Depuis 2010, Bruxelles compte 33% de SDF en plus
L'augmentation par rapport à 2010 s'explique en partie par des dénombrements plus précis, notamment au sein des hôpitaux ou des squats.
- Publié le 24-03-2015 à 06h33
- Mis à jour le 24-03-2015 à 06h51
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L’accès au logement serait un des principaux facteurs pour expliquer cette augmentation.
On les appelle les "habitants de la rue", et à Bruxelles ils sont plus de 2 600.
Ce chiffre, impressionnant et en hausse (plus 33 % depuis 2010), est issu d’un recensement effectué par 160 volontaires le 6 novembre dernier dans la capitale (voir épinglé).
Si Pascal Smet (SP.A) et Céline Fremault (CDH), les ministres bruxellois concernés, commenteront ces données jeudi, le centre d’appui La Strada qui a coordonné le recensement vient de les divulguer au secteur, expliquait ce week-end le site Alterechos.be.
La spécificité bruxelloise
Depuis son bureau situé en bord de Senne, au cœur de Forest, Didier Stappaerts, le directeur du centre d’accueil d’urgence Ariane, connaît bien ces chiffres et les réalités "extrêmement complexes" qui se cachent derrière. Si la réalité de la précarité dans la capitale n’est pas encore complètement connue, de tels recensements "sont indispensables pour percevoir et lutter contre cette précarité".
Au cœur de tout ce qui peut expliquer cet essor de la précarité (augmentation des familles monoparentales, crise de l’emploi, boom démographique qui touche surtout les populations les plus précaires…), Didier Stappaerts pointe l’accès au logement "de plus en plus cher".
C’est ce marché du logement qui rend la réalité bruxelloise si spécifique, explique-t-il. Notre capitale est en effet marquée par une présence très importante du marché locatif privé qui tire les loyers vers le haut. Du coup, les demandes auprès des centres d’hébergements augmentent fortement, les files d’attente auprès des logements sociaux s’allongent toujours plus (on parle d’une file d’attente d’environ 40 000 ménages), et les pratiques illégales fleurissent en parallèle.
Rivaliser d’ingéniosité
De nombreuses associations rejoignent Didier Stappaerts dans son constat. A défaut de pouvoir bénéficier de deniers publics, elles rivalisent dès lors d’initiatives pour favoriser cet accès au logement.
Récemment, ce sont les résultats de "Housing First Belgium", une initiative anglo-saxonne importée chez nous en 2013, qui ont fait beaucoup parler d’eux.
Expérimenté dans cinq grandes villes belges et désormais étendu à trois autres communes (dont Namur et Molenbeek), ce projet fait le pari de l’autonomie. Alors que, d’ordinaire, l’accès au logement individuel intervient au terme d’un long processus, l’objectif ici est de prouver que c’est l’autonomie qui permet d’accélérer la réinsertion sociale et professionnelle.
"C’est presque un changement de paradigme, confirme Laurent Demoulin, le président de l’ASBL Diogenes. On remet en avant l’idée de l’insertion par le logement et on rappelle que ce dernier est un droit fondamental qui ne peut être conditionné à des parcours d’insertion."
Les premiers résultats s’avèrent excellents, précisait la semaine dernière la secrétaire d’Etat Elke Sleurs (N-VA) en charge de la Fraude et de la Pauvreté.
La nécessaire complexité
D’autres initiatives existent en parallèle. Dans plusieurs communes, ce sont les Agences immobilières sociales (les AIS) qui tentent de capter des logements dans le secteur privé.
"Le principe est simple et parfaitement adapté à la réalité sociologique d’une capitale comptant beaucoup de petits propriétaires qui n’ont pas les compétences ni le temps de s’occuper d’une gestion locative, analyse le Forum bruxellois de lutte contre la pauvreté. Il s’agit, pour les AIS, de prendre en location des biens sur le marché privé et de les sous-louer à des locataires dans les conditions d’accessibilité au logement social. Les loyers sont plafonnés de façon forfaitaire et sont en dessous du prix du marché."
Ces initiatives fonctionnent et se complètent, expliquent les acteurs de terrain. Elles dessinent aussi un monde associatif et institutionnel très complexe et divers qui distingue Bruxelles.
Ce sont en effet pas moins de deux ministres (Céline Fremault et Pascal Smet) qui croisent leurs compétences pour lutter contre la précarité, mais aussi la Cocom (Commission communautaire commune), la Cocof (Commission communautaire française) et la VGC (Commission communautaire flamande) qui structurent le tout.
"Cette complexité est-elle une difficulté supplémentaire pour se coordonner et travailler efficacement ? Non, garantit Didier Stappaerts. Les réalités sont tellement diverses qu’il faut pour y répondre une multiplicité de points de vue."
"Le plus dangereux serait de miser sur une rationalisation du secteur ou une centralisation qui mènerait à l’uniformisation et à la standardisation de l’offre et de l’aide sur le terrain. Cette complexité est un atout mais surtout une richesse pour la capitale", assure de son côté Laurent Demoulin.
Le recensement
Le 6 novembre dernier, 160 volontaires issus de multiples associations et coordonnés par La Strada parcouraient les rues et les hôpitaux de Bruxelles pour dénombrer les personnes sans abri, sans logement ou en logement précaire.
2 603 personnes ont été recensées. C’est 33 % de plus qu’en 2010, mais cette augmentation s’explique en partie par des dénombrements plus précis, notamment au sein des hôpitaux ou des squats.
Quatre catégories de personnes en situation précaire étaient définies, précise le site Alterechos.be. Les sans-abri (personnes qui vivent dans la rue, en centre d’accueil ou en hébergement d’urgence) seraient ainsi 779 (412 en rue et 367 en hébergement). 813 personnes sont sans logement mais ont trouvé un hébergement dans des maisons d’accueils, 422 personnes occupent un logement inadéquat (caravanes, squats…), et 193 personnes sont menacées d’expulsion et habitent donc dans des logements dits précaires.
Dans la rue, 73 % des personnes recensées sont des hommes. De manière plus générale, l’âge moyen des personnes dénombrées est de 41 ans, alors que 20 % d’entre elles sont des mineurs.
L’objectif d’un tel dénombrement ne se limite pas aux données statistiques, explique La Strada. Une meilleure connaissance du terrain est indispensable pour privilégier l’approche la plus adéquate.