Le grand Curtius ouvre ce week-end

Le "Grand Curtius", le nouvel ensemble muséal liégeois, ouvrira ses portes au public ce samedi 7 mars. Sur une superficie de 5635 m², le musée regroupe notamment les collections des ex-musées d’Archéologie et d’Arts décoratifs, du Verre, d’Armes, d’Art religieux et d’Art mosan. Au total, il abrite 5800 pièces. Il a nécessité un investissement de 46,3 millions d’euros, dont 26,6 millions de subsides du Feder (fonds européens), de la Région, de la Communauté française et de la Province de Liège.

Dominique Nahoé
Le grand Curtius ouvre ce week-end
©Devoghel

Le "Grand Curtius", le nouvel ensemble muséal liégeois, ouvrira ses portes au public ce samedi 7 mars. Sur une superficie de 5635 m², le musée regroupe notamment les collections des ex-musées d’Archéologie et d’Arts décoratifs, du Verre, d’Armes, d’Art religieux et d’Art mosan. Au total, il abrite 5800 pièces. Il a nécessité un investissement de 46,3 millions d’euros, dont 26,6 millions de subsides du Feder (fonds européens), de la Région, de la Communauté française et de la Province de Liège.

Fin d’une saga qui fut marquée par bien des aléas

Les déboires remontent loin, en 1637, au décès du richissime munitionnaire Jean Curtius, lorsque son palais, dit aussi magasin ou maison, est séparé par héritage de sa résidence de Féronstrée. D’autres démembrements suivront. Érection de l’hôtel Delhaxhe en 1689, scindé en maison De Wilde et hôtel Brahy en 1730. Puis s’élèvera en 1775 le splendide hôtel de Hayme de Bomal, préfecture de l’Ourthe sous Napoléon. La Ville y installe son musée d’Armes lorsque, en 1902, elle rachète l’ancien domaine. Elle fait du palais de 1598 son musée d’Archéologie et des Arts décoratifs et son musée du Verre.

Le mal de l’Émahl

Avec la crise des années 80, c’est la mort lente du complexe. En 1992 naît l’idée décapante d’y rassembler le pôle d’art ancien, en y adjoignant le musée d’Art religieux et d’Art mosan. Le tout restructuré et modernisé. Va pour l’Émahl, "Ensemble muséal d’Art et d’Histoire de Liège".

En 1995, fonds européens Feder. L’intercommunale SPI + sera maître d’ouvrage délégué. En 1996, Repérages, bureau parisien d’architecture désigné par jury, propose, au cœur de l’îlot, un cube de verre de 17 m de haut, conçu pour être vu. On abattra donc des maisons classées, sur le quai et en Féronstrée.

La Commission des monuments et sites se tait. C’est de deux associations que vient la contestation, pugnace et sans répit. SOS Mémoire de Liège est née en 1992 sur les décombres de la place Saint-Lambert. Le Vieux-Liège défend le patrimoine depuis cent ans. Madeleine Mairlot et Joseph Delhaxhe fédèrent les comités de quartier et nombre d’intellectuels. Le collège PS-PSC, présidé par Jean-Maurice Dehousse, s’arc-boute au projet. Jusqu’à l’arrêt du Conseil d’État qui casse le permis en janvier 1997.

Mais la Violette tient bon, arguant du risque de perte des subsides. La guerre des communiqués fait rage. En décembre, le Conseil d’État suspend le nouveau permis. En 1999, on décide de restaurer d’abord le bâti ancien en comblant des vides par des modules contemporains. Trois bureaux d’architectes liégeois s’y attellent. Les salles sont fermées. Le palais Curtius revêt une pimpante couleur sang de bœuf. On conserve, mais on élude la réflexion muséologique sur la finalité du lieu. Le risque de l’accumulation hétéroclite est né (voir article ci-dessous).

Muséographie, enfin

Fin 2000, la Ville relance le cube au cœur de ce qui s’appelle dorénavant le Méga-Musée. Les ASBL l’emportent encore en justice. Sac de nœuds pour Willy Demeyer, le nouveau bourgmestre socialiste. En avril 2001, exit Repérages et son ovni de verre, tandis qu’on obtient la prolongation des subventions européennes jusqu’en 2006. Nouveaux architectes, toujours parisiens, ceux du Groupe Caffé. Ils procèdent à l’inventaire préalable des collections. Un peu de muséographie s’introduit enfin entre les murs. Leurs modules d’accueil et de liaison emportent l’adhésion des bailleurs de fonds - Europe, Région, Communauté -, du Conseil communal, opposition comprise, et des deux ASBL.

Patatras ! La mission de Caffé est annulée par la SPI + pour lacunes techniques. Un autre atelier suit. Finalement, c’est Hautecler-Huygen, association de deux bureaux liégeois, déjà en lice dans les restaurations, qui réalisera le projet muséal dit Grand Curtius, déposé avec consensus en août 2005.

Mais l’accumulation des litiges a fait exploser les coûts : 22 millions d’euros en procès, outre 13,2 millions de restaurations. Alors que tout le parcours scénographique reste à faire, le Feder fermera bientôt le robinet à finances. À Liège, on s’arrange toujours : "glissement" vers le Curtius de la moitié des fonds européens temporaires destinés aux Guillemins, qui attendront, puisque Euro Liège TGV a pris du retard et qu’il ne faut pas perdre deux fois les sous.

Moralité statistique : 15 ans de travaux en forme de crises de nerfs, pour une facture multipliée par 4 : 46,3 millions d’euros, dont 27 millions en subsides. Mais sans mécénat privé, pourtant possible. A ce prix-là, le Grand Curtius devra booster sérieusement les entrées payantes dans les musées communaux : 10 015 exactement en 2007

Grand Curtius, Féronstrée 136, 4000 Liège, tél. 04.221.68.00, www.grandcurtiusliege.be Entrée 5 euros, gratuit pour les moins de 12 ans. Gratuit pour tous chaque premier dimanche du mois et pendant le premier week-end de l’ouverture, les 7 et 8 mars.

(Suite en pages 39 et 40).

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