Des écrivains pour exclure l'exclusion

Chantal Godard

On croyait le métier d'écrivain public révolu. Il refait surface depuis quelques années. En province de Namur, l'association Lire et Ecrire-Namur organise des formations et stimule la création de services d'écrivains publics dans les régions et les quartiers, au plus près des gens. Un adulte sur dix éprouve des difficultés à lire et écrire ce qui représente 35000 personnes en province de Namur.

Une crainte de l'écrit

Geneviève Godenne coordonne les services d'écrivains publics de Lire et Ecrire-Namur: «C'est une démarche difficile pour ces personnes de reconnaître qu'elles éprouvent des difficultés à lire et écrire. Elles en éprouvent une honte et en particulier les Belges. Une relation de confiance doit pouvoir s'instaurer. Le premier contact se fait souvent par l'intermédiaire d'autres personnes. Elles peuvent ainsi renouer avec l'écrit qui leur a inspiré une crainte depuis l'école. L'écrivain public met en avant les compétences de la personne dans sa manière de faire passer un message. Il met en mots ce que la personne dit ou ce qu'elle écrit phonétiquement.» En province de Namur, 118762 adultes ont au maximum le certificat d'études de base et 76657 n'ont pas de diplôme. A Sambreville, il y aurait 2000 personnes en difficulté avec l'écrit. G. Godenne affirme: «Un jeune sur dix sort de l'école sans maîtriser les connaissances de base. Et certaines personnes comme parfois les femmes au foyer perdent la maîtrise de l'écrit. Le décrochage et les échecs scolaires peuvent être à l'origine du problème. Les causes socio-familiales ou socio-économiques y contribuent. Lorsque c'est difficile de boucler un budget, l'école n'est pas la priorité. Et il est difficile de rattraper un parcours scolaire lorsqu'on est adulte.»

Soit dit en passant, les services d'écrivains publics se débrouillent jusqu'à présent sans aucun subside d'aucun pouvoir public.

G. Godenne insiste: «Nous avons besoin d'une reconnaissance des pouvoirs publics et de moyens. Excepté le forum organisé par la Communauté française en 2003 qui a donné naissance à une charte. Et le prochain forum organisé en mai prochain par le PAC Liège (avec le soutien de la ministre Vienne).»

Deux passionnées à Eghezée

A Eghezée, le service «Les Ecrivoles» a été créé en juin 2004 à la suite d'une formation organisée par Lire et Ecrire-Namur. Pascale Farcy et Sonia Mouravieff sont passionnées par leur nouveau métier.

Même si cela prend beaucoup de temps d'atteindre leur public: «La formation que nous avons suivie nous a permis d'abandonner l'image d'Epinal que nous avions de l'écrivain public. Nous avions une image romantique où nous allions écrire des lettres d'amour. Nous avons fait table rase de ces clichés. En faisant des jeux de rôle entre nous, nous avons appris à écouter et à débloquer des situations, à rendre la parole à la personne, à renouer son lien avec l'écrit. C'est l'écoute qui engendre la confiance. Il faut être au plus près de la personne pour qu'elle retrouve ses mots et que la lettre lui appartienne.»

Grâce à la formation qu'elles ont suivie, elles ont appris à respecter leurs propres limites. «Il y a aussi notre éthique. Si la personne veut écrire des propos racistes ou pédophiles, nous mettons nos limites. Et nous restons aussi dans les limites de la légalité.» Un principe -qui fait partie de la Charte de l'écrivain public- consiste à jeter toute trace des lettres écrites pour les bénéficiaires. C'est aussi le bénéficiaire qui signe son courrier et qui assure lui-même l'envoi postal.

Pour faire connaître leur service, Pascale et Sonia ont pris contact avec les acteurs et services locaux. Mais elles sont un peu déçues de l'accueil qui leur a été fait: «Beaucoup de choses se font dans le tissu social. Mais certains ont peur qu'on leur prenne leur boulot, qu'on empiète sur leur terrain.» Mais «Les Ecrivoles» ne s'arrêtent pas pour si peu. L'une a écrit une lettre pour la marraine d'une petite fille d'une dizaine d'années ou un discours à l'occasion d'un anniversaire.

Sonia a réalisé un travail de longue haleine avec Jean-Pierre qui ne parvenait pas à écrire du courrier à l'intention de son avocat.

Lire et Ecrire-Namur: rue Relis Namurwès, 1, 5000 Namur, tél.: 081.74.10.04.

Formation écrivain public du 16 au 20/10/2006 à Namur. Permanences Ecrivain public tous les jeudis de 14 à 16h: rue St-Nicolas, 141, 5000 Namur.

«Les Ecrivoles»: tél.: 081.81.10.98. E-mailpascalefarcy@skynet.be - sonia mouravieff@skynet.be. Sur rendez-vous téléphoniques à la Marmothèque: rue de la Poste, 31 à Leuze et à la Maison de la Croix-Rouge: rue du Saiwiat, 5 à Eghezée.

Permanences Ecrivain public: bibliothèque de Floreffe les jeudis de 18 à 19h ou sur rendez-vous - GSM: 0495.87.67.48.

Appel à bénévoles à Sambreville par Lire et Ecrire-Namur avec la Plate-forme communale des quartiers de Sambreville.

© La Libre Belgique 2006

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