Même à un contre sept, Van der Poel est favori

Les Néerlandais pourraient réussir une exceptionnelle moisson ce week-end en Suisse lors des championnats du monde de cyclo-cross. Dans le meilleur des cas, nos voisins pourraient s’emparer, sur le circuit tracé en bordure de l’aérodrome de Dübendorf, aux portes de Zurich, des six titres. Chez les élites, c’est certain, le principal candidat à sa succession se nomme Mathieu Van der Poel.

Le Néerlandais a dominé la saison outrageusement et les sept sélectionnés belges mesurent bien l’immensité de la tâche qui les attend dimanche. D’autant que le circuit helvétique se révèle plus difficile que prévu, notamment parce que, jusqu’au départ de la course suprême, la pluie va tomber en abondance, le rendant de plus en plus lourd. C’est un atout supplémentaire pour MVdP. Alors, les Belges ont-ils quelques raisons d’espérer malgré tout ?

"Il faut être honnête, je n’en vois pas beaucoup" , dit Eli Iserbyt. "Mathieu nous a quasi toujours battus cette saison. "

En effet, Van der Poel n’a été devancé qu’une seule fois cet hiver, à Renaix, début décembre, par Toon Aerts et Iserbyt. Mais le Néerlandais revenait alors en droite ligne d’Espagne, où il s’était entraîné une douzaine de jours en fonction de la saison routière.

Comme cela avait été le cas il y a trois ans à Belvaux, où il avait crevé à quatre reprises, MVdP peut évidemment être frappé par la malchance. Ou, comme son compatriote Lars Boom, à Hoogerheide en 2009, ou lui-même à Valkenburg en 2018, le fils cadet d’Adrie Van der Poel peut connaître un jour sans. Voire être vaincu par le stress, car il a tout à perdre, comme Sven Nys en a fait souvent l’amère expérience au Mondial !

"Il a tout à perdre et nous (avons) tout à gagner" , répète Laurens Sweeck.

"Au Mondial, une seule chose compte, le maillot arc-en-ciel" , dit aussi Quinten Hermans. "Nous devons tout faire pour le déstabiliser."

Van der Poel peut-il plier devant un bloc uni des Belges ? Dans certaines circonstances, chute, ennui mécanique, le Néerlandais pourrait se retrouver isolé et en retard comme cela avait été le cas à Zolder en 2016, où les Belges, surtout Sven Nys, avaient œuvré pour mener Wout Van Aert vers un premier titre.

"Mathieu n’a jamais besoin d’un équipier, il peut se sortir tout seul de chaque situation", assure Tim Merlier, son partenaire sur la route mais son adversaire dans les labourés.

Peut-il être marqué, comme à l’Euro de Pontchâteau où Toon Aerts en avait profité ?

"Ce sera très difficile", témoigne Michael Vanthourenhout. "Bien sûr, c’est notre but, mais on a constaté toute la saison durant que c’était quasi impossible ."

Car le Néerlandais est arrivé en forme au jour J.

"Jusqu’à il y a un mois, Van der Poel ne me semblait pas supérieur" , explique Wout Van Aert. "Mais, depuis la fin de l’année, il est devenu de plus en plus fort. Dimanche, à Hoogerheide, sur un parcours sec, il a sorti tout le monde de sa roue. C’était impressionnant. On va avoir affaire au meilleur Mathieu Van der Poel ! "

Toon Aerts est le seul qui a battu MvdP

Médaillé de bronze il y a un an, Toon Aerts veut faire mieux encore cette fois. "Je peux gagner, mais cela dépendra d’abord de Mathieu Van der Poel, de comment il se sentira dimanche , dit l’ancien champion de Belgique. Pour gagner, il faudra sans doute être dans un jour exceptionnel, peut-être celui de notre vie. J’ai travaillé pour y arriver, mais cela ne vient pas sur un claquement de doigts. Nous partirons pour qu’un Belge soit champion du monde, nous sommes l’équipe la plus forte. Nous essaierons de ne pas nous courir l’un derrière l’autre. L’intérêt de l’équipe prévaut. " L’Anversois est confiant. "J’ai battu une fois Mathieu cette saison et je l’ai suivi à Namur jusque dans le dernier tour, cela me rend plus confiant" , dit-il avant d’évoquer le tracé de Dübendorf. "On pensait que cela allait être un parcours rapide et pas trop dur, que nous pourrions tenter de le déstabiliser tactiquement, cela sera moins vrai finalement, en grande partie à cause de la pluie. Le tracé sera plus dur que prévu et la course risque d’être plus individuelle. Mais, cela convient mieux à mes qualités."

Sanne Cant face à l’armada néerlandaise

Ce samedi, Sanne Cant aura fort à faire pour enlever un 4e titre consécutif chez les dames. La Campinoise a connu une saison moindre, avec seulement trois succès, dont un onzième maillot tricolore. Cet hiver, une nouvelle génération de Néerlandaises a pris le pouvoir, emmenée par Ceylin del Carmen Alvarado, à laquelle ses compatriotes Annemarie Worst, Lucinda Brand et Yara Kastelijn ont régulièrement donné du fil à retordre. Si Kastelijn, victorieuse à Gavere et au Koppenberg puis championne d’Europe a, depuis, connu un léger recul, les trois autres sont les principales favorites de la course féminine avec, en raison des conditions de la course (parcours boueux), Lucinda Brand, en no 1. Régulièrement dominée, Sanne Cant s’est lancée depuis des semaines dans un challenge qu’elle seule peut mener à bien. "Je ne suis pas la favorite, mais j’ai ma chance" , dit la Belge, qui entend tirer profit d’un effet de surcompensation après deux semaines de stage intensif en Espagne et peut profiter, comme l’an passé à Bogense, du marquage entre les Néerlandaises.

Thibau Nys peut faire mieux que Sven

L’an passé, les Belges avaient ramené six médailles de Bogense, mais un seul maillot arc-en-ciel (Sanne Cant). Cette fois, c’est un junior qui semble le mieux armé pour s’approprier l’or. Thibau Nys sera le grand favori même si, dimanche dernier, le fils de Sven, déjà champion d’Europe et de Belgique, a connu sa seule défaite lors des huit manches à la suite d’un incident mécanique. "Je suis le grand favori, ma saison est réussie, mais ce serait dommage de ne pas être champion", dit le Brabançon qui, en cas de succès, fera mieux que son père. Sven Nys n’a jamais été couronné chez les juniors. Alors que dans les deux épreuves pour jeunes dames où les Néerlandaises viseront la perfection, nos compatriotes devront se satisfaire d’une place d’honneur, chez les U23, nos sélectionnés peuvent créer une belle surprise grâce à Niels Vandeputte ou au champion de Belgique Toon Vandebosch. Les favoris sont cependant le Français Antoine Benoist, le Suisse Kevin Kuhn, le Néerlandais Ryan Kamp ou les Britanniques Thomas Mein et Ben Tulett, champion junior 2019.

"Ce serait une énorme surprise pour tout le monde"

Wout van Aert sait qu’il faudrait un miracle pour qu’il enlève un quatrième titre mondial.

Blessé sérieusement au Tour de France, Wout van Aert n’est revenu qu’il y a un mois à peine à la compétition. Le triple champion du monde (2016 à 2018), deux fois médaillé d’argent aussi (2015 et 2019), sait qu’il aura besoin d’un miracle pour faire aussi bien dimanche, d’autant plus que sa position au classement mondial l’a rejeté en quatrième ligne au départ. Van Aert a également été enrhumé la semaine passée, à son retour de stage.

"C’est oublié désormais", dit-il. "Je me suis aussi bien reposé cette semaine, pour la première fois cette saison, j’ai eu une semaine normale de cyclo-cross avant une course."

Car sa campagne dans les labourés s’inscrit dans le cadre de sa préparation à la saison sur route. Sauf que pour le Mondial, Wout van Aert a fait une exception.

"Mon atout, c’est que pour la première fois, j’ai pu me préparer et je vais me présenter au départ sans la moindre pression", assure le coureur de Jumbo-Visma. "Ma condition va crescendo, je veux courir mon meilleur cross de l’hiver dimanche. Plus le parcours sera rendu lourd par la pluie, mieux ce sera pour moi car la course se jouera en force, alors que je manque encore d’explosivité."

L’Anversois ne se voit pas retrouver l’arc-en-ciel.

"Tout peut toujours arriver, mais la possibilité n’a jamais été aussi petite", dit le coureur de Jumbo-Visma. "Ce serait une énorme surprise pour tout le monde. Évidemment, je rêve d’un exploit et j’espère finir le plus près possible, je peux finir parmi les cinq premiers, mais je serai très heureux de m’être montré et d’avoir pu aider Toon, Eli ou Laurens. Pour le moment, ils sont meilleurs que moi et méritent que je les aide."