Tiesj Benoot: "Le Tour, c’est un monde à part"
Publié le 11-07-2017 à 07h23 - Mis à jour le 11-07-2017 à 09h50
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Tiesj Benoot, jeune talent de l’équipe Lotto-Soudal, découvre son tout premier grand tour avec audace. Les paupières mi-closes, Tiesj Benoot semble s’être fait engloutir par l’un des fauteuils de velours côtelé du Château de Lalande où l’équipe Lotto-Soudal avait installé ses quartiers pour la journée de repos. Dans l’établissement quatre étoiles repris dans le prestigieux guide des Relais et Châteaux, le bruit des clapettes a remplacé pour quelques heures celui des talons sur le parquet du 19e siècle. Entre un lunch léger et une sieste qu’il espérait réparatrice, le grand talent gantois a accepté de tirer les premiers enseignements de sa découverte du Tour.
Tiesj, c’est la toute première fois de votre carrière que vous alignez neuf jours de course consécutifs. Comment vous sentez-vous ?
"Physiquement, j’aspirais vraiment à cette journée de repos. J’ai passé l’essentiel de la journée de dimanche à l’avant de la course sur une étape très exigeante. Les valeurs recueillies par mon capteur de puissance sont d’ailleurs identiques à celles qu’affiche mon écran au terme d’une classique : 350 watts sur plus de cinq heures. Sauf qu’ici, nous avions déjà huit jours dans les jambes (rires) . Je traîne, de surcroît, un petit mal de gorge depuis plusieurs jours. Je suis donc heureux que l’étape au programme de mardi ne propose pas un menu trop corsé…"
Vous aviez avancé en prélude à ce Tour être curieux de voir comment votre corps allait réagir à l’exigence de cette épreuve. Quelles sont les premières réponses qu’il vous a apportées ?
"Je récupère plutôt bien jusqu’ici mais d’une manière assez conforme à ce que j’avais espéré. Je dispute le tout premier grand tour de ma carrière mais ne suis pas encore entré dans la zone inconnue que constitueront les deuxième et troisième semaine. Je pense me gérer, jusqu’ici, avec une certaine intelligence. Samedi, sur la route des Rousses, je n’avais pas de bonnes sensations mais ne m’en suis pas formalisé. J’ai laissé filer le peloton sans tenter de m’accrocher à tout prix. Cela a payé le lendemain… Dans l’échappée d’une quarantaine de coureurs qui s’est dégagée ce jour-là, je crois que seul Barguil était plus fort que moi. Je pense donc pouvoir dire que suis au niveau sur ce Tour."
Rivaliser sur l’étape reine de ce Tour avec un pur grimpeur comme Barguil vous a-t-il surpris ?
"Je sais que je suis capable de bien marcher sur ce terrain, mais ce n’est tout de même pas l’environnement dans lequel je suis le plus à l’aise. Je pèse près de dix kilos en plus que les véritables grimpeurs. Je monte au même tempo que certains mais cela m’est très coûteux énergétiquement. Je veille donc à m’alimenter le mieux possible, mais au bout d’un moment, lorsque vous devez avaler 1.000 Kcal de plus que votre concurrent, votre corps dit stop aux sucres rapides."
Sur ce que vous avez vu du Tour jusqu’ici, en quoi cette épreuve est-elle différente des autres rendez-vous du calendrier mondial ?
"C’est tout simplement un autre monde. Le niveau global du peloton est vraiment très élevé, aucun coureur n’est là par hasard et pratiquement tout le monde est à son pic de forme. Cela se remarque dans les étapes vallonnées. Le tempo a beau être très élevé, il faut un bon moment avant que le peloton ne commence à se morceler. Les à-cotés sont aussi incomparables avec ce que l’on a coutume de vivre durant le reste de la saison. Le village départ, la présence massive de la presse internationale, les grands écrans, le public présent en masse à Düsseldorf alors qu’il pleuvait des cordes : tout cela est hors norme."
Certains coureurs raffolent de la Grande Boucle , d’autres le voient comme un grand cirque. À quelle catégorie pensez-vous appartenir ?
"Je tendrais plutôt vers la seconde. Je profite pleinement de l’expérience jusqu’ici, mais je crois que j’en aurai probablement ras-le-bol au bout de la troisième semaine (rires) … Pour appréhender au mieux le rendez-vous, j’avais énormément discuté avec des équipiers plus expérimentés. Et les choses sont assez conformes à l’idée que je m’en étais construit. Il faut dire que je ne suis pas d’un naturel très angoissé…"
"On accepte plus de risques ici"
Le Gantois est convaincu qu’il reste un coureur de classiques.
Échappé sur l’étape reine de dimanche, Tiesj Benoot a vécu ce jour-là "l’une des journées les plus difficiles" de sa jeune carrière sur le vélo.
"Tout y était extrême : les ascensions comme les descentes. Je n’ai fatalement pas assisté aux chutes puisque j’évoluais à l’avant, mais certains tronçons étaient vraiment limites… Je sais que plusieurs coureurs ont critiqué les organisateurs mais je ne partage pas tout à fait leur point de vue. La sécurité est évidemment importante, mais ce sont les cyclistes qui décident du tempo qu’ils adoptent. La grandeur du Tour et l’impact d’une victoire d’étape ou d’un podium final à Paris sont tellement énormes que l’on accepte bien plus de risques sur cette épreuve."
Présenté par un faiseur d’opinion de la presse néerlandaise comme le nouveau talent belge pour les grands tours, le deuxième coureur le plus jeune de cette 104e Grande Boucle s’amuse de ce raccourci. "C’est tellement facile de dire cela après ma douzième place finale au Dauphiné et ma belle prestation sur l’étape de Chambéry… Ce serait tout de même oublier un peu vite que j’ai déjà terminé troisième du Nieuwsblad, huitième aux Strade Bianche, cinquième de mon premier Tour des Flandres, septième au Grand Prix de l’E3... Je reste un coureur de classiques, quoi qu’on en dise. Peut-être qu’un jour je serai capable de jouer un classement sur une course par étapes d’une semaine, mais cela ne constitue pas encore le terrain sur lequel je me sens le plus à l’aise."
Et de continuer : "Le plus important pour moi sur ce Tour est de rejoindre Paris. Je suis actuellement 23e du général mais je préfère tenter ma chance dans les deux prochaines semaines que m’accrocher à un tel accessit. Des opportunités se présenteront, j’en suis convaincu. Nous verrons ensuite, au jour le jour, comment les choses évoluent…"
"La montagne va changer la donne des sprints"
Débarqué sur ce Tour avec l’ambition clairement affirmée d’y décrocher des victoires d’étape, la formation Lotto-Soudal n’a pas encore fait mouche. "Je sens qu’il y a un peu plus de pression qu’au départ de Düsseldorf, mais celle-ci demeure tout à fait supportable, juge ainsi Tiesj Benoot. Cela s’explique par le fait que nous n’avons pas grand-chose à nous reprocher jusqu’ici. Sur les quatre premiers sprints massifs de ce Tour, nous avons emmené notre leader à la perfection à deux reprises. André l’a lui même affirmé : Kittel est pour le moment tout simplement le plus fort."
Une vérité qui pourrait bien, selon le Gantois, ne plus valoir au sortir des Pyrénées. "La haute montagne va changer la donne. Démare a terminé en dehors des délais dimanche et Bouhanni n’est pas passé loin de la même sanction. Certains sprinters vont laisser beaucoup de force et d’énergie dans ce massif et les cartes seront redistribuées ensuite, j’en suis persuadé."