Déplacé, Laplace ?

Assourdissant ! Le tollé syndicalo-politico-médiatique suscité par le rapport du consultant Laplace sur la sidérurgie liégeoise laisse pantois. Mardi au Parlement wallon, le ministre de l’Economie et les interpellateurs, tous partis confondus, l’ont rejeté, enterré, promis au tiroir pour ne plus y subir que la critique rongeuse des souris. Pas d’illusion, à prendre connaissance du gros des commentaires, l’étude diligentée par le gouvernement wallon et la Sogepa, son bras financier, ne laissera dans l’opinion commune que deux stéréotypes : les Liégeois sont biesses et les syndicats irresponsables.

Assourdissant ! Le tollé syndicalo-politico-médiatique suscité par le rapport du consultant Laplace sur la sidérurgie liégeoise laisse pantois. Mardi au Parlement wallon, le ministre de l’Economie et les interpellateurs, tous partis confondus, l’ont rejeté, enterré, promis au tiroir pour ne plus y subir que la critique rongeuse des souris. Pas d’illusion, à prendre connaissance du gros des commentaires, l’étude diligentée par le gouvernement wallon et la Sogepa, son bras financier, ne laissera dans l’opinion commune que deux stéréotypes : les Liégeois sont biesses et les syndicats irresponsables.

C’est peu de chose de lire une soixantaine de pages mais manifestement, beaucoup ne s’en sont pas donné la peine. Et ceux qui l’ont fait, bien souvent, n’y ont pas perdu leurs œillères. Ainsi quand Jean-Claude Marcourt, à l’unisson avec les têtes pensantes de la CSC et de la FGTB, croit déceler des "incohérences intellectuelles" dans le propos de l’expert, parce que celui-ci épingle d’un côté la perte de "fiabilité sociale" du bassin de Liège tout en réfutant, de l’autre, les arguments économiques d’ArcelorMittal pour fermer le chaud. En fait, il n’y a pas là contradiction mais causes concomitantes. On peut très bien faire couler son bateau en trouant la coque et subir en estocade finale les tirs du navire amiral.

Marcel Genet et son collaborateur Cédric Orban, qui sont des familiers de la sidérurgie wallonne et liégeoise, n’ont ménagé personne et certainement pas les patrons du géant sidérurgique : leurs explications, lit-on, sont "partielles, spéculatives et en partie inexactes" (p. 17); "l’évocation d’une conjoncture difficile est exagérée" (p. 5); les vraies raisons de la décision sont d’augmenter les capacités de production des usines de Dunkerque, Gand et Brême (pp. 21-22). En prend aussi pour son grade, il est vrai, le "système liégeois" (p. 31) où les dirigeants politiques sont poussés par les syndicats, depuis 40 ans, à ne pas faire évoluer Cockerill, pendant que la base ouvrière est "manipulée par des irresponsables incontrôlés" (p. 6).

Le propos suscite des réponses insolites. Même le gentil Charles Michel, président du parti qu’on croyait le plus éloigné des appareils syndicaux, déplore que le consultant Laplace "semble enfoncer les travailleurs alors que ceux-ci se donnent sans compter pour leur entreprise". Le rapport ne met nullement en cause les qualités de nos sidérurgistes : il les rappelle au contraire (pp. 7, 34). C’est de leurs représentants et meneurs qu’il est question. Quatre mouvements de grève rien qu’en 2011, dont un avec séquestration des managers, cela n’a pas cours dans les autres sites d’Arcelor, en Flandre, au Luxembourg, en Allemagne, même en France. Il s’agit, hélas, d’une longue tradition régionale, devenue suicidaire face à un actionnaire gui gère douze lignes à chaud en Europe et peut aisément se passer de l’une d’elles. Les concessions faites en matière d’effectifs, de flexibilité et de salaires dans le cadre de la relance du HFB (Ougrée) sont venues trop tard.

Le rapport Laplace dérange tout le monde. Pas seulement les syndicats et les politiques qui sont à Liège comme cul et chemise, mais aussi la direction d’ArcelorMittal qui se tait dans toutes les langues depuis sa divulgation. C’est pourquoi ce travail méritoire et même courageux restera lettre morte. Ses propositions pour sécuriser le froid, s’appuyer sur une aciérie électrique à Chatelet, associer la Région et aussi les syndicats (mais oui) à la gestion, réhabiliter les sites fermés à l’aide des profits d’exploitation de la cokerie ou encore - quelle ambition ! - réconcilier les Liégeois, tout cela ne sera que roupie de sansonnet, comme doivent dire les Mittal père et fils.

M. Genet n’a pas compris que quand les décideurs publics commandent une étude à grands frais - un montant scandaleux, soit dit en passant -, c’est pour qu’on leur écrive ce qu’ils ont envie de lire. L’expert a cru qu’il pouvait dire la vérité. Il doit être exécuté.

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