À Anderlecht, la guerre contre la drogue est harassante, mais elle porte ses fruits
En trois mois, la police a mis la main sur 228 kg de drogue et 87 personnes liées à des trafics ont été arrêtées dans la commune.
Publié le 29-04-2023 à 07h20
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Lorsque les mots "trafic" et "drogue" font l'actualité, c'est souvent la métropole anversoise - première porte d'entrée de la cocaïne en Europe - qui se retrouve sous le feu des projecteurs. Mais Bruxelles est également touchée par les méfaits liés à la drogue. C'est notamment le cas à Anderlecht où certains quartiers sont particulièrement touchés.
Depuis des années, les autorités locales ont entamé leur "guerre contre la drogue". Avec des résultats probants, donnant par exemple lieu, fin 2022, au procès Peterbos (du nom d'une cité de logements où se déroulait un vaste trafic de drogue, entre 2020 et 2021).
"Le Peterbos, c'est un bon exemple puisque trente personnes ont été jugées après une importante opération de terrain qui a duré 18 mois. C'est un travail de fond qui a été opéré, il a porté ses fruits. Mais à Anderlecht, nous avons conscience que ce n'est pas uniquement avec ce type d'opérations que nous allons éradiquer les problèmes de drogue, confie le bourgmestre d'Anderlecht, Fabrice Cumps (PS), sous le regard attentif de Jurgen de Landsheer, chef de corps de la zone de police Bruxelles midi, couvrant Anderlecht, Saint-Gilles et Forest.
Rien que durant les trois premiers mois de 2023, 114 dossiers répressifs ont été ouverts auprès du parquet de Bruxelles, et il y a eu 87 arrestations, à la suite desquelles 48 personnes (dont 21 mineurs d’âges) ont été déférées au parquet.
Les éléments perturbateurs viennent d’ailleurs
"On sait que les dealers s'adaptent en faisant appel à une main-d'œuvre diversifiée. On le constate dans nos chiffres. Outre ces 21 mineurs - qu'il est difficile de poursuivre -, nous voyons que les personnes interpellées âgées de plus de 18 ans sont soit sans papiers, soit sans domicile fixe ou sans abri", expliquent nos interlocuteurs.
Concernant les personnes interpellées et pour lesquelles un domicile est enregistré, 30 % proviennent d'une des trois communes de la zone de police Bruxelles midi, et 57 % d'ailleurs. "Le supermarché de la drogue est localisé à Anderlecht, mais les commerçants viennent, pour la plupart, d'ailleurs", ironise le bourgmestre.
Quant aux quantités de stupéfiants saisis en trois mois, la police dit avoir mis la main sur 228 kg de drogue, dont 227 kg de cannabis et 1 kg de cocaïne et de crack. "Toujours sur cette même période, nous avons saisi 28 907 euros et 69 téléphones", précise encore le chef de corps.
Présence policière massive et dissuasive
"Nous avons voulu agir dans notre commune avec le chef de corps. Vous le voyez : les chiffres sont encourageants, mais il y a des limites à nos actions", confesse Fabrice Cumps. Et Jurgen de Landsheer d'ajouter : "Nous avons constaté une amélioration sur le terrain depuis que nous travaillons ensemble. La preuve, nous voyons que cela redevient plus agréable de circuler dans certains quartiers. Mais le sentiment d'insécurité, lui, est persistant. Et ce qui alimente ce sentiment d'insécurité, ce n'est pas véritablement la consommation de drogue, mais le fait que les stupéfiants circulent, qu'il y a de la vente à toute heure, et que cela dégénère en règlements de compte".
Fabrice Cumps mise sur deux méthodes pour lutter contre les nuisances liées aux stupéfiants. "La première vise à faire reculer les dealers en les 'ennuyant' jusqu'à les décourager. La deuxième, c'est de mener des enquêtes de fond comme on l'a fait pour le Peterbos. Selon moi, il faut un équilibre entre les deux méthodes. Il ne faut pas se limiter à du travail de fond - qui paraît souvent invisible pour le citoyen, mais qui est efficace sur le long terme. Il faut également mener des actions ponctuelles, visibles et efficaces plutôt sur le court terme."
Pour la première méthode, le bourgmestre mise sur la présence d'une police de proximité "renforcée, dissuasive et la plus large possible sur le terrain". D'abord en renforçant les effectifs policiers, notamment en basculant les horaires de base des équipes de proximité qui travaillaient jusqu'à 20 heures : elles sont désormais opérationnelles jusqu'à minuit. "Les nuisances dont on parle ont rarement lieu à midi. Basculer les horaires de base, c'était le premier pas pour une présence policière plus intelligente et plus pertinente, justifie Fabrice Cumps. Cela permet de mieux s'attaquer aux squats, d'encadrer plus strictement ce qui se passe dans et autour de certains établissements Horeca. Ainsi, depuis septembre 2022, j'ai délivré près de 50 arrêtés de police administrative pour fermer des lieux problématiques. En si peu de temps, c'est énorme. Cela vous donne un aperçu de l'ampleur du problème contre lequel nous luttons et pour lequel nous voulons plus de moyens."
Et le bourgmestre de conclure : "La différence entre Anderlecht et les autres communes, c'est que nous avons une accumulation des problématiques qui nous poussent à dire qu'il y a urgence. Il y a les difficultés liées à la qualité des logements, aux décrochages scolaires, à la propreté et à l'insalubrité, en plus des trafics de drogue. C'est donc une accumulation qui fait que pour les Anderlechtois, cela devient intenable".