Des vacances "tous" compris ?
Selon le directeur de l’ASBL Gamah, Vincent Snoeck, qui milite pour l’accessibilité des personnes à mobilité réduite (PMR), le secteur du tourisme en Belgique doit encore faire de gros efforts pour améliorer ses bonnes pratiques. Lui-même touché de près par cette thématique (il est aveugle), souligne les nombreux problèmes auxquels sont confrontés les touristes handicapés.
- Publié le 26-04-2012 à 04h15
Selon le directeur de l’ASBL Gamah, Vincent Snoeck, qui milite pour l’accessibilité des personnes à mobilité réduite (PMR), le secteur du tourisme en Belgique doit encore faire de gros efforts pour améliorer ses bonnes pratiques. Lui-même touché de près par cette thématique (il est aveugle), souligne les nombreux problèmes auxquels sont confrontés les touristes handicapés.
"Ils sont négligés, principalement par les pouvoirs publics, pleins de bonnes intentions mais lents à réagir. Les professionnels du tourisme, eux, commencent à se réveiller car ils savent qu’il y a de l’argent à se faire. Les personnes handicapées sont en effet de bons clients : ils voyagent hors saison, ont du pouvoir d’achat et sont fidèles aux lieux qui leur sont accessibles", affirme-t-il. "Trop peu de destinations nous sont ouvertes, sans parler du manque d’offre touristique complète, c’est-à-dire des activités culturelles ou de loisirs autour d’un lieu d’hébergement adéquat. De plus, les prestataires touristiques ont une méconnaissance de l’accessibilité PMR. Certains s’auto-qualifient accessibles alors qu’ils ne le sont pas. On installe une rampe d’accès mais elle est suivie de marches. Ou bien on crée une toilette aménagée mais elle sert de débarras. Le mois prochain, nous mettrons en ligne sur www.access-i.be une base de données qualifiant le niveau d’accessibilité PMR des espaces publics."
Si notre pays accuse du retard par rapport à d’autres (France, Scandinavie ou Canada), on constate tout de même des progrès. Le tourisme sectoriel, qui désigne des séjours regroupant uniquement des vacanciers déficients, se développe. A Liège, par exemple, l’ASBL Blind challenge organise des activités sportives, en Belgique et à l’étranger (escalade, parapente, ski alpin, randonnées en montagne ) pour des handicapés visuels.
Quant au secteur du tourisme accessible, impliquant une adaptation des lieux touristiques, culturels et patrimoniaux aux PMR, il bouge dans le bon sens, grâce à des initiatives privées et sous l’impulsion du monde associatif. En 2010, le domaine des grottes de Han a aménagé un parcours spécial pour les PMR qui remporte un franc succès. "C’est une idée qui mûrissait depuis longtemps car nous accueillons beaucoup de personnes âgées et de handicapés moteurs", explique Brigitte Malou, l’administratrice-déléguée du domaine. "Nous proposons des visites adaptées de certaines salles de la grotte ainsi qu’une visite de la réserve d’animaux sauvages dans un véhicule équipé d’une remorque dans laquelle une douzaine de chaisards peuvent prendre place. Il y a une très forte demande pour ces circuits PMR qui affichent toujours complet."
Marie-France Lissoir gère les gîtes de Choquenée près de Ciney. Elle a décidé l’an dernier de rendre son bâtiment accessible à tous. "Cela sonnait pour moi comme une évidence mais ma démarche s’est apparentée à un parcours du combattant. Financièrement, l’investissement est lourd. Il a fallu installer un ascenseur, aménager le parking, les sanitaires et les cuisines avec du mobilier adapté. Je me suis heurtée au scepticisme voire à l’hostilité de certains. On me disait : "Si tu fais un gîte pour les handicapés, je ne viendrai pas passer mes vacances chez toi car je ne veux pas me retrouver dans cet univers". Finalement, cette aventure est un succès. Je suis heureuse de voir cohabiter valides et non valides. Cela encourage l’échange et le partage."
La fondatrice de l’association Sel bleu, Isabelle Vandenbosch, mène un combat pour que les musées, les expositions ou les sites patrimoniaux soient non seulement accessibles physiquement aux PMR mais aussi culturellement. "Nous sensibilisons et nous formons du personnel d’accueil, des guides touristiques, afin que ceux-ci soient en mesure de proposer des visites adaptées. Les problèmes restent nombreux dans les lieux culturels et les initiatives prises par les pouvoirs publics souvent inadéquates. On trouvera des audio-guides ou des panneaux en braille dans des musées mais pas de personnel formé pour encadrer ces visiteurs particuliers."
On le voit, le concept de vacances "tous" compris n’est pas encore une complète réalité chez nous.
"La Belgique a ratifié la Convention des Nations unies relative aux personnes handicapées, qui prévoit l’accès plein et entier aux équipements physiques, sociaux ou culturels. Notre pays doit donc l’appliquer et construire son propre modèle. L’attente, c’est usant", conclut Vincent Snoeck.