Main tendue en périphérie

Brabant flamand: "Carrefour", le magazine des francophones, interpelle les néerlandophones.

Christian Laporte
maison communale de linkebeek
maison communale de linkebeek ©Benedicte Maindiaux

La N-VA et le Vlaams Belang n’admettront jamais face à leurs électeurs les plus "vlaamsvoelend" qu’une pacification communautaire émerge en périphérie bruxelloise. Pourtant certains signes ne trompent pas. Voilà que "Carrefour" tend la main aux néerlandophones pour ses 30 ans! Le magazine fut de fait porté sur les fonts baptismaux en 1984. Une genèse nullement liée au roman de Georges Orwell. "Mais la coïncidence méritait d’être relevée", expliquent ses fondateurs. "C’est pour briser les totalitarismes, même et surtout s’ils ne sont que locaux et rampants qu’est né ‘Carrefour’"... En juin 1984 trois Rhodiens - l’historien Michel Maziers, le professeur Jean-Jacques Quisquater (UCL) et notre confrère Alain Carlier (RTBF) - démarraient bénévolement la saga d’un périodique francophone toutes boîtes destiné d’abord aux habitants des communes du sud de Bruxelles. Les débuts furent modestes : l’insertion d’une page, la dernière, dans le périodique rhodien flamand Rinfo. On y fit part des activités de l’Association culturelle de Rhode et de quelques cercles et associations sportives et de jeunesse. Il fallut cinq heures pour la confectionner! "Il y avait notre inexpérience mais aussi le souci de respecter les sacro-saints équilibres politico-philosophiques car nous sommes en Belgique", commente Michel Maziers.

L’éditeur flamand mis sous pression

Au fil des numéros, les demandes d’insertion de communes voisines se multiplièrent mais aussi les réactions courroucées et inquiétantes de certains défenseurs du sol flamand... Résultat: les trois initiateurs ont dû voler de leurs propres ailes pour ne pas causer davantage d’ennuis à Pierre Depessemier, l’éditeur de Rinfo qui était sans conteste un homme ouvert. Ironie de l’histoire: le trio francophone ne remerciera jamais assez les flamingants dont les intimidations les amenèrent à sortir en juin 1985 leur premier numéro indépendant.

"Sans eux, nous n’aurions jamais osé lancer notre magazine indépendant, dans tous les sens du terme, puisque son financement proviendrait dorénavant de la publicité commerciale et du soutien de plusieurs associations culturelles."

Combattre toute intolérance

Face à l’intolérance flamingante, la rubrique "Actualités" signala les atteintes aux droits et libertés fondamentaux des habitants des communes couvertes par "Carrefour". Trois ans après, il fut distribué à Linkebeek, Beersel et Drogenbos. L’objectif restait identique: diffuser l’actualité sociale et culturelle du sud de Bruxelles au-delà de toute proximité partisane. En 1990, "Carrefour" ajouta une édition trimestrielle couvrant la grande périphérie. L’ASBL y précisait que "défendre la culture française n’est pas mépriser la culture néerlandaise ; au contraire, seul le contact des cultures peut être enrichissant, ce qui suppose que chacun puisse vivre librement la sienne". Dans ce même esprit, "Carrefour" s’adresse aux néerlandophones: "nous sommes prêts à vous écouter, à dialoguer, à créer ensemble la grande communauté de Bruxelles et des deux Brabants dans le respect de chacun, de sa langue et de ses convictions". Christian Laporte

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