Remco Evenepoel: les raisons de l'envol
En remportant le Tour d’Algarve après celui de San Juan, le Brabançon a définitivement pris une nouvelle dimension.
Publié le 24-02-2020 à 08h13 - Mis à jour le 24-02-2020 à 09h09
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En remportant le Tour d’Algarve après celui de San Juan, le Brabançon a définitivement pris une nouvelle dimension.
Deux sur deux ou 100 %. En amateur de chiffres et de statistiques, Remco Evenepoel appréciera à coup sûr le bulletin de son premier mois de compétition. Après le Tour de San Juan, le Brabançon a remporté dimanche celui d’Algarve en concluant avec panache son voyage portugais par un succès dans le contre-la-montre de clôture devant le champion du monde de la spécialité, Rohan Dennis, et en battant le record de Geraint Thomas sur ce tracé de deux secondes. Un cinquième succès en 2020 (deux victoires d’étape et le général en Algarve, le chrono et le classement final à San Juan) qui atteste définitivement de la nouvelle dimension prise par le coureur de chez Deceuninck-Quick Step. Un envol qui s’explique.
1. Un hiver studieux
Après avoir refermé sa première saison dans le peloton pro au soir de la course en ligne des championnats du monde (29 septembre), Remco Evenepoel a goûté à un peu de repos et quelques jours de vacances en famille au large d’une île espagnole… avec son vélo dans une valise. Le Brabançon a ensuite très vite repris le chemin de l’entraînement autour de Calpe, la cité balnéaire de la Costa Blanca où il a choisi d’installer son camp de base hivernal (de novembre à mars) afin de bénéficier d’un terrain de jeu plus propice au travail de ses qualités mais aussi de manière à bénéficier de meilleures conditions climatiques. "Il y a abattu beaucoup de boulot et a augmenté le volume de ses séances par rapport à l’année dernière , commente Steels . C’est assez logique après une saison dans le peloton pro."
Son état de forme a ainsi impressionné ses équipiers lors du stage collectif de janvier. "Afin de donner une dimension ludique à certaines séances d’entraînement, le staff aime organiser des petites compétitions entre nous, raconte le Français Florian Sénéchal. L’une d’elles consiste à lancer un coureur seul avec un petit avantage avant que trois autres gars ne prennent sa chasse. Je formais un beau trio avec Tim Declercq et Rémi Cavagna (NdlR : trois sacrés rouleurs !), mais nous n’avons jamais revu Remco alors que je peux vous assurer que nous nous sommes pourtant sacrément employés…"
2. Un gain de puissance
Si les valeurs de puissance que peut soutenir le coureur de Schepdaal tiennent pratiquement du secret industriel, le champion d’Europe de chrono souffle lui-même avoir franchi un cap sur cet axe de travail. "Lors des premiers tests hivernaux réalisés juste après ma reprise de l’entraînement, j’affichais déjà les mêmes valeurs qu’en janvier de l’année dernière. Et en janvier, sur un effort d’une vingtaine de minutes, j’étais capable de soutenir un effort de 7 watts par kilo." Des chiffres similaires à ceux des meilleurs coureurs de grands tours comme Froome et Contador et qui avaient d’ailleurs fait dire à l’Espagnol récemment que le coureur de chez Deceuninck-Quick Step possédait le potentiel pour remporter un grand tour.
3. Près de cinq kilos de moins
"Le poids d’un coureur, c’est aussi tabou que celui d’une femme, cela ne se demande pas… (rires)" Derrière la belle formule de Patrick Lefevere, on peut tout de même deviner que la balance d’Evenepoel flirte aujourd’hui avec les 60 kilos (pour 1 m 71). Lors de sa rencontre avec la presse en janvier, il avait affirmé peser entre trois et quatre kilos de moins que douze mois auparavant. En amont de ce Tour d’Algarve, le coureur en aurait encore perdu un. "Mais le poids n’est pas encore trop important à cette période de l’année, continue Lefevere. Il ne faut pas être trop sec dès les premières courses. Je suis également certain que le prochain Giro va transformer quelque peu Remco. Un grand tour a toujours le pouvoir de faire disparaître une fine couche de graisse autour des muscles."
4. Une position de chrono encore plus efficace
Si les ingénieurs de chez Bioracer, l’équipementier de la fédération belge avec qui Evenepoel avait travaillé sa position en amont du dernier championnat du monde de contre-la-montre, nous soufflaient ne jamais avoir vu un coureur aussi aérodynamique, le Brabançon s’est encore amélioré sur ce point. Cet hiver, il a en effet réalisé des tests dans la soufflerie du constructeur Specialized (en compagnie de ses équipiers Lampaert et Jungels), aux États-Unis, afin d’optimaliser un peu plus sa posture sur son vélo de chrono. "Une visite extrêmement instructive et fructueuse", avait alors commenté le Brabançon. Un travail qui lui permet de s’appuyer un peu plus encore sur l’un de ses points forts pour les courses par étapes. Sur le Tour de San Juan comme sur celui d’Algarve, la performance du coureur de chez Deceuninck-Quick Step dans l’exercice en solitaire aura à chaque fois été déterminante dans son succès final.
5. Il a travaillé son explosivité
En remportant sa première victoire au sommet d’une difficulté jeudi sur l’Alto da Foia puis en défendant chèrement son maillot sur les pentes de Malhao samedi face à des puncheurs comme Dan Martin, Angel Lopez ou Schachmann, Remco Evenepoel a fait étalage de ses très nets progrès dans ce qu’il considérait jusqu’ici comme son point faible : l’explosivité.
Lors de la quatrième étape, au moment de l’offensive d’Angel Lopez, il confia ainsi avoir été capable de développer jusqu’à 1 100 watts. Un chiffre énorme ! "Il a beaucoup travaillé ce point car il savait que cela était nécessaire pour pouvoir assouvir ses ambitions sur certaines épreuves par étapes ", confesse ainsi son directeur sportif Tom Steels. Sur un effort de 30 secondes, le dernier vainqueur de la Clasica San Sebastian serait désormais capable de soutenir 300 watts de plus que l’année dernière. Un progrès de l’ordre de 20 à 30 % !
6. Une exceptionnelle maturité tactique
Depuis le soir de la première étape du Tour d’Algarve, Remco Evenepoel a pris soin de remercier chaque jour, un à un, chacun de des équipiers. L’attitude d’un vrai leader qui connaît l’importance d’un solide collectif. En course, le Brabançon agit avec la même maturité, ne se départissant jamais d’un impressionnant sang froid. Samedi, sur les pentes de Malhao, il a ainsi réagi avec beaucoup d’à-propos aux différentes offensives de ses rivaux. Une statistique traduit à merveille cette caractéristique : Remco n’a encore jamais laissé filer un maillot de leader qu’il avait endossé sur une course par étapes pro (Tours de Belgique 2019, de San Juan et d’Algarve).
"Dans les catégories de jeunes, Remco était tellement au-dessus du lot qu’il n’avait pas besoin d’être le plus malin, commente Tom Steels. Chez les pros, c’est différent, même si vous disposez d’un exceptionnel talent. Et Remco a appris cela très vite !"
Et dire qu’il ne fait du vélo que depuis trois ans…