Ce mercredi, l’Inde va tenter de décrocher la Lune
L’agence spatiale indienne tentera de poser un rover sur le pôle Sud de la Lune. Un succès ouvrirait des perspectives pour des missions d’exploration à bas coût.
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- Publié le 23-08-2023 à 06h30
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C’est le feuilleton de l’été qui passionne les Indiens. Depuis que l’Isro, l’Agence spatiale indienne, a fait décoller sa fusée LVM3 pour envoyer un véhicule d’exploration sur la Lune le 14 juillet, les médias n’en perdent pas une miette. “Chandrayaan-3 pourrait se poser sur la Lune alors que la mission russe Luna-25 s’est crashée”, titrait ainsi le site du magazine India Today ce lundi. L’agence spatiale russe a en effet échoué dimanche dans sa tentative de poser une sonde sur cette région lunaire.
Malgré un échec essuyé par l’Isro lors d’une première tentative en 2019, le ministre indien des Sciences, Jitendra Singh, se montre confiant : cette fois, elle va réussir. “La Lune est maintenant à portée de main”, a-t-il déclaré lundi sur les réseaux sociaux, après avoir claironné quelques heures plus tôt que “le monde commence à nous prendre au sérieux à mesure que l’Inde devient, non plus un acteur global, mais un leader global. ” Si tout se déroule comme espéré, l’alunissage est prévu mercredi à 14h34 heure belge.
Un intérêt international
Outre le prestige national, les agences spatiales ont en effet les yeux braqués sur la mission Chandrayaan-3 parce qu’en cas de succès, une étape majeure dans l’exploration de la Lune sera franchie. L’Isro serait la première à envoyer un engin sur le pôle Sud. Les Israéliens et les Japonais ont essayé respectivement en 2019 et en avril dernier. En vain. Cette région est située sur la face cachée de la Lune et l’Isro y avait découvert de l’eau sous forme de glace en 2009. Mais en quelle quantité ? Et où exactement ? Répondre à ces questions est crucial pour concrétiser les ambitions de la Nasa et de la Chine de construire une base habitée sur place. Avec de l’eau, il sera en effet possible de produire de l’oxygène et du carburant comme de l’hydrogène. Pour en savoir plus, il faut envoyer un véhicule capable d’explorer une zone inhospitalière peuplée de cratères.
L’Isro s’est forgée une réputation pour sa capacité à réaliser des missions à moindre coût. Elle n’a dépensé que 70 millions d’euros pour Chandrayaan-3, une somme inférieure à la plupart des grosses productions hollywoodiennes. “Cette compétence ouvre la porte à l’exploration de la Lune avec des moyens limités”, pointe Mathieu Weiss, le représentant de l’Agence spatiale française, le Cnes, à Bangalore.
Un succès permettrait à d’autres acteurs de préparer, avec l’Inde, l’envoi de rovers plus sophistiqués pour des recherches poussées. Celui qui doit débarquer mercredi ne fait que 26 kilos alors que l’engin déployé sur Mars par la Nasa en 2021 pèse 1 tonne. Il ne sera opérationnel que deux semaines. “Le Cnes a développé des sismomètres et des programmes informatiques de pilotage d’un rover. Nous avons fourni ces instruments à la Nasa quand elle a envoyé un robot sur Mars. Le problème, c’est que travailler avec l’agence spatiale américaine coûte très cher. Avec l’Isro, c’est beaucoup plus abordable. La réussite de Chandrayaan-3 nous ouvrirait des perspectives pour travailler avec les Indiens sur la Lune”, détaille Mathieu Weiss.
Des missions low cost
Tout a été pensé pour réduire les coûts au maximum. L’Isro s’est par exemple contentée de placer son module lunaire en orbite autour de la Terre en juillet. Elle a ensuite utilisé l'” effet de fronde” de la gravité terrestre pour lui faire prendre de la vitesse afin de le lancer vers la Lune. Cette manœuvre a fait durer le voyage pendant cinq semaines. Tout le contraire des Russes qui avaient lancé une fusée le 10 août et atteint l’orbite lunaire en moins de dix jours. Si cette méthode réduit le temps de trajet, elle nécessite une fusée plus puissante et davantage de carburant.
L’Isro reste discrète sur ces missions lunaires futures. Seule certitude : si elle démontre sa capacité à alunir sur le pôle Sud, elle gagnera une influence et une crédibilité considérable qui lui permettront d’accélérer les partenariats avec les acteurs du spatial. “Il y a un enjeu de fierté nationale. Si les Indiens n’ont pas les épaules pour construire une base lunaire, ils se posent en pionniers face aux Américains et aux Chinois qui veulent s’installer sur la Lune”, explique Mathieu Weiss. Et d’ajouter : “L’Inde veut aussi profiter des technologies qui devront être mises au point pour permettre à une base lunaire de fonctionner. Il faudra inventer de nouvelles méthodes de traitements des déchets qui seront applicables sur Terre, mettre au point des panneaux solaires bien plus performants que ceux utilisés aujourd’hui. ” Autant d’étapes qui, une fois franchies, donneront aux scientifiques le savoir-faire nécessaire pour espérer une colonisation de la planète Mars.