de la Belgique, ce sera environ 15 % de la surface du Soleil qui sera éclipsée par la Lune, indique l’astronome Emmanuel Jehin (ULiège). Ce phénomène n’est pas extraordinaire comme une éclipse totale, mais bien équipé on pourra voir le disque solaire se faire petit à petit ‘grignoter’ par la Lune comme si Pac-Man était passé par là. Cela commencera en Belgique aux alentours de 11 heures 17, le maximum aura lieu vers 12 h 19 (15 % du Soleil éclipsé), et la fin de l’éclipse vers 13 h 25. Avec des lunettes spéciales pour éclipse, on voit un spectacle très contrasté : les bords du Soleil et de la Lune sont vraiment très nets, des cercles et arcs de cercle parfaits. C’est amusant de suivre l’évolution du phénomène."

Pour pouvoir admirer ce spectacle, il faut absolument porter des lunettes disposant d’un filtre spécial pour atténuer très fortement la lumière du Soleil. Elles sont disponibles dans certains clubs d’astronomie et chez certains opticiens pour quelques euros (liste en Flandre, Wallonie et Bruxelles, sur www.urania.be). "Tout d’abord, à l’œil nu, sans protection, c’est très dangereux : il ne faut jamais regarder directement le Soleil, insiste Emmanuel Jehin. Si sa lumière vive se focalise sur votre rétine trop longtemps, elle va brûler les cellules de votre rétine. Le souci, c’est que c’est indolore, donc on peut endommager sa rétine sans s’en rendre compte et continuer à regarder car il n’y aura pas de douleur."
En outre, inutile d’essayer. "Sans lunettes spéciales, le phénomène n’est juste pas visible car l’œil est ébloui et ne peut pas voir le disque très brillant du Soleil. Avec 15 % de la surface solaire cachée, on ne percevra même pas de baisse de luminosité ambiante. Lors d’une éclipse totale du Soleil, c’est-à-dire quand il est complètement recouvert par la Lune, comme en 1999, ce n’est que quelques minutes avant la totalité qu’on a constaté que la luminosité s’est mise à baisser et que le ciel s’est obscurci en plein jour. Ici, à l’œil nu, on ne se rendra compte de rien. Il n’y aura aucun changement de luminosité perceptible. Si vous n’êtes pas au courant de cette éclipse, vous ne remarquerez rien !"
Ombre projetée
Plusieurs clubs d’astronomie, comme celui de Dinant, organiseront des séances d’observation avec des télescopes bien équipés. En Flandre, la Région et l’ASBL Urania ont mis du matériel à disposition des instituteurs, afin d’organiser une observation avec les élèves.

Que se passera-t-il concrètement, au niveau de la mécanique céleste ? Une éclipse de Soleil a lieu lorsque la Lune vient s’interposer exactement entre le Soleil et la Terre. L’ombre de la Lune va alors être projetée sur la surface de la Terre. "Cette ombre va former une bande, une zone dans laquelle on peut voir l’éclipse totale, du moins si le diamètre apparent de la Lune est assez grand, précise Emmanuel Jehin. Mais cette fois, il s’agit d’une éclipse annulaire, car la Lune étant sur un point de son orbite assez éloigné de la Terre son diamètre apparent est plus petit que celui du Soleil et ne va pas pouvoir couvrir totalement celui-ci. De ce fait, dans la zone de centralité, une bande de 200 km de large environ et qui va du Canada en Russie en passant par le Groenland et le pôle Nord, on pourra admirer un ‘anneau de feu’ typique des éclipses annulaires - un mince anneau de Soleil restant visible autour du disque noir de la Lune. Dans ce cas, il y a une légère baisse de luminosité."
Plus on s’éloigne de la zone de centralité, dans ce cas plus on descend des latitudes Nord vers le sud, plus on s’éloigne de l’ombre de la Lune. Celle-ci couvre donc de moins en moins le Soleil. Ainsi dans le sud de la France, il n’y aura quasiment pas d’éclipse. Il y a d’ailleurs de légères différences en fonction de l’endroit où on se trouve en Belgique : à Anvers, le plus au nord, la surface cachée sera de 16 %, à Bruxelles, de 15, 5 %, à Liège de 14 % et Arlon de 12,5 %.
La prochaine éclipse totale en Belgique est seulement prévue le 3 septembre 2081… La plus proche aura lieu en Espagne en 2026.
Pas de lunettes ? Une petite balade en forêt ou se fabriquer sa propre chambre noire
Chambre noire. Pas de lunettes d’éclipse et envie d’apprécier le spectacle sans danger ? Outre les live sur Internet (ici, la partielle à Uccle ou encore là, l'annulaire dans le Nord du Canada) et les clubs d’astronomie, il est aussi possible de fabriquer sa propre “chambre noire”, indique Emmanuel Jehin. “Prenez une boîte à chaussures, sur une des petites faces, vous faites un petit trou, qui va permettre de projeter le disque solaire sur le fond de la boîte, l’écran, que l’on peut colorier en noir. Vous faites une large ouverture sur le couvercle pour pouvoir regarder dans la boîte. Il faut bien sûr l’orienter vers le Soleil. Vous pourrez ainsi en toute sécurité suivre la petite partie de lune, noire, grignoter le disque solaire. Le petit trou sur la face avant fait que la lumière du Soleil va se diffracter, et former une image à l’arrière. Cela marche très bien, on peut regarder à plusieurs et c’est sans danger !” Ou pourquoi pas une balade en forêt ? “Si vous êtes à l’ombre d’un arbre, vous verrez que tous les petits espaces entre les feuilles lorsqu’ils sont projetés sur le sol vont prendre l’aspect du Soleil éclipsé…”
Nuages ou pas ?
Quel temps fera-t-il au moment de l’éclipse ? C’est la question cruciale. Les premières prévisions, données mardi en début d’après-midi, sont plutôt optimistes. Mais les météorologues ne sont pas encore complètement certains de la situation. “L’incertitude météorologique actuelle concerne une possible nébulosité en provenance de l’ouest, indique Fabiant Debal, météorologue à l’IRM. Si celle-ci ne progresse pas trop sur notre territoire avant la montée des températures, comme semble le suggérer la plupart des modèles numériques, l’éclipse sera alors visible dans de bonnes conditions sur la majeure partie du pays.” Il faut savoir que, ce jeudi, nous serons sous l’influence d’une dorsale associée à un anticyclone sur les Açores, qui sera à l’origine d’une atmosphère stable sur nos contrées. Toutefois, de l’air un peu plus humide affluant par l’ouest pourrait conduire à des nuages bas, de la brume ou du brouillard sur la Manche, le détroit du Pas-de-Calais et la partie ouest des Hauts-de-France, dès les premières heures de la matinée de jeudi. C’est cette grisaille qui est à surveiller car elle pourrait progresser jusqu’à la côte belge et aussi atteindre l’ouest de notre territoire (plus particulièrement les régions à l’ouest d’un axe Gand-Tournai). “Mais l’échauffement diurne devrait en grande partie disloquer ces éventuels champs de nuages bas avant le début de l’éclipse. L’après-midi, la convection dans les basses couches de l’atmosphère devrait conduire à la formation de quelques nuages de type cumulus ou stratocumulus par endroits, mais ce phénomène devrait intervenir plutôt à la fin de, voire après l’éclipse.” Un conseil : suivre l’évolution des prévisions sur le site ainsi que l’application de l’IRM “où les choses devraient rapidement se préciser”, selon M. Debal.
Un petit effet sur les panneaux solaires
Alors que la part de l’énergie solaire continue de croître, les phénomènes naturels tels qu’une éclipse solaire peuvent avoir un impact sur le système électrique, explique Elia, gestionnaire du réseau de transport d’électricité en Belgique. “L’offre et la demande d’électricité doivent toujours être en équilibre. Il est donc important de prendre en compte une baisse brutale de la production, surtout à un moment durant lequel la demande en électricité est élevée. Cependant, l’impact de l’éclipse solaire de ce 10 juin sera mineur car les capacités de production d’électricité solaire en Belgique ne diminueront que de 15 %. Cela équivaut à une perte d’environ 500 MW.” Néanmoins, Elia a mis en œuvre tous les préparatifs nécessaires pour garantir la continuité de l’approvisionnement en électricité dans notre pays, affirme Elia. “En fait, l’œil humain sature (est aveuglé) très vite, il n’a pas besoin de beaucoup de lumière. Même si on divise par deux la lumière du Soleil, on sera toujours ébloui, en revanche les instruments comme les panneaux solaires sont bien plus sensibles”, précise l’astronome Emmanuel Jehin.