La betterave, petit à petit grignotée
La mer verte de feuilles s’étale encore sous les yeux sur ce plateau chastrois, mais les machines, qui ronflent au bord du chemin, sont déjà prêtes à la fendre. La première, à l’avant du tracteur, c’est l’effeuilleuse, qui va arracher le plumet vert des betteraves qui recouvrent le champ.
- Publié le 24-09-2010 à 08h33
- Mis à jour le 24-09-2010 à 11h02
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Reportage La mer verte de feuilles s’étale encore sous les yeux sur ce plateau chastrois, mais les machines, qui ronflent au bord du chemin, sont déjà prêtes à la fendre. La première, à l’avant du tracteur, c’est l’effeuilleuse, qui va arracher le plumet vert des betteraves qui recouvrent le champ. A l’arrière, l’arracheuse va ensuite laisser derrière elle les racines aménagées en "andins", petits monts sur la terre mise à présent à nu. Cette matinée grise mais sèche marque le début de la campagne betteravière pour Vincent Demanet, agriculteur à Cortil-Noirmont (Chastre). Si Vincent Demanet fait appel à une autre agriculteur pour effeuiller et arracher ses betteraves, c’est sa propre machine, la "chargeuse", qu’il partage avec un jeune planteur voisin, qui ramassera les betteraves étêtées et ôtera, en secouant celles-ci, un maximum de terre. Pour le moment, assis dans son tracteur, il s’attache à suivre le rythme d’un second tracteur qui roule au pas à ses côtés.
Pas question de rompre la marche: les betteraves qui avancent sur la chaîne de la ramasseuse tirée par le tracteur voisin, tombent directement dans sa propre remorque. Mission du jour à Chastre : deux heures d’arrachage pour amener 120 tonnes à la sucrerie. Pendant de longues années, après l’arrachage, Vincent Demanet a conduit ses betteraves lui-même à la sucrerie de Genappe, avec ses remorques. A présent, c’est à Longchamps, dans le Namurois, qu’il se rend. Depuis la fermeture annoncée en 2004 de la sucrerie de Genappe, les agriculteurs ont été répartis vers d’autres sucreries, dont Longchamps. Par chance, Vincent se trouvait à mi-chemin entre les deux sites.
Toute la journée de demain sera consacrée au transport, avec plusieurs allers et retours de 27 km. Le premier trajet aura lieu vers 4 heures du matin. Plus facile que le dernier trajet qui a lieu vers 5-6 heures quand les gens stressés rentrent du boulot... "Là, c’est une catastrophe...." Mais il y existe un avantage : en réalisant ses transports lui-même, Vincent reçoit un dédommagement. "Le prix de betteraves est fixé au "départ-champ". Ceux qui les conduisent eux-mêmes ont donc ce prix de la betterave, payé à la tonne, plus un supplément à la tonne en fonction des kilomètres." Ce qui a eu une influence à l’époque de la fermeture de la sucrerie de Genappe : "Dans un premier temps, il y a eu des répercussions pour les fermiers proches de la sucrerie de Genappe, qui conduisaient eux-mêmes leurs betteraves à la sucrerie n’ont plus pu, et donc ont dû passer par les camions de la sucrerie. Les agriculteurs ont continué à faire des betteraves, car les camions des usines venaient chercher des betteraves. Mais il n’y avait plus le supplément, et donc il y a eu un manque à gagner pour les agriculteurs, explique celui qui est aussi administrateur de l’association des betteraviers wallons. Mais les betteraves étaient une culture rentable à l’époque, et le sont toujours aujourd’hui."
Pourquoi ? En résumé, avant la réforme du secteur en 2008, les agriculteurs européens produisaient plus de sucre que le marché européen n’en demandait, à présent, c’est l’inverse poursuit-il : "on manque de sucre en Europe !". Les prix ont cependant diminué (lire par ailleurs). Cette année, Vincent Demanet a planté 22 hectares de betteraves. Soit 18 % de ses cultures. Cela a pu aller jusqu’à un tiers, et au moment de la fermeture de la sucrerie de Genappe, c’était à peu près 25 %. Cette baisse est générale, et se voit aussi en Brabant wallon. Pour expliquer la diminution, le planteur avance notamment la fameuse restructuration du secteur sucrier de 2008. En Belgique, tous les planteurs ont vu leur quota baisser de 18 %. "Moi j’ai perdu 314 tonnes", se rappelle Vincent Demanet. En même temps, les petits planteurs ont été encouragés à arrêter. Les sucreries ont amené les agriculteurs qui produisaient moins de 200 tonnes à stopper. "Ceux qui avaient moins de 200 tonnes pouvaient soit racheter des quotas pour arriver à 200 tonnes soit devaient vendre." L’agriculteur de Cortil-Noirmont a donc racheté lui 3 quotas d’environ 110 tonnes chacun. "Donc je suis resté au même quota, mais il y a 3 agriculteurs qui ont arrêté..."
En outre, "d’autres cultures ont fortement augmenté". En BW, "la culture de la betterave reste encore importante, mais elle est à présent en concurrence avec d’autres cultures. Par exemple, les pommes de terre. Il y a 25 ans, il n’y avait quasiment pas de pommes de terre et maintenant, il y en a beaucoup plus." Ce qui explique aussi la diminution d’hectares de betteraves, c’est que le rendement augmente chaque année. " On récolte treize tonnes à l’hectare, soit plus d’un kilo de sucre au mètre carré, il y a 20 ans, c’était ce qu’obtenait un tout bon fermier... Il y a eu de nouvelles variétés, une amélioration technique..."
Les betteraves se sentent aussi très bien en Brabant wallon. "Elles sont bien adaptées à notre sol, un sol limoneux profond, avec une absence de cailloux. C’est le cas de toute la Hesbaye, de Tournai à Liège. Mais le Brabant wallon est la seule province qui se trouve totalement dans cette bande qui traverse le pays par son milieu. En somme, toutes les sucreries se trouvaient dans cette bande. La sucrerie de Genappe se trouvait au milieu d’un bassin betteravier. La betterave, en Brabant wallon, est donc une tradition. On est équipé pour. La betteraves, c’est une culture facile, bien connue, bien mécanisée On connaît bien cette culture. On fait ça depuis qu’on est tout petit. Donc on ne prend pas beaucoup de risques. Pour la pomme de terre, il y a des investissements à faire.." Cependant, l’agriculteur loue une partie de ses terres pour des pommes de terre, comme beaucoup d’agriculteurs (lire par ailleurs). La saison betteravière devrait s’étendre jusque début janvier . Elle a débuté mi-septembre : "l’allongement de la campagne, c’est une des conséquences de la fermeture des sucreries. Auparavant elle durait deux mois et demi, à présent, c’est trois mois... Pour la récolte, cette année, on sera dans la moyenne des 5 dernières années, ce sera une année normale. Il y aura donc une diminution par rapport à l’année dernière, qui était exceptionnelle..."