Infirmière non vaccinée, elle envisage de démissionner: "Je ne suis plus la bienvenue partout"
Les soignants non vaccinés ne pourront plus se rendre à leur travail au 1er janvier. Infirmière à domicile, elle envisage de démissionner.
Publié le 19-11-2021 à 07h26 - Mis à jour le 19-11-2021 à 07h27
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L’obligation vaccinale pour les soignants, fixée au 1er janvier, ne fait plus aucun doute, même si elle doit encore être adoptée ce vendredi en conseil des ministres. Pour les professionnels de la santé non vaccinés, les conséquences sont graves, puisqu’ils perdront leur accès à la profession à partir du 1er avril 2022. Une période transitoire permettra aux récalcitrants de bénéficier du chômage temporaire jusqu’au 31 mars. Ensuite, ils tomberont sous le régime du chômage classique.
Isabelle, 58 ans, habitante de Wavre, est infirmière à domicile depuis 25 ans. Isabelle n’est pas son vrai nom, elle préfère rester anonyme pour témoigner de ce qu’elle vit actuellement. “C’est par mesure de prudence. J’ai envie de témoigner, mais je prends un risque. En tant que non vaccinée, je ne suis déjà plus la bienvenue dans certaines maisons… Alors je préfère me cacher… On a parfois l’impression de porter une étoile au bras…”
Infirmière indépendante, Isabelle travaille pour un groupe de soignants à domicile. Depuis le début de la crise sanitaire, elle n’a jamais contracté le virus et aucun anticorps n’a été décelé dans ses prises de sang récentes, malgré son refus du vaccin : “Je prends un maximum de précautions. Plus sans doute que la plupart des vaccinés. Depuis mars 2020, je porte un masque FFP2, je me lave les mains et je mets du gel hydroalcoolique à l’entrée et à la sortie de chaque maison où je passe. J’ai aussi accepté de soigner des patients Covid. Dans ces cas-là, je les prenais en fin de tournée, je portais la charlotte sur la tête et tout l’attirail pour éviter la contamination. Et après, on prend une douche. Je ne l’ai pas attrapé, et je ne l’ai jamais apporté chez quelqu’un. En quoi serais-je responsable de transmettre le virus ?”
Si Isabelle reconnaît que l’actuelle pénurie d’infirmières et de personnel soignant dans certains secteurs comme les maisons de repos, entraîne souvent une cadence de travail infernale, elle estime que cela ne la concerne pas. Cela peut-il éventuellement expliquer que les gestes barrières ne soient pas appliqués avec le même soin par toutes et tous ? Isabelle le conçoit mais réfute : “Un bon soignant est quelqu’un qui fait attention. Le Covid n’est pas une fatalité. Il y a des soignants dans les unités Covid qui n’ont jamais attrapé le Covid. Cela appelle une autre réflexion sur le métier : dans quel monde voulons-nous vivre, pourquoi les soignants sont-ils tellement surmenés ? Chaque patient a droit à de l’humanité et du temps. Quand j’ai terminé les soins à mes patients, je me mets à bonne distance, je m’assieds et je retire mon masque. Et on parle les yeux dans les yeux. Parce que c’est nécessaire : cette crise en a déstabilisé plus d’un ! Parler contribue à la guérison et ça change la journée d’une personne. Je ne suis pas une jeune infirmière, j’ai toujours essayé de faire mon métier avec beaucoup d’humanité. Je sens que c’est ma place, et j’aime prodiguer des soins aux autres.
À partir du 1er janvier, je vais devoir faire un test PCR toutes les 72 heures pour pouvoir continuer à travailler, après je perdrai mon agrément… Ce sont des mesures discriminantes et la majorité des gens semble les accepter si facilement… C’est un drôle de monde. Derrière cette crise sanitaire, je pressens l’arrivée d’une crise beaucoup plus vaste. J’y réfléchis à ce vaccin mais je ne me sens toujours pas prête à mettre quelque chose d’expérimental dans mon corps. Je ne sais pas ce que je vais faire en janvier et comment je vais rebondir. J’envisage de démissionner. M’empêcher de prendre soin des autres et d’exercer ce métier que j’aime tant me paraît profondément injuste.”