Le cordyceps peut-il vraiment zombifier les humains, comme dans la série "The Last of Us"? "Il a deux types de proies"
La série-événement “The Last Of Us” met en scène une invasion zombie provoquée par un simple champignon du genre “Ophiocordyceps”, qui parvient à prendre le contrôle des humains. Mais quelle est la part de vérité scientifique dans cette fiction ? Bernard Clesse, éco-pédagogue et mycologue aux cercles des naturalistes de Belgique, nous en dit plus sur ce champignon parasite capable de prendre le contrôle d’un organisme.
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Publié le 04-02-2023 à 21h14
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Dans la série “The Last of Us” (HBO), qui est en train de faire un carton d’audience, un champignon du genre “Ophiocordyceps” parvient à prendre le contrôle des humains. L’organisme parasite prend en effet le contrôle de son hôte pour en faire sa marionnette et coloniser la Terre. Ce champignon parasite porte un nom, il s’agit du cordyceps. S’il fascine les scientifiques depuis de nombreuses années, il a également inspiré les créateurs du jeu vidéo The Last of Us, qui sont aussi les scénaristes de son adaptation télévisuelle.
“On compte plusieurs espèces issues de ce champignon, précise d’emblée Bernard Clesse, éco-pédagogue et mycologue aux cercles des naturalistes de Belgique. Le cordyceps peut parasiter différents êtres vivants, comme les insectes adultes ou les larves d’insectes qui sont enfouis dans le sol. Il a deux types de proies en fait : les insectes et certains autres champignons. Pour repérer les champignons parasites, il faut alors trouver le cordyceps qui dépasse du sol, ce qui permet de détecter l’espèce parasitée qui se trouve quelques centimètres en dessous”.
C’est un phénomène qui s’observe d’ailleurs très régulièrement dans la nature : les champignons de ce type sont par exemple capables de “zombifier” les fourmis et de pousser à l’intérieur de leur corps.
Peut-il prendre le contrôle de l'être humain ?
“Concrètement, quand le champignon infecte un insecte ou un autre champignon, l’hôte parasitée se retrouve dans le sol et les spores du cordyceps doivent infecter l’espèce enterrée. À un moment donné, le champignon sort donc de terre pour les libérer dans l’air dans le but de les disséminer, son but étant d’avoir de la nourriture pour assurer son propre développement. C’est un parasitisme qui détruit son hôte une fois infecté”.
Chez nous, on retrouve d’ailleurs certaines de ces espèces, dans les bois notamment. “On peut en effet en voir certaines dans des bois d’épicéa assez humide, précise-t-il. En général, le cordyceps s’attaque à la truffe des cerfs (une espèce de champignons très communs) qui poussent sur le sol. Le champignon vit donc en association avec l’épicéa et le cordyceps vient parasiter cette truffe pour détourner à son avantage la matière organique prévue au départ pour cette truffe des cerfs, c’est un peu comme un ménage à trois”.
Parmi ces champignons parasites, certains parviennent même à prendre le contrôle des mouvements de leur hôte. Mais qu’on se rassure, il n’y aurait a priori aucun danger pour l’être humain. En Chine, ce dernier est même utilisé comme complément alimentaire.
“Ils ne peuvent pas parasiter et prendre le contrôle de l’être humain, je n’en ai en tout cas jamais entendu parler, assure Bernard Clesse. Ce champignon est d’ailleurs très bénéfique pour l’homme, il est utilisé dans certains pays asiatiques pour traiter toute une série de maladies graves, comme le cancer. Le cordyceps est un champignon intéressant à relater et il fait l’objet de nombreuses recherches. Certains cordyceps intéressent également l’industrie pharmaceutique, des gens se soignent avec des champignons, on peut citer la mycothérapie. D’autres types de cordyceps se vendent très bien et sont aujourd’hui recherchés”.
Les Ophiocordyceps disposeraient également d’une machinerie (cellulaire) très élaborée pour interagir avec leurs hôtes et pour faire des choses très intéressantes comme provoquer un changement de comportement, “mais ils ne peuvent pas passer d’une espèce à l’autre” – et encore moins à un organisme aussi éloigné (des insectes) que l’homme”, affirmait récemment Charissa de Bekker, Professeure au département de biologie de l’université d’Utrecht, aux Pays-Bas.