Un décret désarmant

Soupir de soulagement à Namur : patrons et syndicats, d’Agoria à la FGTB, ne tirent plus à boulets rouges sur l’avant-projet de décret du gouvernement wallon relatif à l’octroi des licences d’exportations d’armes. Comme il s’agit de la quatrième révision, il était certes bien temps de passer du "non" franc et massif, qui accueillait les précédentes copies, au "oui, mais" tout en nuances prononcé mardi dernier.

Soupir de soulagement à Namur : patrons et syndicats, d’Agoria à la FGTB, ne tirent plus à boulets rouges sur l’avant-projet de décret du gouvernement wallon relatif à l’octroi des licences d’exportations d’armes. Comme il s’agit de la quatrième révision, il était certes bien temps de passer du "non" franc et massif, qui accueillait les précédentes copies, au "oui, mais" tout en nuances prononcé mardi dernier.

Est-ce à dire que plus aucune menace ne pèse sur le secteur de sécurité et de défense qui, pour rappel, représente quelque 7500 emplois directs et indirects dans le bassin liégeois ? On perçoit bien, dans les propos de la corporation, que la méfiance reste de mise. Les arrêtés d’application, circulaires et formulaires de mise en œuvre des nouveaux principes législatifs seront placés sous haute surveillance. L’opposition MR, de son côté, déplore l’excès de zèle dont ferait preuve l’équipe Demotte, allant plus loin que les directives européennes et "menaçant dès lors la compétitivité de nos entreprises".

Mais le politique, en la matière, est plus que jamais pris entre deux feux. A rebours des positions fondées sur les impératifs économiques et d’emploi, il y a tout un banc associatif qui rêve d’une Région wallonne émerveillant l’univers entier en ne vendant plus qu’à des clients d’une absolue irréprochabilité, dûment vérifiée et constamment contrôlée. Dans la majorité, le parti Ecolo est évidemment le plus perméable à ce discours. Il a fallu faire avec.

Du coup, le "compromis acceptable", selon les termes du ministre de l’Economie Jean-Claude Marcourt (PS), maintient l’obligation d’informer au préalable le gouvernement dans tous les cas jugés "sensibles", certes limités (1 ou 2 % du marché). Il n’est plus question, comme précédemment, d’une autorisation préalable par laquelle l’industrie se serait retrouvée avec les mains aussi liées que le prince Laurent quand il veut partir en voyage peu ou prou officiel ! Avec cette différence de taille, s’agissant des fabriques d’armement, que le temps de réflexion ou d’hésitation aurait été pain bénit pour la concurrence.

Car ledit temps eut été fatalement long. Celui qu’il faut pour discerner, jauger, soupeser des situations loin d’être toujours limpides. La Ligue des droits de l’homme prône le refus pur et simple là où de graves violations des droits de l’homme ont été constatées. Mais où situer la ligne rouge ? Les droit-de-l’hommistes ne se sont guère manifestés quand Kadhafi dressait sa tente à Val Duchesse. L’Ukraine a été jugée assez honorable pour coorganiser l’Euro 2012. La presse internationale a relayé des informations selon lesquelles l’Arabie saoudite et le Qatar aident la rébellion syrienne avec des armes de la FN. Dans le camp du "bien", les monarchies panislamistes du Golfe ? .

Globalement, il n’y a plus lieu de circonscrire un débat éthique aussi vieux que les sociétés humaines. Toute arme est mauvaise en soi, mais on continuera d’en produire encore longtemps à Herstal et c’est heureux, au nom du mal nécessaire. Le Browning en or du Guide défunt de la Révolution libyenne, effectivement choquant, ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Les armées ne sont pas toutes au service de tyrans. Il en est qui défendent légitimement le territoire d’un pays agressé, qui assurent le maintien de la paix en servant de force d’interposition (Casques bleus) ou qui, dans des situations de troubles extrêmes, sauvent les civils menacés d’extermination. N’a-t-on pas assez reproché à la Mission des Nations unies sa démission face au génocide rwandais ? Ou au contingent néerlandais de n’avoir pas empêché le massacre de Srebrenica ?

Restent, en effet, les cas douteux. Ce ne sont pas le blanc ni le noir qui posent problème : c’est le gris. Il requiert un examen attentif, à ne pas confondre avec l’attentisme, faute de quoi d’autres auront vite fait de nous remplacer.

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