A la rencontre du président de la Fédération belge de cyclisme: "La mondialisation n’aura pas raison de la tradition"
Tom Van Damme, président de la Fédération, préface l’ouverture de la saison belge.
Publié le 22-02-2017 à 11h34 - Mis à jour le 22-02-2017 à 12h00
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Tom Van Damme, président de la Fédération, préface l’ouverture de la saison belge.
Un petit crachin glacial fait luire ce jour-là les pavés du Markt d’Audenarde, à côté duquel Tom Van Damme nous a fixé rendez-vous. "Un vrai temps de flahute ", sourit le président de la Fédération nationale. Autour d’un café commandé dans la brasserie qui jouxte le musée du Tour des Flandres, le boss de la RLVB a préfacé pour nous le lancement de la saison belge. "Je vis à quelques pas d’ici puisque ma maison est située au sommet du Paterberg", sourit celui que l’on appelle président depuis juin 2010. "Beaucoup d’amateurs de cyclisme doivent, certes, m’envier, mais ils n’ont pas à le gravir à chaque fois qu’ils rentrent d’une sortie à vélo…" (rires)
Tom, que représente encore à vos yeux le Circuit Het Nieuwsblad. Peut-on parler de la vraie ouverture de la saison ?
"Je dirais qu’il s’agit du coup d’envoi d’un certain cyclisme, celui du nord de l’Europe. J’étais en Australie en janvier pour le Tour Down Under et je peux vous assurer qu’il constitue, comme la Cadel Evans Great Ocean Road Race, une épreuve extrêmement relevée. Elles sont d’ailleurs toutes deux labélisées World Tour . Certaines équipes réfléchissent d’ailleurs à organiser leurs traditionnels camps d’entraînements hivernaux aux antipodes quelques semaines avant ces rendez-vous. C’est là-bas que Peter Sagan a, par exemple, préparé sa saison pendant un mois. Ce qui constitue, sans doute, l’avenir à mes yeux."
Cette mondialisation met-elle précisément la position de nos épreuves historiques en péril ?
"Non, je ne pense pas. Celle-ci, dont j’ai toujours été un partisan assumé, n’aura pas raison de la tradition. Le sport cycliste s’est toujours construit autour de rendez-vous et de lieux mythiques comme le Mur de Huy ou le Galibier par exemple. Pour développer notre sport tout autour du globe, il faut nous adosser à son histoire. Il est par exemple important de ne pas altérer la période des classiques qui s’ouvre, en partie, avec le Nieuwsblad et se refermera au soir de Liège-Bastogne-Liège. D’au-tres épreuves peuvent coexister pour, par exemple, préparer certains coureurs au Giro, mais il serait stupide de vouloir trop chambouler ce moment fort de la saison."
Dans une forme de fierté patriotique mêlée à une dose de chauvinisme, on se plaît à continuer d’affirmer que la Belgique reste la terre du cyclisme. Mais est-ce toujours vrai ?
"Elle en constitue le terreau historique ! La ferveur du public est énorme et l’ambiance qui régnera samedi à Gand, au départ du Nieuwsblad , conserve quelque chose de magique. Mais nous n’a-vons pas le monopole absolu du fanatisme. (rires) En Australie, en Allemagne, en Norvège, en Angleterre et même au Rwanda : la popularité du cyclisme est énorme."
L’élargissement du calendrier World Tour a vu deux nouvelles épreuves belges rejoindre ce prestigieux label. Un juste retour des choses ?
"Je crois que c’est totalement mérité. Personne ne contestera la position du Nieuwsblad , promu à cet échelon, dans ce calendrier. Quant à À Travers la Flandre , c’est surtout sa date qui constituait un argument de poids. Le modèle de l’UCI est de proposer des rendez-vous World Tour les mercredis et les dimanches."
Votre position de président de la commission route de l’UCI vous a-t-elle permis de plaider leur cause ?
"Je tente de rester neutre mais disons que cela m’a permis d’actionner certains leviers pour placer ces deux épreuves dans un contexte que je juge correct. J’essaie cependant d’analyser les différentes candidatures avec autant d’objectivité que faire se peut. J’ai par exemple été un ardent défenseur de la Cadel Evans Great Ocean Road Race car j’estimais important que l’Australie possède une course d’un jour labélisée World Tour . À l’avenir, il me paraît important de mieux équilibrer épreuves par étapes et d’une journée dans ce calendrier. Je crois ainsi que dans un avenir proche. la Vuelta et le Giro seront moins longs. Et je ne suis pas du tout certain que le Tour de France comptera encore sur 21 étapes dans dix ans... Même les Jeux Olympiques ne s’étendent que sur deux semaines et trois week-ends."
"Pas de probléme communautaire"

Une petite phrase du président de l’aile francophone avait installé le doute à Doha
En marge du dernier Mondial de Doha, une petite phrase de Thierry Marichal avait laissé deviner certains problèmes communautaires au sein de notre Fédération. Le président de la FCWB (l’aile francophone) avait en effet confié qu’à potentiel égal "un Flamand sera préféré à un Wallon" au moment de commenter l’absence de coureurs émanant du sud du pays au Qatar.
Une étincelle qui n’a heureusement pas allumé de brasier. "J’avais été très surpris par cette déclaration car j’ai toujours eu le sentiment qu’aucun problème communautaire n’entravait le bon fonctionnement de notre institution", juge Tom Van Damme. "Plusieurs francophones sont présents tant dans le staff technique que dans le comité de sélection qui doit valider les choix des coaches à l’unanimité. La nature du parcours, la forme et les ambitions ont fait que nos neuf sélectionnés étaient, cette fois, tous flamands. Il ne faut y lire aucune forme de privilège ou de passe-droit. Je vous assure que si, pour les Championnats du Monde de Bergen, il se faisait que les meilleurs éléments capables de nous représenter en Norvège étaient tous wallons, je l’accepterais. Seuls les critères sportifs entrent en considération dans ce type de choix, je vous l’assure avec force et conviction."
Le président se félicite d’ailleurs du passage de la formation WB-Veranclassic-Aqua Portect en continentale pro. "C’était sans doute l’étage manquant dans la pyramide du cyclisme wallon", poursuit Van Damme. "Cela doit aider les jeunes talents à gravir l’échelon menant au World Tour ."
C’est que sur les 52 coureurs belges évoluant au plus niveau du cyclisme mondial, seuls quatre sont issus du sud du pays… "Il faut aussi aller plus loin dans le travail de promotion de notre sport auprès des plus jeunes. On peut faire mieux sur ce terrain !"
"Boonen met de la magie dans l’air"
Tom Van Damme ne craint pas la période qui suivra la retraite de l’Anversois
Médaillé de bronze lors du Mondial d’octobre, Tom Boonen a disputé au Qatar son ultime rendez-vous arc-en-ciel avant de s’engager dans sa dernière campagne flandrienne.
"Il va nous manquer, c’est absolument indéniable", juge Tom Van Damme. "C’est un coureur pour qui le maillot des sélections nationales a toujours eu une forte valeur symbolique et qui a constamment défendu nos couleurs. Au-delà de son titre mondial de Madrid, il savait aussi se mettre au service du collectif quand il comprenait que c’était de cette manière qu’il serait le plus précieux au collectif. J’en veux pour preuve le boulot qu’il a abattu pour Philippe Gilbert à Valkbenburg en 2012, quand le Liégeois a été sacré. Lors du dernier Mondial au Qatar, où il savait avoir une chance réelle de rêver à un nouveau maillot arc-en-ciel, il a su fédérer toute une équipe entière autour de lui et faire de cette sélection une véritable machine. Je crois que le coup de bordure réalisé par nos hommes dans le désert restera dans l’esprit de beaucoup pour quelques années encore." (rires)
Leader naturel, Boonen possède aux yeux du président de la RLVB un petit quelque chose difficilement définissable. "On pourrait parler de charisme, mais il y a sans doute aussi une autre dimension sur laquelle je peine à mettre des mots. Pour la mesurer totalement, le mieux est de se rendre au départ d’une course et d’analyser le comportement du public à son passage ou lors de sa signature sur le podium. Tom met de la magie dans l’air. (rires) On peut ressentir une forme de tension soudaine. Nous possédons en Belgique plusieurs jeunes coureurs capables de faire vibrer le public dans les prochaines années. On craint souvent l’après d’un grand champion, mais je suis convaincu que la relève sera assurée. L’histoire du vélo dans notre pays l’a toujours prouvé."