"Le commerce a dû s’adapter"

Pierre Tasiaux, et Renaud Scalliet, respectivement président et vice-président de la NACL, l’association des "anciens" commerçants de la dalle de Louvain-la-Neuve, reviennent sur les mutations qu’a provoqué dans le tissu commercial initial l’arrivée du centre commercial l’Esplanade.

Sophie Devillers
"Le commerce a dû s’adapter"
©Christophe Bortels

Entretien Pierre Tasiaux, et Renaud Scalliet, respectivement président et vice-président de la NACL, l’association des "anciens" commerçants de la dalle de Louvain-la-Neuve, reviennent sur les mutations qu’a provoqué dans le tissu commercial initial l’arrivée du centre commercial l’Esplanade.

Quels étaient les sentiments des commerçants lors de la préparation du projet de centre commercial ?

P.T. : Il y avait des craintes, c’était un projet fort caché, dans la mesure on ne savait rien des enseignes. Volontairement, on n’était mis au courant de rien, jusqu’à l’ouverture officielle. La crainte, c’était d’avoir une concurrence supplémentaire. Il y avait aussi, à ce moment-là, un risque de changement de centre de gravité. Il y avait une bonne centaine de commerces qui arrivaient. Tout pouvait se redéplacer par là. En même temps, il y avait quand même un espoir aussi. Que la ville bouge, qu’il y ait davantage de monde, que ce soit moins une ville dite universitaire. Car c’était le gros problème : c’était une ville qui tournait exclusivement avec des étudiants. Lors des vacances, des blocus, c’était une ville morte.

Comment l’arrivée du centre s’est -elle fait sentir ?

P.T : Tout le monde a dû s’adapter. Forcément, il y eu une remise en question de tout commerce qui se respecte, de par cette arrivée. C’était inévitable. Il y a eu une professionnalisation. On vivait davantage sur ses acquis avant. Maintenant, il faut être plus vigilant. Avant, c’était un petit microcosme économique. C’était quelque chose d’installé, on vivait bien gentiment. Depuis que l’Esplanade est là, la ville a aussi changé, il y a énormément de commerces qui ont changé, se sont améliorés, modernisés, agrandis C’est la preuve que ça a fait changer les choses. Et oui, il y a des commerces qui ont fermé aussi.

R.S : Oui. Car leur produit n’était plus adapté. Ou encore simplement des gens qui n’avaient pas envie de travailler comme ça. Qui se disaient : ce n’est pas ma philosophie de vie Ou des gens qui n’ont pas su se professionnaliser. Finalement, il n’y en a pas eu beaucoup qui ont fermé. En cinq ans, il y en a plus qui ont fermé à l’Esplanade que sur le site

P.T : A l’Esplanade, ce ne sont pas les petits qui tiennent. C’est un constat très clair. Ce sont les plus petites enseignes qui semblent avoir le plus de mal à s’en sortir.

Le type de commerces s’est modifié…

R.S : L’ancien LLN est à présent constitué essentiellement d’artisans, c’est-à-dire un professionnel dans un domaine, un indépendant formé pour un produit. L’ancien LLN se dirige vers ce genre de choses, des petits artisans. P.T. L’Esplanade, c’est plus une grosse machine. R.S : Les commerçants ici passent du temps avec leur clientèle, les écoutent, et essayent de trouver une solution qui leur convient. On essaye de vendre un service, un conseil. Ce conseil est au même prix qu’une grande enseigne. Les gens ne vont pas payer plus cher, mais il y aura un service en plus. Mais il n’y a pas de jugement de valeur entre les deux options.

Y a-t-il une complémentarité ?

R.S. : A la base, c’était une opposition entre les deux, maintenant, on se sent complémentaires. Si des magasins de moindre qualité viennent s’installer à L’esplanade, les gens ne viendront plus à LLN, et si LLN devenait un coupe-gorge, les gens ne viendraient plus à l’Esplanade. On est dans le même train. Economiquement, nous sommes liés les uns aux autres. Mais c’est vrai que si eux viennent à disparaître, cela nous ferait plus de tort que l’inverse. On est condamné à ce que ça marche l’un pour l’autre, on est forcément complémentaires.

Les flux de chalands circulent-ils entre les deux pôles ?

P.T : Il n’ y a pas deux flux séparés. Je dirais que le flux est dû également à l’Esplanade. Le parking à l’Esplanade étant ce qu’il est, les gens se garent à l’extérieur. C’est notre chance, les gens passent sur la dalle et créent un flux dans la ville. Beaucoup de gens se garent en périphérie de la ville, surtout le samedi, et donc ça crée forcément un flux, et quelque part, c’est très bien. Tout le monde se plaint du coût des parkigns.

R.S : Heureusement qu’il y a les parkings malins qui permettent aux gens d’aller se garer ailleurs et de traverser le vieux LLN s’ils veulent aller à l’Esplanade. Il y a, je pense, un effet du coût du parking sur les courses rapides, comme le libraire.

P.T. : Et puis il y a aussi tout ce qui est animations sur LLN en général. On est tout une série d’acteurs qui s’est rassemblée dans la gestion centre-ville et ça dynamise la ville, clairement. Les études sont là pour le montrer.

En conclusion ?

P.T. : Cette arrivée, c’est tout à fait digéré. Finalement, l’ effet dans l’ensemble positif. Ça a amené plus de monde, la ville vit de façon plus normale, plus régulière. Cela a rééquilibré les choses, et cela permet de redynamiser la ville. De notre côté, nous avons très clairement plus de clients qu’il y a 5 ans. Celui qui le nie est de mauvaise foi. Et donc, bien sûr, un meilleur chiffre d’affaires. Dans l’ensemble, c’est donc une bonne chose. L’opération est dans l’ensemble réussie. Mais, avec comme dans tout grand changement, des dommages collatéraux. Pour l’avenir, on voit que ça construit de partout. LLN accueillera encore plus de gens. Mais l’université doit avoir le courage de ses ambitions. La zone est en l’état depuis trente ans. Il n’y a pas eu de rénovation. Des aménagements ont été réalisés à la rue de Wallons, mais c’était trop tard et trop discrètement. Il fallait profiter de l’occasion de l’Esplanade.

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