Wout Van Aert n’a pas laissé passer sa chance: "Peut-être la course la plus facile de ma carrière"
Une occasion, une victoire/ Wout Van Aert n’a pas laissé passer sa chance sur ce Tour que son équipe domine.
Publié le 03-09-2020 à 08h45 - Mis à jour le 03-09-2020 à 09h41
Sous les platanes de l’avenue du Maréchal Foch, où était donné le départ de l’étape, à Gap, Wout Van Aert se félicitait mercredi matin d’avoir obtenu de son équipe l’autorisation de jouer sa propre carte en cas d’arrivée groupée. "Cette étape m’offre quelques perspectives, avec un final dur, disait le Campinois. Je l’ai bien étudiée dans le livre de route, le final me convient, je vais me mêler au sprint."
Un peu plus de quatre heures vingt-et-une minutes plus tard, le coureur de Jumbo-Visma avait saisi pleinement sa chance pour s’imposer dans les rues de Privas, la préfecture ardéchoise. Une occasion, un but ! "Cela donne encore plus de saveur à ce succès", souriait l’Anversois dont on se souviendra qu’il avait préféré ne pas se mêler au sprint chaotique samedi sur la promenade des Anglais, avant de sacrifier ses chances le lendemain en aidant Tom Dumoulin à repartir dans la montée du col des Quatre Chemins.
Lors de la 3e étape, Van Aert avait failli tomber dans la finale, se rattrapant au prix d’un exercice de haute voltige, et il n’avait pu défendre sa chance au sprint gagné par Caleb Ewan. Enfin, qui peut affirmer que sans son terrible coup d’accélérateur sur les derniers kilomètres de la montée vers Orcières-Merlette, il n’aurait pu suivre les meilleurs jusqu’au sommet ?
Mais le triple champion du Monde, incontestablement le coureur de cette deuxième partie de saison, n’est pas sur le Tour pour jouer sa carte personnelle, en tout cas pas durant trois semaines.
"J’en ai un peu marre de devoir me justifier sans cesse, avoua-t-il. Travailler pour un leader et l’aider à gagner est sans doute ce qu’il y a de plus beau dans le cyclisme, surtout quand il s’agit du Tour de France, la plus grande course au monde. Cela me motive, c’est un honneur et une énorme motivation de courir dans cette équipe qui peut gagner le Tour. Mais je ne suis pas un équipier différent des autres. Nous sommes huit dans l’équipe, tous aussi forts. Simplement, aujourd’hui l’arrivée me convenait et je suis très heureux que l’équipe m’ait laissé l’opportunité de tenter ma chance. Cela me motivera plus encore les prochains jours pour travailler et effectuer tous mes efforts."
Malgré l’impressionnant boulot abattu mardi en prélude au succès de son équipier Primoz Roglic, le Belge s’est imposé face aux meilleurs sprinters du Tour. Après sa victoire surprise (surtout pour Viviani), il y a un an à Albi, ce nouveau succès a presque semblé tout naturel.
"On m’a donné assez de temps pour récupérer aujourd’hui, même si ce fut particulièrement dur sur la fin, expliqua Wout Van Aert avec le sourire. Ce fut peut-être la course la plus facile de ma carrière, sans attaque et avec un rythme peu élevé. Tout le monde était frais sur la fin quand cela a commencé à devenir frénétique. C’était important d’être bien positionné dès avant les 500 derniers mètres. J’étais dans le sillage des gars de Sunweb qui avait un bon train. J’y suis allé quand Cees Bol a accéléré. Je gagne d’une demi-roue, mais j’ai dû faire l’extérieur dans le virage. C’est suffisant, je peux me concentrer sur la suite, demain sera encore une dure journée."
Aussi mince que les grimpeurs et puissant que les sprinters
Triple champion du monde de cyclo-cross (2016, 2017 et 2018), Wout Van Aert a cherché à adapter au mieux ses qualités physiques mais aussi sa morphologie aux épreuves sur route ces derniers mois. Si la tonicité du buste et des bras d’un crossman sont indispensables pour le pilotage et certaines manœuvres dans les labourés, cette vérité ne s’applique aucunement sur la route. Le Campinois a donc cherché à perdre sa musculature sur ses endroits spécifiques, la jugeant superflue. Un gain de près de deux kilos qui fait désormais osciller sa balance autour des 77 kg. Le visage particulièrement émacié, le coureur de Lille affiche par ailleurs un taux de masse grasse de 6 %, proche de celui des meilleurs grimpeurs du peloton qui lui permet d’être plus à l’aise lorsque la route s’élève comme mardi lors de l’arrivée à Orcières-Merlette ou dans le Poggio lors de Milan-Sanremo.
Un affûtage réalisé, en partie, avec l’apport de corps cétoniques, ce complément alimentaire utilisé par plusieurs équipes du peloton, dont Jumbo-Visma, mais qui continue de faire débat en dépit de sa parfaite légalité auprès des différentes instances internationales. “Ce sujet est un faux débat, a autrefois commenté le vainqueur de Privas. Lorsque vous visez le top niveau mondial, il est logique d’utiliser les moyens autorisés pour y parvenir.”
Un complément qui a le pouvoir de faire fondre la graisse sans déforcer la masse musculaire si utile à un sprinter dans la dernière ligne droite.
“Je ne pensais pas à cela, il y a un an”
L’Anversois a pris une belle revanche sur la grave blessure subie au Tour 2019 qui auraient pu lui coûter sa carrière.
Depuis la reprise du cyclisme, fin juillet, Wout Van Aert a conquis cinq succès et non des moindres. Aux Strade Bianche et Milan-Sanremo, il a ajouté une étape du Dauphiné, puis le National de chrono, avant de gagner ce mercredi une deuxième étape du Tour en autant de participations. “C’est un sentiment spécial”, reconnaissait le coureur de Jumbo-Visma. “Je suis étonné de rester à un très haut niveau depuis la reprise, j’ai des jambes extraordinaires. C’est vrai, je ne pensais pas du tout à cela quand, il y a un an, j’avais dû quitter le Tour à Pau après ma terrible chute dans le contre-la-montre.”
Ce jour-là, alors que l’on fêtait le centenaire du maillot jaune, Van Aert s’était très sérieusement blessé à la cuisse droite en touchant le crochet d’une barrière Nadar qui avait ouvert sa jambe sur vingt-trois centimètres comme une boîte de conserve. Sans le diagnostic miracle du docteur Toon Claes qui le réopéra à son retour en Belgique, il ne serait peut-être plus coureur aujourd’hui. Car, en Béarn, on avait oublié de lui recoudre un tendon qui aurait fini par se nécroser. “Les six mois qui ont suivi ma blessure ont été très durs”, disait-il. “Il a d’abord fallu que je redevienne une personne qui puisse marcher, puis un coureur. Les journées de ma revalidation ont été difficiles et longues, mais quand on gagne ensuite, c’est beau. Je ne sais pas où ceci va s’arrêter, quand ma forme va commencer à faiblir. Je prends les courses les unes après les autres. J’espère seulement que nous sommes en route pour réussir un beau Tour avec Primoz (Roglic) et Tom (Dumoulin).”