Les habitants du quartier Nord à bout : "Même les riverains se font agresser, plus personne ne se sent en sécurité"
Après la fusillade de mardi, les commerçants des rues d’Aerschot et de Brabant dénoncent les multiples agressions, le sentiment d'insécurité et tirent la sonnette d’alarme. "On veut seulement pouvoir vivre, circuler librement avec notre famille… sans crainte."
Publié le 10-09-2021 à 09h05
Mardi soir, des coups ont été tirés dans la rue d'Aerschot à côté de la Gare du Nord. Bilan : un blessé, étranger au conflit touché par une balle perdue. "C'était vraiment une scène d'horreur. Le quartier a été bouclé. Une trentaine de personnes se bagarraient. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase", dénonce Mohamed El Hajaiji, président de l'association des commerçants de la rue de Brabant.
Ce jeudi midi, ils étaient plusieurs commerçants réunis à l'intersection des rues d'Aerschot et de Brabant et ils "n'en peuvent plus". "On ne se plaint même plus d'une diminution du chiffre d'affaires. On n'en est plus là. On veut seulement pouvoir vivre, circuler librement avec notre famille… sans crainte".

"Le quartier Nord a toujours été le quartier Nord, poursuit Moussa, gérant d'un magasin de meubles et tapis depuis onze ans. Mais autrefois, la violence restait dans les milieux du trafic. Depuis deux ans, même les riverains se font agresser et plus personne ne se sent en sécurité".
Au point de se demander si "le quartier Nord est une zone de non-droit". "Va-t-on se retrouver dans une situation similaire à Marseille ?", demande Moussa. "Sommes-nous des citoyens de seconde zone ?", soupire Mohamed.
L’alcool, un fléau désormais interdit
Impunité, impuissance, insécurité. Voilà les mots qui reviennent le plus souvent dans le discours de l'association de ce quartier à cheval sur Schaerbeek et Saint-Josse. La cause la plus visible de ces maux : "L'alcool ! Jour et nuit, ils consomment dans la rue, contre le mur de la Gare du Nord", déplore Moussa, qui voit ce spectacle à longueur de journée depuis son comptoir.

À la suite de la fusillade de ce mardi, les autorités schaerbeekoises et tennoodoises ont décidé d'interdire la consommation d'alcool dans l'espace public de ce quartier. Une solution au problème ? "Mais que vont-ils faire une fois les personnes arrêtées ? Le sentiment d'impunité reste fort ici", déplore le président de l'association.

Pourtant, on ne peut pas dire que la police est absente du quartier Nord. Un commissariat est situé rue de Brabant, juste en face du tunnel ferroviaire à l'odeur insoutenable. Des patrouilles ont lieu très régulièrement. "Les agents font tout ce qu'ils peuvent. La situation n'est juste plus possible pour eux non plus", alarme un commerçant de narguilé. Juste devant son magasin, une intervention a justement lieu ce midi : des policiers en civil fouillent un présumé dealer. "Un spectacle malheureusement normal", nous dit-on.

Les autorités communales semblent elles aussi dépassées par la situation. "Nous n'avons eu jusqu'à présent que peu d'écoute pour les renforts de la police fédérale au niveau de la Gare du Nord et pas plus pour enfin trouver une solution pérenne à la question de la prise en charge des transmigrants", ont déploré dans un communiqué commun Cécile Jodogne (Défi), bourgmestre ff de Schaerbeek, et Emir Kir, bourgmestre de Saint-Josse, qui reconnaissent une "pression"depuis plusieurs mois liée aux "transmigrants à la recherche de quelques moyens de subsistance avec des comportements inciviques, harcelants voire délictueux, vendeurs de drogues, SDF, personnes imbibées d'alcool…"
L'appel est donc lancé auprès de la ministre de l'Intérieur Annelies Verlinden (CD&V) et son secrétaire d'État à l'Asile et la Migration, Sammy Mahdi (CD&V). Mais également au ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD). Sur le terrain, c'est effectivement un profond sentiment d'injustice qui domine. "Les gens sont arrêtés, relâchés, et reviennent directement narguer les policiers. Le vrai problème n'est pas au niveau de la police, mais bien de la justice", alerte Moussa, qui du bout des lèvres rêve d'un renouveau pour "ce quartier d'une grande richesse situé juste dans le prolongement de la rue Neuve, et à côté d'une grande gare".
