Greg Van Avermaet à coeur ouvert: "Je gagnerai peut-être Sanremo quand personne ne l’attendra"
Serein et épanoui, Greg Van Avermaet nous a accordé une interview exclusive à l’aube de Milan-Sanremo et de ses objectifs.
Publié le 16-03-2017 à 07h43 - Mis à jour le 16-03-2017 à 08h24
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Serein et épanoui, Greg Van Avermaet nous a accordé une interview exclusive à l’aube de Milan-Sanremo et de ses objectifs. Dans le lobby d’un hôtel sans âge à la gare de Terni, au cœur de l’Ombrie, Greg Van Avermaet s’annonce par la mélodie d’un sifflotement. Serein, épanoui et détendu, le double vainqueur du Circuit Het Nieuwsblad a peaufiné sur Tirreno-Adriatico (36e du général final après avoir porté durant une journée le maillot bleu de leader) une condition qui le gonfle de confiance. Rencontre.
Greg, est-ce une surprise pour vous d’être en aussi bonne condition après le coup d’arrêt consécutif à votre chute de novembre ?
"Un petit peu, oui. Je m’attendais à accuser un retard plus important mais pense désormais être de retour à un niveau équivalent que l’année dernière à la même période. Je suis logiquement très content d’une forme qui m’a permis de remporter la course la plus importante que comptait mon calendrier jusqu’ici : le Nieuwsblad. Je suis parfaitement dans les clous pour les prochaines échéances et prêt pour accomplir une belle année."
Avez-vous travaillé encore plus dur cet hiver pour rattraper vos quatre semaines sans vélo ?
"J’ai beaucoup roulé en janvier mais c’est, de toute façon, chaque année l’un des mois clés dans ma préparation. J’ai passé beaucoup de temps en Espagne pour bénéficier de conditions optimales. Je me connais désormais bien et sais qu’un gros boulot est nécessaire à cette période pour construire la condition. Lors de ma reprise, sur le Tour de Valence, j’avais senti que je n’étais pas trop mal mais que je ne m’appuyais pas encore sur la forme que je possède actuellement. J’avais besoin du rythme de quelques courses pour parfaire celle-ci."
Notre consultant Rik Verbrugghe, qui est aussi votre beau-frère, nous a confié que vous n’aviez pas besoin de beaucoup de courses ou d’entraînement pour arriver en condition. Partagez-vous son analyse ?
"Oui, je crois que je peux m’appuyer sur un niveau correct tout au long de l’année. L’une de mes plus grandes forces est sans doute ma régularité. Ma forme oscille entre le bon et le très bon (rires) . Après ce sont les parcours qui me permettent de tirer profit, ou non, de celle-ci. Sur un tracé tout plat, même si je suis à mon top, il me sera toujours plus difficile de faire la différence."
Vous êtes protagoniste des courses sur lesquelles vous vous alignez de février à octobre. Une omniprésence qui se fait de plus en plus rare dans le cyclisme moderne. Cela traduit-il votre vision du vélo ?
"Cela fait partie intégrante de ma mentalité depuis que je suis passé pro. Il n’est pas facile de prester du début à la fin de la saison, mais cela constitue une de mes forces. Chez les jeunes, je fonctionnais déjà de cette manière. Pour un coureur, je trouve cela bien plus plaisant et amusant que de concentrer ses objectifs sur une période de quelques semaines seulement. Je préférerai toujours batailler en course pour être bien placé aux moments clés que traîner mon ennui en queue de peloton (rires) . Cet état d’esprit permet de conserver une motivation intacte. Je crois aussi que c’est dû au fait que l’éventail des courses qui peuvent me convenir est assez large. À côté des classiques pavées, je suis capable de gagner un jour l’Amstel et, lorsque je suis au sommet de ma condition, mon terrain de chasse peut même s’étendre à San Sebastian ou Liège-Bastogne-Liège."
Est-ce, dès lors, pour vous difficile de définir vos objectifs principaux. Car choisir, c’est souvent renoncer…
"Je ne devrai peut-être pas choisir (sourire) . Si j’en ai la possibilité, je voudrais tenter de rouler un maximum de courses sur lesquelles je pense pouvoir m’illustrer. Mon premier objectif est toutefois de remporter une grande classique. Le Tour des Flandres si possible (rires). Je pourrais alors, ensuite, peut-être m’entraîner de manière plus spécifique pour la Doyenne en tentant aussi de perdre un peu de poids dans cette perspective. Mais il ne faut pas chercher à se projeter trop loin. Je veux d’abord lever les bras sur un monument."
C’est en tout cas une idée si vous veniez à remporter le Ronde dans quelques semaines ?
"Oui, en effet. Je crois vraiment que je peux espérer faire quelque chose de bien sur Liège un jour. J’ai gagné les Jeux sur un parcours encore plus exigeant et brillé à plusieurs occasions sur la Classica San Sebastian dont le parcours se rapproche du tracé ardennais."
Philippe Gilbert a toujours affirmé rêver s’imposer sur chacune des grandes classiques. Êtes-vous habité du même but ?
"Oui, comme tous les spécialistes des courses d’un jour sans doute. Et comme j’ai déjà enregistré un Top 10 sur chacun de ces rendez-vous… Mais comme je l’ai déjà dit, il me faut d’abord tenter de gagner la première (rires)."
Vous dégagez un énorme sentiment de sérénité depuis plusieurs mois. On vous sent zen !
"Vous avez raison. Ma médaille d’or au Jeux Olympiques a vraiment changé beaucoup de choses. Durant toute ma carrière j’ai dû me battre pour jouir d’un peu de reconnaissance. Quand vous savez avoir les armes pour remporter une grande victoire, que le public et les médias l’attendent, mais qu’elle tarde à tomber, la situation n’est pas toujours confortable. Depuis Rio, j’ai le sentiment de m’être libéré de la pression dont je m’étais moi-même lesté. Elle était bien plus importante que celle émanant du monde extérieur. Ma faim de succès est intacte, mais j’ai désormais le sentiment que ma carrière serait réussie même si elle venait à s’arrêter aujourd’hui. Le maillot jaune et deux victoires d’étape sur le Tour de France, c’est beau, mais un titre olympique, cela a une autre dimension."
Votre paternité joue-t-elle également un rôle dans ce nouvel état d’esprit ?
"Oui, c’est certain. Pour un coureur, il est important de se sentir bien quand il rentre à la maison. L’arrivée de notre petite fille permet de remettre certaines choses à leur juste place. Quand votre enfant vous fait la fête au retour d’une course où vous avez été battu, le sentiment de déception s’efface bien plus facilement. On ne rumine pas autant. J’aime aussi m’occuper de Fleur, lui donner le bain par exemple. Cela permet de mesurer qu’il y a bien d’autres choses que le vélo dans la vie. Mon ambition en course est intacte, mais je pense avoir désormais trouvé le juste équilibre sur plusieurs plans."
Peut-on dire que vous êtes plus heureux que jamais ?
"Oui, certainement. Tant sur le plan sportif que privé, je suis pleinement épanoui."
"Même avec 1% de chance de succès, il faut être au départ de la Primavera"
Le champion olympique considère la Primavera comme une "loterie".
Cinquième l’année dernière sur la Via Roma, le Waeslandien sera l’un des principaux outsiders à côté du grandissime favori Peter Sagan.
Vous avez enregistré, la saison dernière, votre meilleur résultat sur Milan-Sanremo en terminant 5e. Pensez-vous avoir trouvé la clé de cette course si spéciale ?
"Je ne crois pas pouvoir avancer cela. Milan-Sanremo est vraiment une course très particulière. Cela reste une loterie à mes yeux, une caractéristique qui fait aussi partie de son charme. Je crois que chaque coureur qui pense avoir 1 % de chance de l’emporter doit être au départ car cela peut suffire. A contrario, on peut s’élancer de Milan au sommet de sa condition sans avoir aucune garantie d’en retirer un bon résultat sur la Via Roma. Jusqu’ici j’ai remporté pas mal de courses là où l’on ne m’attendait pas vraiment. Je pense aux JO mais aussi à l’étape du dernier Tour de France. Je me demande parfois si je ne remporterai pas la Classicissima l’année où personne ne pointera mon nom parmi celui des favoris… (rires) Je tente de toujours aborder la Primavera avec beaucoup d’ambitions car c’est une superbe épreuve, et je pense qu’elle me convient. Je possède tout de même une certaine pointe de vitesse et peux espérer faire une différence sur la Cipressa ou le Poggio."
Il semble tout de même de plus en plus difficile d’opérer une sélection sur ce dernier cap…
"Oui, c’est vrai. Le niveau du peloton est de plus en plus homogène et les sprinters négocient de mieux en mieux ce type de difficultés. Démare, Gaviria, Sagan ou Ewan peuvent tous basculer en tête au sommet du Poggio. Mais comme je l’ai dit en amont, si j’ai ne serait-ce qu’un pourcent de chance de succès, je veux être au départ. La probabilité que je brille sur une course comme À Travers la Flandre est sans doute plus grande mais, avec tout le respect que je peux avoir pour l’épreuve flamande, ce n’est tout de même pas comparable."
Vous souvenez-vous d’une image de Milan-Sanremo qui a marqué votre enfance ?
"Pas d’une victoire en particulier mais plutôt du ruban qui ouvrait la retransmission avec le générique si caractéristique de la RAI (rires). On s’installait en famille devant la télé pour la première grande classique de l’année. Elle générait une certaine forme d’excitation et d’impatience. "
L’arrivée, à nouveau tracée sur la Via Roma, vous convient-elle mieux que celle qu’accueillait le Lungomare Italo Calvino ?
"Oui car la distance entre le sommet du Poggio et la ligne est plus courte. Une fois que l’on rejoint à nouveau le bord de mer, tout peut se passer à chaque instant. Avec le retour du finish sur la Via Roma, il est plus facile pour un gars comme moi de garder ma position. Le sel de cette course est que la décision tombe parfois en un claquement de doigt, sur une décision que l’on pose ou non."
Amoureux de l’Italie
Plutôt que sur Paris-Nice, Greg Van Avermaet a pris l’habitude de peaufiner sa condition pour les classiques sur Tirreno-Adriatico. Un signe de son amour pour l’Italie ? "Oui, c’est un pays que j’adore, mais ce choix s’explique surtout par le fait qu’il est bien plus facile de combiner les Strade Bianche avec la Course des Deux Mers..." sourit le coureur de BMC. "J’ai disputé la course des chemins empierrés pour la première fois en 2010 et suis tombé sous son charme. L’Italie est, par ailleurs, fantastique. Le cyclisme y vit pleinement, on y mange superbement bien et le café (NdlR : une de ses grandes passions) y est excellent. Que demander de plus (rires) ? Quand on part pour une sortie d’entraînement, je recherche souvent au préalable l’adresse d’un bon bar où s’offrir une petite pause café."
Greg Van Avermaet à Sanremo:
2008: 52e
2009: 13e
2010: 47e
2011: 9e
2012: 69e
2013: 36e
2014: 25e
2015: 19e
2016: 5e