Nuisances sonores de l'aéroport Bruxelles National : 14 scénarios pour sortir de la crise
L'Etat fédéral a envoyé l'étude d'incidences aux plaignants juste avant l'échéance. Cette étude, que nos confrères de La DH ont pu lire, propose différents scénarios dont l'objectif est de limiter les nuisances sonores des riverains tout en nuisant le moins possible à l'activité économique de l'aéroport.
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Publié le 03-06-2022 à 19h01 - Mis à jour le 03-06-2022 à 21h21
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Pas la peine de rêver. À moins d’un déménagement ou d’une diminution drastique de sa fréquentation, l’aéroport de Bruxelles National réveillera toujours des habitants du Noordrand à l’aube, pourrira les barbecues dominicaux des Harenois et Sanpetrusiens. Voici, en substance, ce qui ressort de l’étude menée par le bureau spécialisé Envisa et remise mercredi soir aux communes, régions wallonne et bruxelloise ainsi qu’aux associations de riverains impliquées dans la plainte contre l’État belge. Cette étude commandée par le ministre fédéral de la Mobilité Georges Gilkinet a donc été remise en temps et en heure. L’État fédéral respecte ici la décision de justice, qui le contraignait à verser 10 000 euros d’astreinte par jour en cas de non-livraison de ce cadastre des nuisances sonores dues à l’activité de l’aéroport national.
Jugée “insuffisante” et “non conforme à la décision de justice du 1er février 2019”, la première version de cette étude avait été recalée fin 2020. Cette nouvelle version, que La DH a pu se procurer ; est jugée “suffisante” par les deux associations de défense des riverains Piste 01 ça suffit et UBCNA-BUTV. Soit. Que contient donc cette étude ? D’abord, elle objective une situation qualifiée d’inextricable. Il n’existe pas de solution miracle capable de soulager le sommeil de tous les riverains de l’aéroport national, qu’ils vivent à Bruxelles, en Brabant flamand ou wallon. L’étude ne donne d’ailleurs aucun signal clair sur les choix politiques à prendre. Seuls les scénarios qu’elle développe donnent quelques indications.
Plus en détail, l’étude met en scène neuf scénarios, dont certains subdivisés – soit 14 scénarios au total – destinés à soulager le confort des riverains de l’aéroport. Esquivons d’emblée les moins réalistes tels la suppression des vols de nuit, la suppression des vols cargo ou l’extension de la nuit opérationnelle de 6h à 7h du matin, toutes auraient un impact économique trop lourd à supporter pour la Brussels Airport Company.
Rallonger la piste 25L de 900 mètres et y concentrer les départs
Selon l’étude, le scénario le plus efficient en termes tant de santé pour un maximum de riverains, que de viabilité économique pour l’aéroport consiste à prolonger la piste 25L de 900 mètres et d’y concentrer les départs sous certaines conditions de normes de bruit avec un virage à gauche dès 700 pieds : de 50 % à 100 % des départs partiraient de cette piste prolongée. Investissement : 50 millions d’euros. Mais le jeu en vaut la chandelle, assure l’auteur de l’étude.
“Les réductions de bruit globales les plus importantes […] sont obtenues […] dans le cas d’une extension de la piste 25L, avec un virage gauche à 700 pieds et avec 100 % des départs déplacés”, analyse l’étude. […] “On obtient également de fortes réductions concernant la fréquence des survols le jour et la nuit par rapport à la population totale exposée. En revanche, les communes du sud de l’aéroport (Wezembeek-Oppem, Kraainem, Steerebeek) subiraient les plus fortes nuisances sonores dans ce scénario.”

“Étant donné la situation géographique de l’aéroport, déplacer les activités un peu plus à l’est (via l’extension de la piste 25L, NDLR) pourrait réduite une partie du survol des communes au sud-ouest”, commente encore l’étude, qui envoie donc tous les départs vers… la Flandre. C’est le bourgmestre de Stennokerzeel Kurt Ryon (N-VA), l’un du plus farouche opposant au survol du Brabant flamand, qui va être content… Un autre scénario, jugé très efficace par l’auteur de l’étude propose des nouvelles trajectoires pour les départs sur la piste 25R. Elles remplaceraient les routes avec virages gauche, la route du Canal et la route du Ring mais enverraient tous les avions sur le Noordrand, et plus particulièrement Wemmel et Meise. Dans ce scénario, le nombre de personnes touchées la journée diminue de 16 % et de plus de 28 % la nuit. Inconvénient : les émissions de polluants sont beaucoup plus grandes.
Notons enfin que ce scénario privilégié par l’auteur – anglais – de cette étude Envisa est exactement le même que celui prôné par l’expert hollandais Jan Kamphuis (du bureau AAC), dans son étude sur le survol commandée en 2002 par Guy Verhosdtadt (alors 1er ministre) et Isabelle Durant (alors ministre de la Mobilité). Ce qui fait dire à certaines associations que c’est la deuxième fois en vingt ans qu’un expert étranger et autonome dit qu’il faut tout envoyer au nord du pays…
Moderniser la 28% flotte d'avions réduirait le bruit de plus de 15%
L’autre piste la plus crédible de cette étude consiste à moderniser la flotte. “Elle aurait indéniablement un impact positif sur les contours de bruit”, argue l’auteur de l’étude. “Les émissions de polluants seraient également réduites. En 2019, la proportion d’avions de nouvelle génération (Airbus A320neo, A350, A380, 737Max, 787, etc.) était de 12 %. Le scénario prévu par l’étude pousse la proportion à 28 %, permettant ainsi une réduction des contours de bruit de plus de 15 %”.
Plus largement, l’étude ne dit pas que les normes de vent appliquées par la Brussels Airport Company sont déraisonnables. Elle dit néanmoins que personne, à l’exception du médiateur fédéral, ne contrôle le respect de l’utilisation des pistes. Son auteur préconise dès lors la mise en place d’une plate-forme de discussion permanente où quiconque – du bourgmestre au citoyen survolé, etc. – pourrait venir poser ses questions, quelles qu’elles soient. Cela offrirait l’occasion à tout le monde de mieux appréhender un dossier extrêmement complexe, pollué par une guerre communautaire vieille de trente ans et, par la même occasion, de mettre une pression un peu plus forte sur le contrôleur aérien.
Désormais dans les mains de toutes les parties prenantes, cette étude va maintenant être présentée à la plate-forme de concertation, en intercabinets, etc. L’objectif du ministre de la Mobilité Georges Gilkinet est d’analyser toutes les pistes abordées par l’étude, d’étudier les pistes formulées par tous les interlocuteurs avant de prendre la moindre décision.