L’avenir passe par le "KAP"

Le projet KAP propose aux jeunes en difficultés des logements provisoires. Ils ont un an jour pour jour pour trouver leur voie et devenir autonomes.

Elise Mertens (st.)
L’avenir passe par le "KAP"
©JOHANNA DE TESSIERES

Depuis deux ans, les "KAP", (kots autonomes provisoires) ont accueilli une dizaine de jeunes saint-gillois à la dérive. Ces logements de transit leur permettent de se stabiliser pendant un an, le temps de trouver leur voie. Aujourd’hui, c’est Lincoln et Emilie, tous les deux 18 ans, qui sont les heureux locataires de la rue de Parme. Une chance inespérée, comme en témoigne Lincoln, depuis trois semaines au KAP : "Je ne pouvais pas rester chez mon père donc je suis allé en maison d’accueil pendant trois mois. Mais ensuite, quand j’ai eu 18 ans, j’ai dû partir et comme je n’avais pas assez d’argent, je logeais chez un ami. Quand le CEMO (centre éducatif en milieu ouvert) m’a proposé cet appartement, cela m’a plu directement. Tout seul, je n’aurais jamais pu avoir une opportunité pareille !"

Les premiers habitants se sont lancés dans l’aventure en avril 2010 mais le projet mûrissait déjà depuis plusieurs années dans la tête du CEMO et du CPAS de Saint-Gilles. En effet, les deux services réunis posent des constats inquiétants. De plus en plus de jeunes de 15 à 17 ans, généralement en rupture familiale, sont amenés contre leur gré à devoir quitter leur domicile. Sans autre alternative, ils se retrouvent rapidement à squatter chez des amis ou à vivre dans la rue. En 2009, une opportunité immobilière se présente enfin suite au déménagement du CEMO dans de nouveaux bureaux. L’asbl, qui reste propriétaire de l’immeuble rue de Parme, peut alors mettre son projet à exécution. Le projet "KAP" est né et, avec lui, l’espoir d’un nouveau départ pour de nombreux jeunes.

Il s’agit en réalité de deux appartements individuels ainsi que de deux studios avec des communs partagés. Le public visé prioritairement par ces logements provisoires sont les jeunes saint-gillois de 16 à 18 ans, sans hébergement stable et en crise avec leur milieu de vie habituel. Ces critères sont flexibles en fonction de la situation de chacun ; un jeune parent avec enfant ou un majeur de moins de 25 ans, par exemple, peut aussi se voir offrir une place au KAP. Le but est de leur offrir un hébergement temporaire - la durée qui ne peut excéder un an est renouvelable par bail de trois mois - et autonome où ils apprennent à devenir responsables afin de pouvoir, une fois dehors, s’assumer entièrement seuls. Mais ce n’est pas gratuit, au contraire: le CPAS et le CEMO ont voulu donner aux jeunes un aperçu de la "real life".

Les jeunes payent donc un loyer mensuel de 470 euros pour les appartements et de 370 euros pour les kots partagés (charges incluses). "Le but est de leur permettre de développer une autonomie responsable. Il ne s’agit pas de faire du paternalisme mais de les préparer pour le futur. C’est une première plongée accompagnée, afin d’éviter de se planter une fois dans les grandes eaux", explique Jean Spinette, président du CPAS de Saint-Gilles. "Ici, le jeune peut aussi faire des erreurs. L’objectif est avant tout d’apprendre", surenchérit Sébastien Godart, éducateur au CEMO. Grâce au revenu d’intégration, les jeunes arrivent à rentrer dans leur frais mais ils doivent apprendre à gérer leur budget correctement. "En arrivant, je savais déjà me débrouiller toute seule pour la cuisine et le ménage mais je n’avais aucune idée de comment organiser mon budget. Du coup, à la fin du premier mois, je me suis retrouvée sans un sou en poche", se souvient Emilie, depuis huit mois au KAP.

Les jeunes en transit sont encadrés par le CEMO. Chaque locataire est tenu d’avoir un projet qu’il s’efforce de réaliser tout au long de son année au KAP. Des réunions régulières sont organisées avec les éducateurs pour évaluer l’avancement de leur projet et la stabilisation de leur situation. Un suivi à la fois éducatif et psychosocial est donc assuré dès le départ pour rendre "l’après KAP" le plus facile possible. Le rêve de Lincoln, par exemple, c’est la musique, mais il garde les pieds sur terre : "J’aimerais bien vivre de ma musique mais je sais que ce n’est pas facile, alors je continue mes humanités professionnelles en mécanique. J’espère que cela me permettra de me lancer rapidement dans le monde du travail pour gagner de l’argent et, à côté, faire de la musique en attendant d’en vivre. Mais grâce à mes quelques économies, je me suis déjà acheté un peu de matos musical parce que j’en rêvais depuis trop longtemps ! " Et il enchaîne sur un freestyle de rap, "merci, le KAP, parce que maintenant j’ai enfin un chez moi "

Un projet qui se veut une bouée de sauvetage pour les jeunes en errance avant qu’ils ne se retrouvent totalement en marge de la société. "Il s’agit de remonter le plus en amont possible pour empêcher des problèmes futurs. On veut leur éviter de rester toute leur vie au CPAS. Le message, c’est vraiment: lance-toi !", souligne Jean Spinette.

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