A travers les yeux de Victor Hugo
Balade au pied de la Butte sur les pas d’Hugo, avec les guides 1815. Quand Les Misérables réécrivent l’Histoire à la gloire de Napoléon…
Publié le 30-03-2011 à 05h16 - Mis à jour le 30-03-2011 à 09h21
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Balade Durant deux mois, à partir du 7 mai 1861, en compagnie de sa maîtresse Juliette Drouet, Victor Hugo résida à Waterloo. Histoire d’alimenter la centaine de pages décrivant la bataille dans les Misérables, roman qu’il termina d’ailleurs fin juin 1861 dans la cité du Lion. Pour marquer ces 150 ans, l’association des guides 1815 a décidé de repartir sur les pas de Victor Hugo, qui avait à l’époque sillonné le champ de bataille tel un reporter. Ils proposeront ainsi à partir du 4 avril des balades Victor Hugo. "Ce n’est pas un guidage classique. C’est une vision à travers ce qu’a écrit Victor Hugo, c’est une superbe vision mais tendancieuse, àla gloire de l’armée française, et de Napoléon Ier , explique Alain Lacroix, guide 1815 et qui a conçu le contenu de cette visite. On va donc essayer de séparer la réalité de la fiction."
Départ au pied de la Butte du Lion, les yeux tournés vers Fichermont. Qu’a pu voir l’auteur à l’époque ? Tout d’abord, certains bâtiments ont disparu, comme l’Hôtel des Colonnes, où logea l’auteur. Le lieu accueille à présent un garage Jaguar D’autres sont apparus, comme ces maisons le long de la route Bruxelles-Charleroi, ou la colonne consacrée... à Victor Hugo. Mais il parle déjà des monuments Gordon et des Hanovriens, ou de la Haie Sainte, la Papelotte, la Belle Alliance, "il est d’ailleurs d’une grande précision géomorphologique, du terrain, note Alain Lacroix. Quoi d’autre ? "Ça, évidemment" dit-il en désignant la Butte, bâtie en 1 828. Et Hugo n’en pense pas grand bien. Il la décrit ainsi comme "une fausse colline-monument".
Direction à présent le chemin des Vertes Bornes. A une cinquantaine de mètres de la Butte et du Lion, où le guide entame la lecture de la description du champ de bataille. Pour se faire une idée des forces en présence, l’auteur invite à "coucher par la pensée un A majuscule" : "C’est extraordinaire. En trois ou quatre pages, il situe de manière très simple les belligérants. C’est un exemple à suivre. Mais ce n’est pas juste ! Méfiez-vous des romantiques !" Exemple d’erreur ? "Wellington n’est pas à la bonne place. Il fait reculer Welllington, il en fait un peureux, loin de ses troupes "
Quant à la description de Napoléon, "à cheval, la lunette à la main, sur la hauteurs de Rossomme, le 18 juin 1815", elle n’est pas correcte non plus : Napoléon n’aimait pas être à cheval. En fait, il avait des hémorroïdes, et pour lire ses cartes, il était assis sur une chaise, sur un matelas de paille, probablement du côté de la Belle Alliance, ou de l’actuelle route Bruxelles-Charleroi ! Il a bien utilisé, un cheval, mais pour s’enfuir après la bataille, hémorroïdes ou pas ! Pourtant cette description se retrouve tip-top sur la toile du Panorama ! La toile a été réalisée en 1912. Hugo était une référence. Ils savaient que tout ce qu’il disait n’était pas tout à fait vrai, mais ont respecté ce que Hugo avait mentionné !" Toujours chemin des Vertes Bornes, lecture de quelques lignes retraçant les combats, sur les lieux mêmes de ceux-ci. "On peut dire que Victor Hugo rate son siècle ! Le récit de tous ces combats de la garde, c’est comme un sénario de film. Travelling, séquences alternées, plans par hélicoptères D’ailleurs, pour la séquence du dernier carré de son film "Waterloo" le réalisateur russe Bondartchouk a repris sans changer le scénario de cette description des Misérables. Ce n’est probablement pas vrai, mais c’est Victor Hugo !" Autre morceau de bravoure non fondé historiquement : l’épisode du chemin creux d’Ohain, où les cavaliers surpris par le dénivelé, seraient tombés les uns sur les autres. Le chemin est décrit comme un ravin, "inattendu, béant, à pic sous les pieds des chevaux (...), où cavaliers et chevaux roulèrent pêle-mêle, se broyant les uns les autres, ne faisant qu’une chair dans ce gouffre, et quand cette fosse fut pleine d’hommes vivants, on marcha dessus et le reste passa."
"Mais les cavaliers avaient été prévenus, assure Alain Lacroix. En outre, l’attaque ne s’est pas tenue là. Et les chevaux n’auraient jamais marché sur des cadavres. Mais pour moi, il avait besoin de faire sa connexion de la bataille avec les Misérables. Ici, il y a 100 pages, et pas une seule allusion aux personnages". Cette connexion se réalise via Thénardier le pillard, qui sauve un homme dans l’empilement des cadavres du chemin creux . Celui-ci, qui existe toujours - il part du Panorama pour mener au carrefour du monument aux Belges - a vu sa physionomie se modifier. "Si le talus gauche reste, sur le talus droit, deux mètres de limon ont été raclés, pour construire la butte du Lion." Mais peu importe la véracité, c’est cette scène hugolienne du chemin creux qui figure sur la toile du Panorama !
Reste encore à faire un détour par la ferme d’Hougoumont - nom qu’Hugo fait remonter à Hugo-mont ! dont la description est fidèle : les "briques contrariées", les "médaillons planes" de la porte arrière sont toujours là. Et les arrangements avec l’Histoire aussi. "Ainsi, si les Français y pénétrèrent bien, comme le dit Hugo, ils n’étaient qu’une vingtaine et ne purent rester que trente secondes !" Quant au Christ de la chapelle, volé récemment, il n’est pas certain qu’il ait réchappé miraculeusement aux flammes lors de la bataille, tel qu’Hugo le rapporte. Qui raconte aussi que le puits de la ferme aurait englouti 300 morts à la bataille. Faux : un historien anglais a pu retrouver la trace du puits et fait des recherches : le seul os retrouvé est celui d’un veau. "En revanche, il existe bien une fosse commune à cet endroit, dit Alain Lacroix désignant la plaque de béton aménagée à côté de la ferme Et on devrait retrouver des déchets métalliques des combats dans ces trois châtaigniers qui ont vu la bataille "