Ozempic, Wegovy, Mounjaro… Que penser de ces nouveaux médicaments “miracle” pour la perte de poids ?
Ces injections déjà ou prochainement commercialisées, utilisées à la base contre le diabète, connaissent un grand succès pour la perte de poids, poussées par un buzz sur les réseaux sociaux. Pour la première fois, des médicaments peuvent mener à une perte de plus de 10 % du poids. Un “game changer”, selon le médecin spécialiste de l’obésité Jean-Paul Thissen.
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Publié le 11-02-2023 à 20h53 - Mis à jour le 13-02-2023 à 14h43
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Une injection dans le ventre par semaine pour se débarrasser des kilos en trop. Ces nouveaux médicaments destinés à la base à soigner le diabète font le buzz sur les réseaux sociaux. Le milliardaire Elon Musk a attribué au médicament Wegovy sa silhouette plus svelte qu’auparavant. La starlette Kim Kardashian se serait appuyée sur le même médicament pour perdre du poids de façon spectaculaire, afin de de rentrer dans la robe de Marilyn Monroe lors du célèbre gala du Met. À Hollywood, si l'on en croit le témoignage de la comédienne Chelsea Handler, les stars s’en voient prescrire par leur médecin sans même savoir ce qu’elles s’injectent. Les posts sur l’Ozempic ou le Wegovy sur Tik Tok, où des particuliers filment leur injection hebdomadaire et documentent leur perte de poids “miraculeuse”, dépassent largement le demi-milliard de vues.
En Belgique, ce médicament est commercialisé sous le nom d’Ozempic et a reçu l’indication pour le traitement du diabète sucré de type II. Il est remboursé en Belgique dans certains cas de diabète sucré de type II. Non remboursé, le coût de l’Ozempic revient alors à 100 euros par mois. Le même principe actif, le sémaglutide, sera dans le futur commercialisé en Belgique sous le nom de Wegovy, cette fois contre l’excès de poids. Ce médicament, déjà disponible aux États-Unis, ne devrait être a priori pas remboursé chez nous, à l’instar de tous les traitements contre l’excès de poids. Plus précisément, le Wegovy est en fait déjà autorisé dans notre pays mais n’est pas disponible car la firme danoise Novo qui le produit ne peut le commercialiser pour cause de rupture de stock. Notons que le Saxenda, un médicament de la même famille en vente depuis 4 ans en Belgique et produit par la même firme, est lui aussi la version “anti-poids” d’un médicament contre le diabète (Victoza), mais coûte plus cher (250 euros par mois) pour une moindre perte de poids, et est donc moins populaire, aussi parce qu’il doit s’injecter quotidiennement.
Détourné de son utilisation première
”L’Ozempic ne doit donc pas être utilisé pour l’excès de poids, mais pour le diabète (et en outre les doses sont différentes, maximum 1 mg pour l’Ozempic contre 2,4 pour le Wegovy), mais dans l’esprit des patients et des médecins, comme la molécule (le principe actif) est la même, ils se disent : pourquoi ne pas utiliser de l’Ozempic dans le traitement de l’excès du poids, observe l’endocrinologue Jean-Paul Thissen, professeur aux Cliniques Saint-Luc et spécialiste de l’obésité. Bien sûr, un médecin ne va pas être poursuivi pénalement s’il fait cela, mais le problème, c’est que l’Ozempic a été détourné de son utilisation première et prévue qui est le diabète sucré. Du coup, les patients diabétiques n’ont plus accès à l’Ozempic. C’est cela le souci.”
Il est vrai que l’utiliser pour perdre du poids est tentant, vu les résultats des études menées sur de longues semaines : “Ces médicaments fonctionnent très bien contre l’excès de poids, confirme le Pr Thissen. Pour le Saxenda, vous pouvez imaginer une perte d’environ 8 % du poids. Mais pour le Wegovy (donc dose de 2, 4 mg et pas encore commercialisé), la perte de poids est quasiment le double, on arrive à 15 %. On aura dans le futur des médicaments qui vont faire perdre 20 % (le tirzépatide d’Eli Lilly), et dans le futur encore plus lointain, des médicaments qui font perdre presque 25 % (rétatrutide, Eli Lilly). On se rapproche très fortement des pertes de poids de la chirurgie bariatrique (25 à 30 %). Ces médicaments sont un 'game changer', car c’est la première fois qu’on perd plus de 10 % de son poids avec un médicament, avec le Wegovy puis après le tirzépatide. C’est tout à fait neuf. L’autre grand point, c’est qu’il s’agit probablement d’une classe de médicaments dont la sécurité paraît relativement bien établie. Si vous prenez tous les médicaments qu’on a eus pour l’obésité précédemment – et Dieu sait si on en a eu – que ce soit les amphétamines, le Pondéral, l’Isoméride, le Réductil ou encore l’Accomplia, tous ont été finalement retirés du marché, en raison des risques entraînés par leurs effets secondaires. Cette famille-ci (Victoza, Saxenda, Ozempic, Wegovy se basent sur le même genre de molécule) existe depuis une dizaine d’années avec un certain succès. C’est quand même de très bon augure. Incontestablement, c’est un plus.”
L’endocrinologue et nutritionniste est toutefois un peu plus prudent vis-à-vis du tirzépatide, qu’on connaît moins à ce stade : “le tirzépatide est une molécule tout à fait originale. Les précédents médicaments (Saxenda et Wegovy) sont basés sur le même genre de molécule ; ici, c’est une molécule hybride qui mime deux hormones différentes plutôt qu’une seule et on n’a donc pas encore un grand recul. Il faut dès lors attendre que d’autres études viennent confirmer la sécurité notamment cardiovasculaire de ce produit, même si tous les signaux actuels sont positifs.”. Quant au rétatrutide, qui ajoute une troisième hormone aux deux premières et mènerait à une perte de poids de 24 %, les études en sont au stade préliminaire. “Il est aussi bon de rappeler que la perte de poids obtenue avec ces produits améliore la majorité des maladies causées par l’obésité (diabète, foie gras, anomalies des graisses, …)”, ajoute encore le praticien.
”Cela crée un réel espoir chez des patients qui ont tout essayé”
Dans le secteur, alors que le Wegovy et l’Ozempic connaissent déjà des records de vente, les analystes financiers prévoient que le tirzépatide d’Eli Lilly soit le premier médicament à atteindre les 100 milliards de dollars annuels de revenus. Aux États-Unis et en Europe, il est déjà approuvé pour le diabète sous le nom Mounjaro et l’utilisation pour l’obésité est attendue aux États-Unis cette année.
L’avantage pour les patients de ces médicaments, de manière générale ? “On verra les choses différemment parce que cela crée tout d’abord un réel espoir chez des patients qui ont déjà tout essayé, estime Jean-Paul Thissen. Cela peut permettre aussi d’instaurer cercle un cercle vertueux en ce sens que les patients perdant du poids, ils pourront se concentrer sur les choix alimentaires et la fréquence de consommation des repas pour éviter une reprise de poids à l’arrêt du médicament. Parce qu’à ce stade, on doit l’arrêter après un certain temps vu qu’il coûte puisqu’il n’est pas remboursé.”
Pour le médecin, une question cruciale est en effet de voir comment utiliser ce genre de produit sachant que l’obésité est une maladie chronique : “Dans un monde idéal, le médicament devrait pouvoir être prescrit (et donc remboursé), et ne jamais être interrompu. En cas d’hypertension artérielle ou d’hypercholestérolémie, on prend le médicament à vie. Quelque part, il faudrait imaginer que ces médicaments anti-obésité soient prescrits, en tous les cas pour de très longue durée, avec une désescalade progressive pour maintenir le poids et arriver à la dose la plus faible ; et parallèlement avoir une prise en charge hygiéno-diététique voire psychologique. Quand les patients perdent du poids, ils sont contents mais ils oublient tout le reste et ne se rendent pas compte que cela se fait avec l’aide du médicament.”
Et pour le bikini ?
Selon lui, un médicament comme le Wegovy peut être prescrit aux patients souffrant d’obésité, avec un IMC (indice de masse corporelle) au-delà de 30 ou au-delà de 27 avec des comorbidités. “Ce sont des gens qui doivent perdre du poids, non pas pour des raisons esthétiques, mais pour des raisons de santé. Et elles sont nombreuses, que ce soit le diabète, l’hypertension, la stéatose…. Faire un one-shot et perdre 5 kg ou 10 kg avant les vacances, c’est bien pour le bikini mais sur le plan santé, ce n’est pas tout à fait ce qu’on recherche. Pour ces one-shot, il y a deux choses à dire : tout d’abord, c’est un médicament. Il y a donc toujours des effets secondaires possibles (maux de tête, nausées, vomissements, diarrhée, constipation et douleurs abdominales pour 1 personne sur 10, selon l’agence européenne des médicaments), même s’ils ne sont pas très graves dans la plupart des cas. Les effets secondaires graves, eux, sont exceptionnels (calculs biliaires, hausse du rythme cardiaque, pancréatite,…) mais ils peuvent exister. L’autre point, c’est que c’est souvent de l’argent mal placé : la personne va dépenser 100 euros par mois voire plus pour perdre du poids puis va arrêter et reprendre du poids.” “Dans toutes les études les résultats que l’on donne concernent les patients qui prennent le médicament et qui suivent un traitement diététique, prévient aussi Jean-Paul Thissen, qui a participé pour le sémaglutide aux études, qui “choisissent les patients les plus motivés”. On n’a jamais montré que la prise de médicaments seule générait des pertes de poids impressionnante, cela peut y contribuer mais c’est une mauvaise utilisation.”