Un Bruxellois de 32 ans tué par le coronavirus: "Son employeur lui a refusé le port du masque", soutient sa famille
Publié le 04-04-2020 à 10h03 - Mis à jour le 05-04-2020 à 20h45
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La petite Lina, 17 mois à peine, et son frère Seyf, bientôt 7 ans, auraient-ils toujours leur papa auprès d’eux si son responsable, dans un Colruyt de Forest, ne lui avait pas refusé l’autorisation de porter masque et gants au motif que "ça fait trop peur à la clientèle", comme le soutient sa famille ? C’est la question qui a été posée à l’enseigne de grande distribution, vendredi, par Mes Abdelhadi Amrani et Carine Liekendael, qui défendent les proches de Mohamed Nahi.
Ce Bruxellois avait 32 ans, seulement. Il est décédé jeudi matin. Le grand gaillard de 1,94 mètre, "qui ne fumait pas et ne buvait pas, respectait scrupuleusement le confinement", selon Hatim, son beau-frère, avait contracté le virus une bonne dizaine de jours plus tôt, expliquent nos confrères de la DH. Souffrant depuis plusieurs jours, il avait été diagnostiqué positif au Covid-19 le mardi 24 mars. Malade, mais pas suffisamment pour être hospitalisé puisque ses "facultés respiratoires n’étaient entamées que de 10 %", on lui a dit qu’il "pouvait rester chez lui et se soigner avec du Dafalgan et du sirop contre la toux", relate Hatim. "Son état était stable, la douleur était soutenable, malgré des pics de température."
Samia, l’épouse de Mohamed Nahi, veillait sur lui chaque nuit. "Mais dans la nuit de mercredi à jeudi, elle a dormi d’une traite. À son réveil, son mari ne respirait plus. De la mousse bleue sortait de la bouche et du nez. Sa peau était écaillée. Elle a appelé les secours. Mais c’était fini pour lui."
Les proches ne crient pas au scandale. Mais s’interrogent. Sur "l’improvisation des hôpitaux qui ne semblent pas avoir les moyens d’anticiper les conséquences de la maladie chez chaque individu". Et sur les consignes de Colruyt, qui "n’a permis le port du masque par son personnel que le 20 mars, après que mon beau-frère eut contracté le virus" . Mohamed Nahi avait pourtant demandé dès le début de la crise à se protéger, et avait fait part de son inquiétude à une déléguée syndicale. "Mais son chef de service lui avait répondu que porter un masque et des gants, ça ferait peur à la clientèle", répète Hatim, abasourdi par l’argument.
Colruyt, où Mohamed et Samia s’étaient rencontrés, a assuré vendredi s’informer "sur les détails de ces événements. Notre priorité est maintenant de répondre aux besoins des collaborateurs concernés et nous continuerons à communiquer lorsque nous aurons plus de détails pertinents".
Mohamed Nahi a été inhumé vendredi après-midi, à Schaerbeek, avec pour seules présences, son beau-frère Hatim et l’imam : "Ma sœur, leurs enfants, nos parents ont dû rester confinés chez eux, par mesure de prudence."
"Depuis le début de la crise, nous introduisons continuellement des mesures dans tous les magasins de Colruyt Group"
Colruyt a redit, samedi, comprendre "la détresse de la famille. Nous aimerions également rappeler tout d'abord que pour l'heure, aucun lien n'a été établi entre le décès et le Coronavirus CoVid-19".
Le groupe réitère aussi sa communication de vendredi: "Nous avons malheureusement reçu la triste confirmation qu’un collègue de notre magasin Colruyt de Forest est décédé dans son sommeil. Tout d’abord, nos pensées vont vers sa famille, ses amis et ses collègues. Nous sommes tous très touchés par cette situation et nous veillons à ce que le soutien et l’encadrement nécessaires soient fournis aux personnes qui ont travaillé en étroite collaboration avec la victime. Nous nous informons actuellement sur les détails de ces événements, et nous prendrons bien sûr en compte l'aspect de la confidentialité médicale. Notre priorité est maintenant de répondre aux besoins des collaborateurs concernés et nous continuerons à communiquer lorsque nous aurons plus de détails pertinents."
Colruyt a également mis en place des mesures de soutien au magasin de Forest. "Outre une présence de membres de la direction dans le magasin, notre équipe de soutien psychosocial a pris en charge l’équipe du magasin afin de la soutenir dans l’épreuve. Les membres de cette équipe sont joignables 24 heures sur 24, et 7 jours sur 7. Il s’agit de collaborateurs habilités à accompagner les collaborateurs lorsqu’un événement choquant a lieu (décès inopiné, cambriolage, etc.)."
Concernant les mesures sanitaires prises au sein des magasins? "Depuis le début de la crise, nous introduisons continuellement des mesures dans tous les magasins de Colruyt Group. Ce faisant, nous suivons les instructions du gouvernement et procédons à des ajustements constants. Notre personnel de vente reçoit des mises à jour quotidiennes."
Cela implique, entre autres, les éléments suivants, explique Colruyt dans un communiqué:
- "L'instruction du gouvernement de maintenir une distance de 1,5 mètre entre les personnes.
- Les files d'attente aux caisses
- La règle qui consiste à autoriser 1 chariot (client) par 10m² dans le magasin ;
- La mesure selon laquelle chaque client peut rester dans le magasin pendant 30 minutes au maximum ;
- Les mesures "stop and go" existantes restent en vigueur (steward à l’entrée du magasin).
- Il est essentiel de se laver les mains régulièrement et l'utilisation d'eau et de savon est la plus efficace. La mesure actuelle reste en vigueur : les employés se lavent les mains toutes les demi-heures et les changements de personnel sont calculés à cette fin ;
- Nous continuerons également à fournir des gels désinfectants aux employés des caisses enregistreuses, entre autres.
- Gants pour tous les employés sur le lieu de travail
- Nous fournissons des masques buccaux au personnel de nos magasins. Ils sont libres de choisir de les porter ou non (à condition qu'ils le fassent conformément aux instructions correctes d’utilisation). Nous les mettons à disposition, en suivant les instructions du dernier décret ministériel. Si cela devait changer, nous ajusterons bien sûr notre politique - nous attendons de nouvelles instructions du gouvernement.
- Déploiement des écrans en plexiglas au niveau des caisses (là où l’on paie).
- Désinfection régulière des surfaces touchées avec les mains (poignées, poignées des congélateurs, ...).
- Désinfection continue des chariots (à l'entrée du magasin et depuis cette semaine également au "changement de chariot" à la caisse pour les formules du magasin où cela est applicable (c'est-à-dire le chariot avec lequel le client sort).
- Dans les magasins, des affiches de l'AFSCA indiquent aux clients d'acheter ce qu'ils touchent.
- Nous continuons également de demander à nos clients de respecter strictement les règles et de prendre leurs responsabilités et leur civisme dans l'intérêt de tous : se laver régulièrement les mains, garder ses distances, ne pas se toucher le visage et acheter ce qu'ils touchent. Nous leur recommandons également de laver les fruits et légumes à la maison avant de les consommer."