Les 10 éléments qui ont fait de ce Tour 2019 un grand cru (VIDEOS)
Le Tour 2019 était-il le plus beau du 21e Siècle ? Certains l'affirment, d'autres le placent derrière l'édition 2003, voire celles de 2010 et 2011.
Publié le 30-07-2019 à 11h25
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Le Tour 2019 était-il le plus beau du 21e Siècle ? Certains l'affirment, d'autres le placent derrière l'édition 2003, voire celles de 2010 et 2011.
S'il est difficile de comparer des éditions, une chose est certaine: les cent ans du maillot jaune ont été bien fêtés au cours d'une Grande Boucle qui a déchaîné les passions et décuplé les émotions. Revenons sur les dix éléments qui ont fait basculer ce Tour 2019 dans l'histoire. Vidéos à l'appui.
L'hommage à Eddy
Tout a si bien commencé. Dès la présentation des équipes sur la Grand Place, le jeudi précédant le départ, Eddy Merckx avait reçu une ovation qui avait donné des frissons à bien des suiveurs.
Le principal intéressé et Christian Prudhomme en reparlaient le lendemain matin, autour d'un bon petit-déjeuner dans la demeure du champion, à Meise. "C'est la première fois que j'ai l'impression que le Tour débute un jeudi", annonçait le boss du Tour avant d'inciter les patrons des différentes équipes à s'inspirer du style Merckx pour ce Tour "anniversaire", lors de la réunion des directeurs sportifs. Pour être honnête, nous avions des doutes. Même en tenant compte du fossé entre le cyclisme moderne et celui de 1969, il nous semblait peu probable que le Tour 2019 fasse vibrer ses suiveurs comme il l'avait fait 50 ans plus tôt. Même dans des proportions raisonnables. Nous nous étions trompés et Greg Van Avermaet allait prouver dès les premiers kilomètres de course que cette Grande Boucle serait celle du panache. Un ténor du peloton qui se glisse dans une échappée publicitaire pour aller s'offrir le luxe de porter le maillot à pois, ce n'est pas courant...
La fête populaire en Belgique
L'autre image qui restera de ce tout début de Tour, c'est l'incroyable ferveur lors des trois étapes "belges". Avec, en point d'orgue, une foule jamais vue auparavant sur le bord des routes de la première étape. Près de 500.000 personnes, rien qu'en région Bruxelles-Capitale, ont consacré leur premier samedi du mois de juillet à cette fête. Les images d'Eddy Merckx et Christian Prudhomme saluant la foule au Sablon, au moment du départ fictif, celles des traversées de Grammont, Charleroi, Overijse ou encore Tervueren et bien sûr celles de l'arrivée devant le Palais royal resteront gravées dans l'histoire du rapport étroit entre notre pays et la petite reine. Sur les dix dernières années, seul le Grand Départ au Yorkshire (2014) rivalise en terme de ferveur, nous confiait un motard du Tour.
Le festival Alaphilippe
A peine avait-il posé ses deux roues en France que Julian Alaphilippe décida de marquer cette édition 2019 de son empreinte. Là où il pouvait rester sagement dans un peloton qu'il allait plus que probablement régler au sprint pour s'offrir une troisième victoire d'étape sur le Tour, le vainqueur de Milan-Sanremo décidait de prendre tous les risques pour partir à la conquête d'un maillot jaune dont rêvait le gosse qu'il était. En s'offrant un solo de 18 kilomètres face aux autres ténors, et en résistant au travail de plusieurs équipes en tête de peloton, Julian devenait "Loulou". Son surnom, désormais connu de toute la planète, n'allait plus le lâcher pendant trois semaines. Avec un certain succès.
L'acte 2 de son festival ? Dans l'ascension de la Planche des Belles Filles, trois jours plus tard. Sur des pentes à plus de 20% qui lui conviennent plutôt bien, Alaphilippe impressionnait une première fois en montagne. Et s'il cédait toutefois sa tunique pour six secondes à Giulio Ciccone, il venait de lancer malgré lui un message d'alerte aux favoris du Tour. Le loup aux dents les plus longues du wolfpack ira récupérer sa liquette dorée en puncheur à Saint-Etienne, au terme d'un acte 3 partagé avec Thibaut Pinot. Il s'improvisera alors rouleur, à Pau, pour remporter une étape sur laquelle personne ne l'attendait avant de devenir un pur grimpeur sur le Tourmalet pour un nouveau festival partagé avec Thibaut Pinot.
Sur les routes de Valloire, il prouvera qu'il est aussi l'un des meilleurs descendeurs du peloton. Et si le rêve prendra fin le lendemain, le vent de fraîcheur apporté par Julian Alaphilippe sur ce Tour n'a rien à envier à ce qu'avait fait Voeckler en 2004 et 2011. Son panache, son accessibilité et son goût du show ont rendu un hommage aussi indirect qu'efficace à Eddy Merckx.
Teuns et Ciccone séduisent les Belles-Filles
C'est au sixième jour de course que la chance allait sourire aux baroudeurs. L'occasion pour Ciccone, Teuns, Wellens, Meurisse, Pauwels et De Gendt de se glisser dans un groupe de 14 coureurs. Les deux premiers cités en seront les derniers rescapés, offrant au passage un superbe mano a mano dans le dernier (et tout nouveau) kilomètre de la Planche des Belles Filles. Sur des pourcentages démentiels, Dylan Teuns faisait parler son amour pour les pentes très raides et finissait par faire craquer l'Italien pour offrir une première victoire à la Belgique depuis 2016. Le jeune Ciccone s'offrait pour sa part un maillot jaune inattendu, lui qui avait été sélectionné sur le Tour pour y faire ses gammes, après avoir déjà dépensé beaucoup d'énergie en dominant le classement de la montagne du Giro. Derrière, la première explication entre les favoris du Tour - et l'ascendant pris par Geraint Thomas sur Egan Bernal - ajoutait quelques frissons à cette fin d'étape.
Le show De Gendt à Saint-Etienne
Et si c'était celui-là, le plus grand exploit de ce Tour complètement fou ? Pas aussi spectaculaire qu'un sprint de Caleb Ewan ou une attaque de Julian Alaphilippe ni aussi marquante que la première victoire finale d'Egan Bernal, l'échappée belle de Thomas De Gendt sur les routes de Saint-Etienne s'apparente à un vrai tour de force. Ce samedi-là, le meilleur baroudeur du monde s'est d'abord glissé dans une échappée de trois hommes costauds. Tellement costauds qu'ils ont fait exploser plusieurs très bons rouleurs qui tentaient de se joindre à eux, avant d'autoriser le retour de De Marchi en se relevant quelque peu, une fois l'écart fait avec le peloton.
Un peloton où Peter Sagan et Michael Matthews voyaient en cette "petite" échappée une occasion en or de contrôler la course pour se disputer la victoire d'étape au sprint. Pourtant, 200 kilomètres (!) plus loin, personne n'avait revu Thomas De Gendt. Certainement pas les Sunweb et les Bora, qui ont vu leur leader respectif être en difficulté dans les différentes côtes d'une étape décrite comme un "petit Liège-Bastogne-Liège", encore moins les Astana et les Education First qui ont pourtant mis tout leur coeur à réduire l'écart sans jamais le combler entièrement. Même Pinot et Alaphilippe, sortis en costauds, n'ont pas pu reprendre plus d'une dizaine de secondes à notre compatriote dont l'avance maximale sur le peloton n'avait jamais dépassé les quatre minutes, en milieu d'étape.
Teuns, Impey, Yates, Trentin, Quintana et Nibali ont aussi remporté des victoires de baroudeurs sur ce Tour. Mais ils se sont contentés de battre leurs compagnons d'échappée. De Gendt, lui, a vaincu tout un peloton. Et de son propre aveu, cette victoire est plus belle que celle du Ventoux, en 2016.
Van Aert surpuissant à Albi
Avec deux victoires d'étape en poche, la Belgique en était déjà presque à l'heure des bilans. Il faut dire que la suite était trop plate ou trop montagneuse pour ses coureurs. C'était sans compter sur Wout Van Aert. L'étape d'Albi, rendue nerveuse par le vent, accouchait dans un premier temps d'escarmouches peu convaincantes. Avant qu'Ineos et Deceuninck-Quick Step ne s'allient pour tout faire péter. Mollema, Pinot, Uran, Porte et Fuglsang prenaient le vent en pleine face. Landa, lui, s'encastrait dans un spectateur après avoir été bousculé par Barguil. Viviani et Ewan, débarrassés de Groenewegen, se disputaient alors tranquillement la victoire d'étape au sprint quand ils ont vu surgir Wout Van Aert. Le Belge a pourtant lancé le sprint de très loin, avec Viviani dans sa roue. Du suicide. Sauf bien sûr quand vous êtes dans un jour de grâce, comme l'avait été Thomas De Gendt l'avant-veille. L'image du visage de Viviani en décomposition sur la ligne est au moins aussi spectaculaire que de nombreux paysages visités pendant trois semaines...
Les trois derniers sprints de Caleb Ewan
On croyait alors que Caleb Ewan était condamné à être le Poulidor des sprints, pour son premier Tour de France. Moins bien emmené que Viviani et moins puissant que Groenewegen, l'Australien n'avait guère la cote à la mi-Tour. C'était sans compter sur sa récupération. Pendant que l'Italien sombrait dans l'anonymat et que le Néerlandais s'essoufflait après chaque difficulté du parcours, le sprinteur de la Lotto-Soudal montait en puissance. Cette boule d'explosivité allait alors nous livrer trois sprints spectaculaires. A Toulouse, d'abord, lorsqu'il coiffait Groenewegen sur la ligne. A Nîmes, ensuite, lorsqu'il remontait six coureurs dans les 200 derniers mètres pour écœurer un Viviani pourtant parfaitement déposé par son équipe.
A Paris, le finisseur de la Lotto Soudal abordait aussi les 200 derniers mètres en septième position. A cent mètres de la ligne, il surgissait du deuxième rideau avec un "jump" fou pour triompher dans le "championnat du monde des sprinteurs". Trois fois troisième et une fois second en début de Tour, Ewan n'a donc jamais loupé le top 3 dans les sept arrivées massives de cette édition 2019. De quoi l'inciter à prendre part aux sprints intermédiaires l'année prochaine pour concurrencer Sagan dans la course au maillot vert ?
Larmes, incrédulité et prise de pouvoir d'un jeune colombien sur les routes de l'Iseran
Elles ont brisé le cœur de millions de Français mais aussi celui de tous les fans de vélo qui font preuve d'un peu d'empathie. Les images de Thibaut Pinot, réduit à l'abandon 48 heures avant l'arrivée à Paris, étaient remplies d'émotion. Pour trois raisons plus évidentes que les autres. D'abord, aucun athlète ne mérite pareil sort. Ensuite, Pinot n'a jamais passé son tour en terme de poisse, ces dernières années. On se souvient notamment de son abandon cruel au Giro 2018, là aussi à 48 heures de l'arrivée, alors qu'il était installé sur le podium. Et puis, de manière plus subjective, le Français avait été le premier depuis bien longtemps à mettre à mal l'armada Sky/Ineos, rajoutant une dose de suspense avec Alaphilippe où on pensait qu'il n'y en aurait plus. Ces images sont d'autant plus marquantes qu'elles ont été filmées jusque dans les coulisses de l'équipe Groupama-FDJ par les caméras de nos confrères de France Télévisions, dans le cadre d'un reportage exceptionnel.
Mais cet abandon n'allait pas être le moment le plus marquant de la journée. Quelques kilomètres plus loin, tout s'est enchaîné et le Tour 2019 a basculé une dernière fois dans la folie. Kruijswijk et Thomas lançaient la bagarre loin de l'arrivée, Egan Bernal les contrait et s'envolait dans l'Iseran pendant qu'Alaphilippe coinçait. Au moment le plus intense de ce Tour, alors que tout ce beau monde se jetait à tombeau ouvert dans la vertigineuse descente du col le plus haut du Tour, la course était arrêtée à cause d'un éboulement dans l'ascension finale. Les images folles de l'incrédulité des coureurs, à commencer par celle d'un Bernal qui s'envolait, tranche avec la cérémonie protocolaire qui voyait ce même Bernal recevoir, larmes aux yeux, le premier maillot jaune de sa prometteuse carrière. Ce vendredi 26 juillet devait être l'apothéose de ce Tour de France. Elle l'a été pour des raisons inattendues et restera dans les mémoires au même titre que le jogging de Froome dans le Ventoux en 2016 ou la chute de Beloki sur la route de Gap en 2003, associée au cross d'Armstrong à travers champs dans la célèbre descente de la Côte de la Rochette.
Quintana et Nibali sauvent leur Tour...
Le Tour, c'est aussi des défaillances et des déceptions. Dans les Pyrénées, Nibali, qui fondait peu d'espoirs dans un classement général, avait été inexistant. Quintana et Bardet, pour ne citer qu'eux, étaient passés au travers. Heureusement pour ces trois hommes, la course dure trois semaines et permet aux perdants d'un jour de devenir les gagnants du lendemain. Si l'on peut discuter de la beauté du maillot à pois ramené par Bardet à Paris (le classement de la montagne est sans doute le grand chantier des organisateurs en vue du Tour 2020), il n'y a rien à redire sur la manière dont Quintana et Nibali ont sauvé leur Tour dans les Alpes. Le premier s'est imposé en solitaire à Valloire, le second a réussi à résister au peloton dans l'étape raccourcie de Val Thorens. Voir des champions blessés se relever avec panache a toujours alimenté la légende du Tour de France et cette édition 2019 n'a pas dérogé à la règle.
... et Sagan sauve sa saison
S'il n'a pas livré le Tour le plus enthousiasmant de sa carrière, Peter Sagan a toutefois réussi à sauver sa saison sur la Grande Boucle. Décevant durant tout le printemps, le triple champion du monde a remis les pendules à l'heure en France. En s'imposant à Colmar, d'abord, puis en allant conquérir un septième maillot vert et battre tous les records dans le domaine, y compris ceux d'Erik Zabel. Et vu sa domination dans le classement par points, on voit mal qui viendra détrôner le Slovaque. Ce Tour 2019 restera donc comme celui qui lui a permis d'asseoir sa supériorité, mais aussi de faire encore plus le show que lors des précédentes éditions.