Karl Marx, trois ans Bruxellois
Bruxelles a inauguré une plaque commémorant la venue de Karl Marx dans la capitale.Ici, de 1845 à 1848, son passage ne s'est pas bien passé. Même s'il y a écrit «le Manifeste du parti communiste «.
Publié le 19-09-2006 à 00h00
Ça pourrait passer inaperçu. D'ailleurs qui se souvient encore que Karl Marx était en Belgique de 1845 à 1848, à Bruxelles pour être plus précis?
La Ville de Bruxelles et son bourgmestre, le socialiste Freddy Thielemans, eux, en tout cas, ne l'oublient pas. C'est pourquoi une plaque commémorant le passage du père du marxisme en Belgique a été inaugurée hier.
Celle-ci est placée sur la façade de la Maison du cygne sur la Grand Place, où il a passé le nouvel an 1847-1848.
Karl Marx arrive donc en Belgique en 1845. Une première fois chassé d'Allemagne et une seconde fois de France, à cause de ses pensées par trop révolutionnaires, il trouvera refuge à Bruxelles. Un autre homme s'y exilera également quelques années après, en 1851, qui n'est autre que Victor Hugo. Mais ça, c'est une autre histoire.
Un spectre hante l'Europe
Quelques-uns des textes majeurs de Marx ont été écrits en Belgique, dont le plus connu du grand public n'est autre que l'essai rédigé avec son ami Friedrich Engels, «le Manifeste du parti communiste». Et oui, ça aussi on l'oublie souvent, mais ce texte fondateur de tout un courant de pensée a été écrit dans notre capitale en 1847.
Notre pays a-t-il eu une influence sur Marx? Certains, dont Freddy Thielemans (PS), vous diront que oui.
D'autres, comme Bernard Francq, professeur de sociologie à l'Université catholique de Louvain, sont plus nuancés.
Accompagné de son épouse et de ses deux enfants, Karl Marx, âgé de 27 ans, est sans le sou. «Et son séjour en Belgique ne s'est d'ailleurs pas très bien passé», avoue le professeur Bernard Francq.
La jeune Belgique possède une constitution libérale, une des premières au monde. «La Belgique est à l'époque le paradis du libéralisme. Et c'est peut-être en cela que son passage ici l'a marqué», déclare le professeur de sociologie.
«Il a vu la perversion du capitalisme : les gens étaient ici réduits à des choses. Ils étaient au même rang que les chevaux», continue-t-il. «Mais Karl Marx était Allemand et sa critique ciblait essentiellement la politique allemande. C'est son point de référence.»
Et si la Belgique n'a eu qu'un effet mesuré sur Marx et sa pensée, l'inverse est également vrai. «Le penseur allemand n'a pas eu une grande influence dans notre pays et sur ses intellectuels», affirme Bernard Francq.
Pensée actuelle
Les autorités belges expulseront Marx en 1848, de peur que la révolution française de février ne fasse tache d'huile en Belgique. Il se réfugiera alors à Londres.
Marx dira en 1869 de la Belgique qu'elle est «le paradis et la chasse gardée des propriétaires fonciers, des capitalistes et des curés.», preuve qu'il ne garde pas un bon souvenir de son passage ici.
Mais «dans son passage à Bruxelles, il y a tout en ce qui le concerne, lui et sa pensée», affirme Jacques Attali, le biographe de Karl Marx.
Et d'insister, «Pour Marx, le socialisme vient après le capitalisme qui est un passage obligé et non pas à la place de celui-ci. Et c'est ce qui fait que sa pensée n'a jamais été aussi actuelle que maintenant.»
© La Libre Belgique 2006