Si Warhol avait été indien…
Une des expositions phares d’Europalia a ouvert ses portes au Grand Curtius.
Publié le 14-10-2013 à 05h39 - Mis à jour le 14-10-2013 à 08h31
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S’il est arrivé dans le passé que la Cité ardente rate le train d’Europalia international, c’est tout le contraire cette année. L’exposition "Water Art Walk", qui a ouvert ses portes ce week-end au Grand Curtius et en quatre autres lieux, constitue en effet une des principales manifestations du festival dont la 24è édition est consacrée à l’Inde (cfr "La Libre Culture" du 2/10).
"Depuis que je suis à Europalia, c’est-à-dire douze ans , c’est la première fois qu’une des expositions du top 3 est présentée à Liège", explique la directrice générale Kristine De Mulder. "Ce sont eux qui ont proposé de venir, nous dit de son côté le directeur des musées de la Ville Jean-Marc Gay. Nous avions déjà eu une très bonne collaboration dans le cadre d’Europalia Chine avec l’exposition sur les Miao. Europalia, c’est un label qui attire beaucoup de monde…"
A entendre les organisateurs, c’est le thème même de "Water Art Walk", à savoir l’eau, qui les a décidés à venir faire étape en bord de Meuse. Mais autant prévenir d’emblée : ceux qui s’attendraient à découvrir ici des œuvres témoins de l’Inde éternelle risquent d’être décontenancés. C’est un parcours d’art résolument contemporain qui est proposé et en la matière, sauf exceptions, les créateurs du pays de Gandhi et Nehru n’ont rien à envier à ceux qui, chez nous, poussent au plus loin la rupture avec les canons de l’esthétique.
Quant au fond, c’est le grand écart entre la sacralisation millénaire des fleuves et de leur déesse Sarasvati jusqu’aux enjeux socio-politiques et environnementaux du précieux liquide en ce siècle. "La thématique de l’eau traverse l’histoire et occupe tous les domaines de pensée de l’homme, relève Gayatri Sinha, conservateur de l’exposition, spécialiste réputée. Dans le monde de l’art contemporain, cette thématique se mue en un signe d’identité économique et sociale. Elle fait tour à tour référence au mouvement, au passage du temps, au désastre que produit son absence ou encore au sacrifice. L’art actuel reflète ces différentes visions".
Excréments sacrés
Les premières installations qui s’offrent au regard du visiteur servent de transition entre la dimension historique et le présent. C’est notamment le cas pour le bateau de Subodh Gupta, rempli de ces pots que les femmes portent sur la tête pour aller chercher de l’eau, ou encore pour le monument funéraire à vingt colonnes en matériaux recyclés de Sudarshan Shetty (photo), au cœur duquel un jaillissement d’eau perpétuel symbolise la vie.
Après, changement de registre. Les montages vidéos de Subodh Gupta - qui se fait arroser d’excréments de vaches, censés sans doute être aussi sacrés que leurs productrices ! - aux séquences de photographies d’Atul Bhalla autour d’un corps immergé en passant par Sheba Chhachhi qui fait défiler les 70 synonymes du mot "eau" existant en sanskrit sur fond de paysage urbain, on entre dans un univers où, pour le dire simplement, Andy Warhol n’eût été nullement dépaysé.
Au total, une quinzaine de plasticiens consacrés ou émergents ont été réunis au Grand Curtius ainsi que dans les prolongements de l’exposition au musée d’Ansembourg, à la galerie Les Drapiers (où l’autochtone Patrick Corillon se confronte à l’Indien Srinivasa Prasad), à l’areine de Richonfontaine (rue Mère-Dieu) et au cinéma Sauvenière. Trois de ces artistes sont actuellement accueillis à Liège au Résidences ateliers Vivegnis international (Ravi).