Raphaël Liégeois : “J’ai fait la transition entre un monde du spatial fantasmé et celui où Thomas Pesquet est mon collègue de bureau”
L’ingénieur belge livre ses impressions après un mois de formation à Cologne comme “candidat astronaute”.
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Publié le 03-05-2023 à 19h56 - Mis à jour le 03-05-2023 à 20h50
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Raphaël Liégeois peut désormais porter la combinaison bleu roi typique des astronautes de l’Esa, garnie pour lui à l’épaule d’un écusson aux couleurs du drapeau belge. Ce mercredi, cela faisait juste un mois que le Belge de 35 ans a débuté sa formation de base au Centre des astronautes européens de Cologne. Peu avant cette “rentrée scolaire”, il nous disait que c’était “le rêve qui prenait corps et devenait réalité”. “La réalité est à la hauteur du rêve, tout à fait. Je continue à avoir des étoiles dans les yeux. Elles grandissent ! ”, nous confirme-t-il après un mois vécu en compagnie de quatre autres candidats astronautes, mais aussi de ceux des classes précédentes.
“Ce qui m’impressionne – et qui je pense impressionnerait un petit peu tout le monde qui arrive dans cet univers-là – c’est de faire cette transition entre un monde imaginaire, fantasmé, autour des astronautes, à un monde où la personne qui se trouve dans le bureau à côté de moi, c’est Thomas Pesquet (célèbre astronaute français, NdlR). Comme moi, il vient le matin au bureau ! Même chose avec Frank De Winne (ancien astronaute belge et patron du centre d’entraînement, NdlR). Voilà, ça reste impressionnant mais ils sont super sympas. Il faut dire qu’ils sont passés par là aussi.” Rencontrer ceux qui sont à la fois ses collègues et ses idoles, crée une sorte de “contradiction psychologique”, s’amuse le candidat astronaute qui ajoute que l’esprit de groupe est aussi en train de se créer avec les quatre autres élèves de sa classe. “Cet esprit d'équipe, il est là, il grandit, il se construit parce qu’on traverse quelque chose d’assez unique ensemble. Et puis on s’entend tous bien, on mange ensemble, on prend de temps en temps un verre après les cours. C’est une super chouette ambiance. Les astronautes des classes précédentes nous ont dit qu’il y a des épreuves particulières qui soudent encore davantage. Les stages de survie, par exemple. Un stage de survie en mer est prévu au mois de juillet. C’est quelque chose d’unique que nous allons partager et qui va contribuer à cet esprit d’équipe.”
Des mois pour préparer leur arrivée
Autre élément que le Belge retient de ces premières semaines : “Cela peut paraître évident, mais c’est très impressionnant de voir que tout le monde au centre des astronautes européens travaille pour que nous ayons la meilleure formation possible. Sous tous les aspects, médicaux, personnels ou administratifs, nous bénéficions du support des nombreuses équipes qui ont passé des mois à préparer notre arrivée.”
Le premier mois d’apprentissage a classiquement débuté par une information sur l’Agence spatiale européenne et ses programmes spatiaux. Les élèves sont ensuite rapidement passés à des matières techniques comme la biologie appliquée à son usage en station spatiale, ou l’étude des radiations cosmiques, qui a aussi des conséquences sur la sécurité des astronautes lorsqu’ils se trouvent dans l’espace.
Horaire chargé
Le rythme est intense : “C’est fatigant, décrit Raphaël Liégeois. Nous avons un timing très chargé. Toute la journée est minutée et il faut tenir le rythme sinon on n’arrive pas au bout du programme. C’est quelque chose auquel je ne m’attendais pas forcément et que j’avais moins rencontré dans mon travail précédent, où c’était davantage à moi d’organiser mon temps. La formation, c’est très prenant. Du coup, on rogne un peu sur tout le reste. Nous savions que cela demanderait une certaine forme d’engagement et nous sommes tous très contents de nous investir à fond. Mais oui, il y a des jours où je rentre tard. Je sais que ça fait partie du jeu.” Il a tout de même encore le temps de voir son épouse et ses enfants. Tous sont sortis de leur “zone de confort” pour s’installer dans un nouveau pays, dont ils ne parlent pas (encore) la langue.

Pour celui qui enseignait à l’université dans son ancienne vie, la formation implique aussi de revenir dans la position de l’étudiant. Mais cette transition s’est faite aisément. “Tout d’abord, cela me permet d’apprécier la qualité – impressionnante – des cours qui sont donnés. Je sais le travail que requiert de préparer des bons cours ! Et je n’ai en fait jamais arrêté d’apprendre. C’est aussi pour cela que j’aimais bien donner cours : à la fois, il y avait la transmission et mais aussi ce défi de soi-même comprendre bien les choses pour être sûr de parvenir à les expliquer !”
Plongeon dans la piscine
Dès ce jeudi, Raphaël Liégeois commencera à avoir un petit goût de l’entraînement pratique, avec un premier plongeon dans la piscine de dix mètres de profondeur installée à l'intérieur du centre et qui prépare aux sorties dans l’espace via des activités sous-marines. Avec sa licence de plongée, Raphaël Liégeois aurait pu avoir une longueur d’avance sur ses collègues. Mais même si ce n’était pas un prérequis, ses camarades en disposent déjà aussi. “Donc, disons que je ne serais pas en retard sur les autres ! Et puis cela reste très spécifique, l’idée est de travailler en binôme pour mener des opérations techniques sur une réplique du module Columbus (le laboratoire européen dans l’ISS, NdlR) qui est dans la piscine. Je n’ai jamais fait ça !”
Sa formation de base se terminera en mai 2024, pour peut-être accéder à un premier vol spatial en 2026. De 2026 à 2030, chacun des cinq élèves devrait avoir eu l’opportunité d’opérer au moins une mission longue (sans doute six mois) sur la Station spatiale internationale (ISS), a confirmé Frank De Winne. Avant, pourquoi pas, que l’un ou l’autre ne participe, à partir de 2030, au programme d’exploration lunaire Artemis.