Le Tour veut continuer de déstabiliser le peloton: "Prévoir un terrain propice à l’imprévisible"
Avec l’inédit col de la Lusette avant l’arrivée au mont Aigoual ce jeudi, le Tour veut continuer de déstabiliser le peloton.
Publié le 03-09-2020 à 14h31
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Le seul dogme qui dirige la construction d’un parcours du Tour, c’est précisément qu’il n’y en a pas… Nous ne nous refusons rien." La formule de Christian Prudhomme, le directeur de la Grande Boucle, sonne comme la devise d’un gourmet avide de découvertes à l’heure de passer à table.
Après une deuxième étape proposant plus de 4 000 mètres de dénivelé autour de Nice (Colmiane, Turini, Col d’Eze) et au surlendemain d’une première arrivée au sommet à Orcières-Merlette, le peloton met ce jeudi le cap sur le mont Aigoual (1 560 mètres d’altitude), sorte de ‘mont Ventoux des Cévennes’ dont le promontoire boisé est lui aussi habité par un observatoire météorologique.
"En démarrant de Nice, tout au sud de l’Hexagone, nous avions pratiquement tous les massifs français à portée de main", commente Thierry Gouvenou, le bras droit de Christian Prudhomme et grand architecte du parcours du Tour. "Il aurait été dommage de ne pas en profiter et de ne pas chercher à exploiter ce terrain. Même si nous nous évertuons à varier les menus depuis de nombreuses années et qu’une règle directrice que nous nous imposons avec Christian (Prudhomme) veut que nous ne placions jamais plus de deux journées promises au même scénario dans notre déroulé, on nous reproche pourtant parfois le format d’une première semaine que certains considèrent comme trop stéréotypé. Je crois que sur cette édition 2020, on ne pourra pas nous adresser ce reproche… (rires)"
Après avoir sillonné les Vosges à plusieurs reprises ces dernières années, le parcours de la Grande Boucle mettra cette année en lumière un autre massif intermédiaire dès ce jeudi.
"Sur cette 107e édition, le peloton gravira plus de cols dans le Massif central (7) que dans les Pyrénées (5), sourit Gouvenou. Cela tient dans notre volonté d’explorer de nouvelles ascensions pour ne pas tomber dans une forme de monotonie géographique… mais aussi sportive. Le comportement des grosses armadas de leaders nous a démontré ces dernières années qu’une étape reine dans les Alpes ou les Pyrénées avec trois ou quatre grands cols mythiques ne constituait absolument pas une garantie de spectacle. Au contraire même... Elles débouchent en effet souvent sur un scénario assez convenu d’une grosse équipe qui prend le contrôle du peloton dès le début de course et impose un tempo soutenu qui opère un essorage et une sélection par l’arrière. Et un rouleau compresseur dans un col, ce n’est pas ce qu’il y a de plus télégénique…"
Pour éviter cet écueil, les organisateurs s’adaptent donc aux évolutions du peloton.
S’inspirer de l’aventure d’Alaphilippe
"Notre boulot, c’est en fait de prévoir un terrain propice à l’imprévisible, continue le Normand. Pour contrarier les équipes les plus puissantes et sortir du contrôle qu’elles imposent parfois à la course, nous empruntons donc des chaussées plus étroites et sinueuses où une organisation collective est souvent plus difficile à mettre en place. Ce jeudi, avant l’ascension du mont Aigoual en lui-même, les coureurs devront gravir l’inédit col de la Lusette (11,7 km à 7,3 %). Une fantastique découverte qu’un ami propriétaire d’une maison de campagne dans la région m’avait glissée à l’oreille (rires).
Cette ascension est exactement ce que nous recherchons actuellement, elle présente un revêtement granuleux qui rend mal, des pentes irrégulières et flirtant par endroits avec les 15 %. C’est idéal pour faire exploser la course, isoler, du moins partiellement, certains favoris. Durant tout ce Tour de France, les prétendants au classement général final seront très souvent maintenus sous tension, physique comme mentale. Cela devrait user les têtes comme les organismes avant une dernière semaine très difficile dans laquelle on pourrait assister à de sérieuses défaillances. Ce Tour a, je crois, été construit pour les audacieux."
Une caractéristique qui n’est pas antinomique avec l’ambition. "Julian Alaphilippe a démontré l’année dernière que ce tempérament pouvait porter les rêves pendant un bon moment !
J’espère que son aventure de 2019 aura valeur d’exemple et qu’elle inspirera d’autres coureurs cette année et pour le futur, de manière plus générale."
