Don Juan au palais de Liège
Don Juan au palais : voilà de quoi faire se retourner les princes-évêques de Liège dans leur tombe. Le dramma giocoso de Mozart est le nouveau spectacle en plein air que l’ASBL L’Opéra pour tous proposera, du 22 au 24 août prochains.
Publié le 12-06-2013 à 09h06
:focal(115x89:125x79)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/7U6KUHVBIZEGPLAKGSMMK3ZY6M.jpg)
Don Juan au palais : voilà de quoi faire se retourner les princes-évêques de Liège dans leur tombe - quoique pour certains d’entre eux mais n’insistons pas ! Le dramma giocoso de Mozart est le nouveau spectacle en plein air, le quinzième consécutif déjà, que l’ASBL L’Opéra pour tous proposera, du 22 au 24 août prochains, dans la cour de l’ex-résidence de nos souverains. Autant dire que le succès est quasi programmé. Autant savoir qu’il vaut mieux ne pas tarder à réserver
"J’ai entendu dire dans les couloirs à Liège qu’avec les Contes d’Hoffmann, l’an dernier, on avait présenté notre plus beau spectacle, explique le directeur général de l’association Cédric Monnoye. Cette fois, nous avons de nouveau voulu faire appel à des pointures exceptionnelles". Celle qui, bien sûr, éveillera le plus de curiosité n’est autre que Patrick Poivre d’Arvor qui assure la mise en scène avec la jeune Manon Savary, un tandem déjà constitué en 2010 autour de la "Carmen" de Bizet. La direction musicale a été confiée quant à elle à Yannis Pouspourikas.
De "Don Giovanni", les deux maîtres d’œuvre, qui sont venus en repérage au palais de la Cité ardente il y a quelques semaines déjà, proposeront une approche qui souligne la dimension du temps et de son écoulement inexorable, dans le cadre de l’action limitée à une journée dont le séducteur amoral sait qu’elle sera pour lui la dernière. "On y va dans cette frénésie, une course contre le temps, explique PPDA. Don Juan est un libertin, il a une conception de la vie assez consommatrice. Que feriez-vous si vous appreniez que cette journée sera votre dernière ? Lui s’affranchit encore plus de toutes les conventions sociales". Et n’a de cesse d’ajouter de nouvelles conquêtes aux 2065 qu’il a déjà au compteur, avant de se retrouver sans repentir face au Commandeur.
Pour symboliser cette marche du temps, Manon Savary a imaginé un dispositif ingénieux. Un grand plateau circulaire et un second, tournant, au centre, évoquent des horloges. L’action se déroule dans un jardin avec un "kiosque" transformable qui peut être tantôt un élément du jardin, tantôt une chambre, tantôt un balcon "Il se passe énormément de choses dans cette journée, observe la conceptrice. On peut perdre le fil, d’où l’importance de conserver quelques marqueurs qui sont des indications de l’unité de temps. C’est le cas avec la préparation d’un banquet".
Le pécheur ou le révolté ?
Mais quel regard sur la fin du livret de Lorenzo da Ponte, qui voit les flammes de l’enfer engloutir Don Giovanni ? Entre la punition du pécheur et la persévérance du révolté, les lectures abondent. Le journaliste et écrivain français, dont un roman est intitulé "La mort de Don Juan" - où il s’identifie à Byron -, ne l’ignore pas. "Mozart lui-même n’avait pas fait de choix tout de suite, nous dit-il. Si on fait des rajouts à une œuvre, c’est assez souvent pour faire plaisir à des divas. On voit que l’opéra a reçu un accueil formidable lors de sa première représentation à Prague alors qu’à Vienne, cela a été plus froid. Nous avons fait le choix de considérer que le premier jet, plébiscité par le public à l’époque, constitue la vérité de l’œuvre". L’image finale sera ici celle de personnages qui, après avoir été aimantés par le charisme du débauché mythique, ne savent plus que faire de leur vie. Elvira décide de se retirer dans un couvent. Leporello se demande s’il trouvera meilleur maître. "On a gardé le côté moral et en même temps l’absence, la perte du magnétisme".
Signalons encore la mise en chorégraphie de certains passages cruciaux par Laurence Roussarie et les costumes réalisés par David Belugrou. L’un et l’autre avaient participé à l’aventure "Carmen". La première met en valeur les femmes dont le héros baroque fait si grand et si peu de cas à la fois. Le second a intégré la dimension symbolique dans son travail. "Il y a un ancrage dans une époque, constate Manon Savary, quelque chose d’assez espagnol dans les couleurs, le travail de la coupe, la matière, et en même temps quelque chose d’assez prérévolutionnaire".
L’orchestre jouera derrière le plateau, sous les arcades, les façades du palais étant intégrées aux décors. Et des talents liégeois figurent dans la distribution, à commencer par le rôle-titre interprété par le baryton-basse Pierre Doyen, qui accomplit une brillante carrière internationale, mais aussi la soprano Sabine Conzen qui jouera Zerlina.