Pourquoi "Tarzan" a-t-il été tabassé à mort ? "J'ai fait le con, il faut que j’assume"
Ils sont trois à devoir répondre du meurtre d’Antoine Marchal dont sa fille Mélissa Sauvage.
Publié le 07-03-2023 à 07h48
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Lorsque le frère d’Antoine Marchal prend contact avec la police le 9 septembre 2020, il vient de faire une macabre découverte. Alors que l’on était sans nouvelle depuis plusieurs jours de celui qu’on surnommait "Tarzan", son frère a réussi à entrer dans l’habitation du sexagénaire, au Trieux, à Bomal (Durbuy). Une maison où régnait une mauvaise odeur et où il y avait des traces de sang.
Le corps d’Antoine Marchal, 61 ans, se trouvait à l’étage. Un médecin-légiste jugera d’emblée le décès suspect. La mort remontait à plusieurs jours. Des soupçons de coups ont aussi vite été émis.
Une piste guidera rapidement l’enquête vers Mélissa Sauvage, l’une des filles d’Antoine Marchal, vivant en région liégeoise.
Les faits qualifiés de meurtre pour faciliter le vol seront jugés dès la semaine prochaine devant la cour d’assises du Luxembourg à Arlon. Le jury sera constitué ce mercredi.
Au centre de l’affaire, on retrouve une relation conflictuelle entre père et fille. La téléphonie a mis en évidence que Mélissa Sauvage et Antoine Marchal ont été contact jusqu’au 31 août 2020 soit quelques jours avant la macabre découverte,
Le véhicule avait disparu
Autre fait troublant, la voiture du sexagénaire, une VW Touareg, ne se trouvait plus à Bomal. Après la découverte du corps de "Tarzan", un appel à témoins avait d’ailleurs été diffusé concernant la disparition de ce véhicule. Le lendemain de cette diffusion, Mélissa Sauvage s’était rendue à la police de Seraing pour déclarer avoir acheté la voiture à son père.
L’enquête se concentrera donc très vite autour de la fille de la victime mais aussi de son entourage liégeois, dont Renaud Dessart – avec qui elle a été en couple – et Fabrice Duchesne, une connaissance qu’elle hébergeait alors.
Tout au long des investigations, un scénario sera établi par les éléments d’enquête, attestant de la présence du trio à Bomal, au domicile d’Antoine Marchal, le 31 août 2020.
Dès ses premières auditions Mélissa Sauvage évoquera un élément au cœur du dossier. À savoir des suspicions de viol de son père sur l’une de ses autres filles, âgée alors de 13 ans. Des suspicions faisant écho à une situation que Mélissa Sauvage dit aussi avoir vécue plus jeune.
Au fil de l’enquête, Mélissa Sauvage, Renaud Dessart et Fabrice Duchesne reconnaîtront s’être rendus à Bomal le 31 août 2020 en soirée. Mélissa Sauvage finira par expliquer être allée chez son père, avec les deux autres protagonistes, pour lui faire avouer un viol sur sa jeune sœur.
Un plan suspecté
Le plan étant aussi de prendre la voiture, un GSM et toute autre preuve pouvant l’incriminer dont un PC. Il avait même été prévu d’imaginer une fausse facture de vente de la VW Touareg d’Antoine Marchal. Selon Mélissa, le ton est monté entre elle et son père. Renaud Dessart et Fabrice Duchesne, toujours selon ses explications, sont intervenus et se sont battus avec Antoine Marchal qui sous la contrainte a signé une prétendue facture de vente de sa voiture. Le dossier fait état de l’utilisation de liens et de téléphones emportés pour éviter qu’il ne donne l’alerte.
Le trio serait revenu sur place le lendemain pour notamment ramener une télévision emportée la veille. D’après les explications de Mélissa Sauvage, son père ne se trouvait plus au salon là où il avait été laissé au sol, mais à l’étage (lire ci-dessous).
Face aux enquêteurs, Fabrice Duchesne reconnaîtra sa présence sur les lieux tout en réfutant avoir porté des coups et expliquant avoir voulu séparer Renaud Dessart et Antoine Marchal.
Enfin Renaud Dessart finira aussi par livrer des explications. Alors qu’il avait fait valoir jusque-là son droit au silence, interrogé par des policiers arlonais sur une bagarre survenue à la prison d’Arlon où il était placé en détention préventive, il leur confessera à propos d’Antoine Marchal: "Je lui ai donné des coups et il en est mort… j’ai fait le con, il faut que j’assume et que je paie mes dettes à la société."
Réentendu par les enquêteurs, il avouera avoir été présent le 31 août chez Antoine Marchal, expliquant ses actes par le fait qu’il aurait "vu rouge", mais en impliquant aussi Fabrice Duchesne qui, selon ses explications, a participé activement au passage à tabac.
Des abus jamais étayés
Les trois accusés, Mélissa Sauvage (34 ans), Renaud Dessart (42 ans), Fabrice Duschesne (42 ans également) seront jugés comme coauteurs.
À noter que si des suspicions de faits de mœurs ont été dirigées envers Antoine Marchal, par Mélissa Sauvage, aucune plainte n’a jamais débouché sur un renvoi de la victime devant un tribunal pour de tels faits.
Un décès probablement des suites d’une hémorragie intracrânienne
L’état de la maison d’Antoine Marchal, dans lequel les enquêteurs l’ont découvert, pouvait laisser croire qu’il avait été frappé alors qu’il se trouvait au sol au salon vu la présence de sang. Les enquêteurs ont aussi déduit que la victime ou une autre personne porteuse de sang s’est déplacée dans la cuisine et la salle de bains à l’étage.
À noter que le corps du sexagénaire a été retrouvé à l’étage, et non au salon, plusieurs jours après le décès. Un corps qui était déjà en état de putréfaction. Le visage présentait des lésions traumatiques.
Le médecin légiste estime que la cause "probable" du décès est une "hémorragie intracrânienne hémisphérique droite, consécutive à un ou plusieurs traumas crâniens".
Concernant le laps de temps écoulé entre les blessures infligées à Antoine Marchal et son décès, le médecin légiste ne peut l’établir avec certitude. Par contre, de manière théorique, selon l’expert, il faut au minimum quelques minutes et au maximum 24 heures pour que de telles blessures entraînent potentiellement la mort.
Les accusés expliquent être revenus à Bomal le lendemain, soit le 1er septembre 2020, tôt au matin. D’après eux, Antoine Marchal se trouvait à l’étage, et il ronflait. Des déclarations également soumises à l’expertise du médecin légiste. Et selon lui, cette explication de ronflement entendu, vers 6h du matin, est compatible avec les conclusions médico-légales.
Un 4e accusé devra uniquement répondre de recel
Si Mélissa Sauvage, Renaud Dessart, Fabrice Duschesne devront ensemble répondre du meurtre d’Antoine Marchal, un quatrième accusé sera aussi jugé devant la cour d’assises. Ce 4e accusé demi-frère de Fabrice Duschesne est visé par une accusation de recel, en l’occurrence pour avoir pris possession d’un GPS appartenant à Antoine Marchal en sachant qu’il avait été volé. Des faits secondaires. Mais ce dernier accusé pourrait aussi apporter des explications sur le contexte puisqu’il fréquentait le trio.
Plus de deux semaines de procès et une douzaine d’avocats
Ce procès d’assises sera présidé par Hugues Marchal, conseiller à la cour d’appel de Liège, assisté par Anne Wiliquet et Anne Becker, juges au tribunal de première instance du Luxembourg.
La procureur Murielle Seret endossera la fonction d’avocat général pour soutenir l’accusation.
Une douzaine d’avocats interviendront au procès. Mélissa Sauvage sera défendue par Mes Dimitri De Coster et Loïc Richard ; Renaud Dessart par Mes Dorothée Kauten et Joëlle Saussez ; Fabrice Duchesne par Mes Luc Balaes et Romane Focant et enfin le dernier accusé, devant répondre de recel, par Me Colin Gilissen.
Les parties civiles seront, elles, assistées par Mes Audrey Lamy, Alexandre Wilmotte, Philippe Zevenne, Laurent Pacolet, Julie Coste.
Vu le nombre de témoins convoqués et le nombre de parties, le procès pourrait se tenir jusqu’à la semaine du 27 mars.