Comment dégommer le satellite du voisin, une vieille histoire

Inde, Chine, États-Unis…

Selon l'expert militaire russe Pavel Felgenhauer interrogé par l'AFP, Moscou n'a jamais caché disposer de systèmes pouvant atteindre l'espace à partir de la Terre, citant notamment les systèmes de défense S-500 et S-550. "La Russie a toujours dit qu'elle était contre le déploiement d'armes dans l'espace, mais pas qu'elle était contre l'utilisation d'armes dans l'espace", nuance l'expert de Novaïa Gazeta.

"Ces tirs de missiles antisatellite, qu'on appelle Asat, sont des démonstrations de force", souligne la chercheuse Yaël Nazé (ULiège), qui analyse cet aspect dans son ouvrage Astronomie de l'étrange (Belin). "Il s'agit de montrer aux autres qu'on peut le faire et réagir. D'ailleurs, ils ne détruisent pas le satellite des autres, mais le leur. Le message est : si nous sommes capables de détruire notre satellite, nous sommes capables de détruire aussi le vôtre." Ainsi, l'Inde a détruit un de ses satellites en 2019, la Chine en 2007, les États-Unis en 1985 et en 2008. "Pourquoi l'avoir refait en 2008 ? Parce que les Chinois l'avaient fait en 2007 ! C'était une piqûre de rappel : coucou, oui, on peut encore le faire."

Avant même l’envoi

Dès les années 1940, soit avant même que des satellites soient envoyés dans l’espace, des documents montrent que des États se demandaient déjà comment neutraliser les satellites des voisins. En effet, pouvoir espionner les autres avec les satellites implique que les autres puissent faire de même avec vous… Plusieurs stratégies existent donc pour l’éviter : aveugler l’objectif de la caméra du satellite par un rayon laser, le brouillage par un signal radio intense, le hacking, l’envoi de satellite pour en espionner, brouiller ou détruire un autre (il faut alors maîtriser la technique du "rendez-vous" avec le satellite visé), ou encore la destruction par missile.

Jusqu'ici, la Russie avait réalisé des essais dans l'espace (shrapnels, canons…) à l'aide de satellites armés mais jamais de la Terre vers l'espace. C'est donc désormais chose faite. "Auparavant, il y avait eu des tirs de tests, mais pas de destruction. Le programme avait été mis en dormance dans les années nonante, et cela a été réactivé par Vladimir Poutine", continue Yaël Nazé. Il s'agit de montrer que la Russie est toujours là, à côté de la Chine et des Américains. Il y a aussi en ce moment une sorte de surenchère au niveau du spatial."

Névralgique

Le contexte n'est en effet pas innocent : outre les tensions russo-américaines actuelles, des nations crééent des "forces spatiales" car le spatial devient une infrastructure névralgique à bien protéger. Au niveau militaire, mais aussi commercial et civil, car le fonctionnement de la société (météo, GPS...) en dépend. Désormais, le fonctionnement d'une société dépend aussi du spatial.

Arme à double tranchant

Certains craignent donc, après ce tir de missile antisatellite, une sorte de course à l'armement. "C'est clairement le cas, on voit bien que les capacités de missiles antisatellites sont en train de 's'améliorer',on voit les space forces se mettre en place un peu partout, y compris en France. Tout cela montre que le climat, au niveau spatial, est en train de prendre une tournure assez peu sympa. On a d'un côté un new space totalement libéralisé, qui fonctionne sans aucun traité, et de l'autre côté des militaires en train de se muscler. Et dans les deux cas, cela produit des débris… Et ces débris vont en fait ennuyer tout le monde.: militaires, commerciaux et civils Au point de vue militaire, cela en fait donc une arme à double tranchant : si vous déclenchez un véritable tir sur l'ennemi, cela risque de vous porter préjudice aussi."