Constant-le-Marin et les autos-canons de 1914-1918

PAR LILY PORTUGAELS

«Sous-officier très brave et très courageux, animé d'un grand esprit de sacrifice et d'un réel mépris du danger. Chef d'une voiture blindée depuis le début de la campagne, a toujours été un exemple pour ses sous-ordres. A été sérieusement blessé en accomplissant une mission et, au prix de souffrances inouïes, est parvenu à rejoindre nos lignes»

Cette citation de 1917 glorifiait la dernière d'une série d'actions d'éclats accomplies par le maréchal des logis Henri Herd, sur le front russe, dans le Corps des autos-canons-mitrailleuses ! Ce Corps (ACM) avait été formé en France par le major Collon en 1915. Il était constitué de dix auto-canons-mitrailleuses, de motos, de vélos, de camions et de 300 volontaires belges. Parmi ces jeunes volontaires, plusieurs Liégeois et, notamment, Henri Herd, champion du monde de lutte - dit «Constant-le-Marin» -, Julien Lahaut - qui deviendra le député communiste assassiné à Seraing en 1950 -, le poète et écrivain Marcel Thiry et son frère Oscar.

Placé sous le commandement russe, le Corps participa notamment, en Galicie (Pologne), à des combats contre les Autrichiens et les Allemands. Cette véritable épopée des autos-canons a été relatée par Marcel Thiry (1).

Constant-le-Marin, dont la stature mais aussi la pugnacité faisaient l'admiration de tout le monde, avait appris aux Russes à monter à l'assaut en criant en français: «On va leur couper la tête» ! (2)

Frappé de trois balles, Henri Herd saute de son véhicule détruit par les tirs ennemis. Il se jette dans un trou d'obus d'où, malgré d'horribles blessures, il se traîne vers ses lignes. Lorsqu'on le trouve, il faut cinq hommes pour le haler vers l'arrière. Il sera sauvé grâce, notamment, à un de ses neveux, engagé sur le même champ de bataille. Il recevra les Croix de St-Georges, les plus hautes distinctions militaires octroyées par le tsar Nicolas II. A force de volonté, après la guerre, il redeviendra le champion du monde qu'il avait été.

En 1940, il veut à nouveau s'engager. Mais il a près de 57 ans, l'armée ne veut plus de lui. Il se rendra en France pour aider à l'organisation des réfugiés belges et s'embarquera de justesse sur le dernier bateau en partance pour l'Amérique d'où il ne reviendra qu'en 1946.

Cet enfant d'Outremeuse (il est né rue Porte-aux-Oies en 1884) est mort à Liège en 1965.

Il avait fait rêver des générations de Liégeois comme lui-même avait rêvé devant les exploits de son modèle, le lutteur Constant-le-Boucher (un boucher de Florennes). C'est à lui qu'il pense en choisissant son surnom de Constant-le-Marin. Il n'était pas marin mais voulait voyager dans le monde entier comme un marin...

A 17 ans, Henri Herd avait attiré l'attention sur lui en remportant coup sur coup plusieurs compétitions. Deux fois champion du monde de lutte, il était l'idole des Liégeois, attirant des foules considérables à chaque combat, notamment pendant l'Exposition Universelle de 1905!

Il fera le tour du monde comme il se l'était promis.

Nous devons à l'amabilité de Lambert Grailet (auteur de plusieurs ouvrages de référence sur l'époque des V-1, V-2, V-3, sur sa découverte d'une mine d'or en Belgique, et sur la vie d'un fils batard du prince-évêque Velbrück) les renseignements sur la vie de Constant-le-Marin dont il est le neveu.

(1) «Le tour du monde en guerre des autos-canons belges», Marcel Thiry, Edition André De Rache, Bruxelles, 1975, récemment réédité aux Editions Le Grand Miroir.

(2) «Si Liège m'était conté», n° 78, été 1981, article d'André Georges.

© La Libre Belgique 2004

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...