Des orfèvres sans frontières
- Publié le 15-12-2016 à 10h08
- Mis à jour le 15-12-2016 à 10h09
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Un beau livre né d’un colloque, sous la houlette du Trésor de la cathédrale de Liège.Les moins de 20 ans et même de 40 ne peuvent pas avoir connu l’exposition Rhin-Meuse, qui fit découvrir notre patrimoine eurégional au grand public, à Cologne et à Bruxelles, en 1972. L’art des orfèvres médiévaux s’y était taillé une part de lion et pour cause, tant son rayonnement fut unique dans l’Europe du temps des cathédrales.
"Mais depuis cette exposition, c’est un peu le ronron, nous dit Philippe George, conservateur du Trésor de la cathédrale de Liège. On manque d’une vision internationale de l’art mosan, dont les œuvres ont été disséminées un peu partout". A la suite des mises en vente opérées sous le régime révolutionnaire français, on trouve en effet aujourd’hui nos joyaux dans les musées et les collections privées du monde entier.
Un âge d’or
Faute de réunir les pièces, on peut au moins rassembler le savoir à leur propos. Ce fut le but, en novembre 2014, d’une journée d’études internationale dont vient de naître un beau livre, regorgeant d’érudition et d’illustrations rares, voire inédites, et complétant une première publication dont nous avions rendu compte (LLB-Gazette, 9-10/5/2015) 1.
Huit interventions et huit contributions complémentaires apportent autant d’éclairages précieux sur l’orfèvrerie mosane, plus largement septentrionale, aux XIIè et XIIIè siècles qui constituent son âge d’or, avec une pointe d’efflorescence entre 1160 et 1180. Le centre de pensée est à Liège, les ateliers à Huy et dans l’Entre-Sambre-et Meuse, le mécénat à Stavelot-Malmedy notamment, avec une large diffusion vers les régions limitrophes. Les études et analyses des émaux mosans décorant châsses, reliquaires, phylactères, autels, croix… témoignent d’une activité et d’une inspiration qui gagneraient à être aussi valorisées dans le cadre d’une exposition.
Un dessin pour un procès
"L’émaillerie mosane et l’émaillerie historiée en particulier est vraiment extraordinaire, plaide Philippe George, avec ses personnages, ses saints, ses représentations des vertus, ses parallèles entre Ancien et Nouveau Testament… Mais il faut sortir de Liège pour découvrir des œuvres de tout premier plan". Parmi les sommets de beauté, citons seulement le Trésor d’Oignies, le phylactère de Lobbes, la croix conservée à Baltimore, d’étonnants aquamaniles ou encore les médaillons de Berlin et de Francfort dont un dessin du retable de saint Remacle à Stavelot, récemment découvert aux Archives de l’Etat à Liège, a permis de situer l’origine. Ledit dessin avait été réalisé en vue d’un procès opposant le seigneur de Hozémont et l’abbaye de Stavelot à l’évêque de Liège à propos d’un bien situé à Sclessin.
Le Trésor de Liège, qui a dirigé le colloque et édité les deux livres, confirme ainsi qu’il est, outre une institution muséale, un acteur de la recherche scientifique avec lequel il faut compter.Paul Vaute
1 "Orfèvrerie septentrionale XIIè et XIIIè siècle", Feuillets de la cathédrale de Liège, L’œuvre de la Meuse II, 258 pp. 21 x 29,5 cm. Ce volume, comme le précédent (L’œuvre de la Meuse I), est vendu au prix de 25 euros au Trésor de la cathédrale et dans les bonnes librairies liégeoises. Rens. : tél. 04.232.61.32.