Les cinq erreurs tactiques de la Belgique: oui, Evenepoel a bien plus avantagé Alaphilippe que Van Aert

L'absence d'oreillettes, la ferveur populaire et la trop grande envie d'en découdre ont poussé les Belges à faire plusieurs erreurs, ce dimanche. Ce que Patrick Lefevere a pointé du doigt dans un sarcasme dont il a le secret.

Nicolas Christiaens

Julian Alaphilippe a reconduit son titre de champion du monde en se montrant le plus costaud. Une jambe au-dessus de tout le monde, le Français se serait sans doute imposé dans bien des scénarios différents. Grand favori au départ de la course, Wout Van Aert était moins fort qu'attendu et n'a pas pu répondre aux attaques du Français.

A chaud, l'analyse était vite pliée côté belge: le plus fort a gagné. On a même entendu Remco Evenepoel dire que "La Belgique a fait la course parfaite". On peut comprendre que ce fut le cas de son point de vue pendant la course mais on est quasiment certain qu'il changera d'avis si, comme nous, il prend le temps de revoir les moments-clés de ce championnat du monde. Et s'il est probable qu'une course d'équipe parfaite n'aurait pu amener qu'une médaille d'argent ou de bronze en plus, ce n'est pas une raison pour ne pas gommer des erreurs qui auraient pu conduire à la défaite d'un Wout Van Aert à son meilleur niveau.


Erreur n°1: Evenepoel se dévoile trop tôt

175 kilomètres de l'arrivée. C'est le moment choisi par la France pour durcir la course avec Benoît Cosnefroy. Evenepoel saute dans sa roue et un groupe de quinze coureurs se forme quelques kilomètres plus loin, avec également Tim Declercq. On peut regretter que la Belgique ait lancé son n°2 à l'attaque aussi tôt dans la course, alors que Campenaerts, Teuns ou Lampaert auraient pu faire le même effort. Dans cette échappée, on a aussi vu des coureurs du calibre d'Asgreen ou Roglic mais ils ont eu l'intelligence de traîner en queue de groupe, de "filocher" et de ne surtout pas griller la moindre cartouche aussi loin de l'arrivée. Porté par la foule, Evenepoel a eu du mal à tempérer son enthousiasme. Tim Declercq, bien plus expérimenté, assure l'avoir "exhorté à ralentir".

Le résultat de ce mouvement de course: piégée, l'Italie a grillé Ballerini et Trentin dans la poursuite. Et Remco Evenepoel a perdu de l'énergie précieuse. Toutes les autres nations en sortent gagnantes.


Erreur n°2: Lampaert, Teuns et Campenaerts à bloc sur le circuit de Louvain

L'échappée de quinze est reprise à Louvain, après 40 kilomètres de poursuite. La Belgique ne tarde pas à se remettre aux commandes du peloton. Une bonne chose pour le placement de Van Aert à l'approche de chacune des bosses. Mais le rythme est bien trop élevé et Tiesj Benoot semble venir le reprocher à plusieurs de ses équipiers. Pendant 35 kilomètres, Declercq et surtout Lampaert, Campenaerts et Teuns semblent vouloir durcir la course. Certains sprinters (Ewan, Cavendish) sont définitivement lâchés mais cela aurait de toute façon été le cas dans le deuxième circuit flandrien.

Le résultat de ce mouvement de course: toutes les nations qui voulaient éviter un sprint sont avantagées, alors que Van Aert aurait sans doute été le favori dans le cas d'une arrivée à vingt ou trente coureurs.


Erreur n°3: les Belges font des efforts derrière Evenepoel

Juste avant de reprendre la route d'Overijse, Remco accompagne une nouvelle offensive. Cette fois, le timing est parfait pour le coureur de Schepdaal. Comme sur sa première offensive, il en fait beaucoup alors que Van Baarle (2e à l'arrivée) et Powless (5e) roulent à l'économie. Mais ce qui est surtout regrettable, c'est l'attitude de la Belgique en tête de peloton: elle continue à rouler à l'approche du circuit flandrien. Pour placer Van Aert au pied des différentes difficultés ? Oui, mais le forcing se poursuit notamment dans le S-Bocht alors que le peloton est déjà fortement réduit et que le placement a moins d'importance.

Le résultat de ce mouvement de course: Evenepoel, Lampaert, Campenaerts et Teuns perdent des forces en roulant les uns sur les autres. Les trois derniers cités sont écartés sur l'attaque d'Alaphilippe dans la Bekestraat.


Erreur n°4: Van Aert fait des efforts inutiles

Dans la Bekestraat, Alaphilippe fait une première sélection et Van Aert semble déjà serrer les dents dans sa roue. Pourtant, il le relaye au sommet alors qu'Evenepoel est toujours devant et que Stuyven est avec lui. Sur la bosse suivante, la Veeweidestraat, Van Aert fait un nouvel effort pour rejoindre le groupe Evenepoel.

Le résultat de ce mouvement de course: tous les costauds, Alaphilippe en tête, reviennent sur l'échappée et la Belgique perd le coup d'avance qu'elle avait avec Evenepoel.


Erreur n°5: Evenepoel sacrifié à la demande de Van Aert

Au sommet de la Veeweidestraat, Remco insiste logiquement pour aider son leader à faire la sélection et on voit notamment Sénéchal se mettre dans le rouge pour s'accrocher. Mais dans le Smeysberg, Alaphilippe montre une nouvelle fois qu'il est le plus costaud en faisant mal à Van Aert. Au sommet, Wout fait l'effort en personne au lieu de laisser Remco ou Stuyven s'en charger. Après le regroupement, il demande à Evenepoel de se sacrifier jusque Louvain. Seul, le Brabançon porte alors l'écart sur les battus de 40 secondes à deux minutes. Mais à quoi bon ? Pendant ce temps, Alaphilippe prend le temps de faire un point tactique auprès de Voeckler. Les Belges, eux, ne sont jamais redescendus à la voiture de Vanthourenhout.

Le résultat de ce mouvement de course: après que Remco se soit garé, la France passe à l'attaque avec Madouas, puis Alaphilippe. Stuyven et Van Aert ne parviennent pas à répondre. Tout le monde est à bloc dans les deux derniers tours et le meilleur puncheur est sacré alors que la Belgique était sans doute la grande nation qui avait les meilleures chances dans un sprint en comité restreint.


Lefevere a-t-il raison ?

Dans un sarcasme, Patrick Lefevere a déclaré après la course que Remco Evenepoel avait parfaitement roulé pour... Julian Alaphilippe. Cela semble se confirmer dans l'analyse à froid. Il est en tout cas évident que la Belgique est, de loin, la nation qui a fait le plus d'efforts, tant avec ses lieutenants qu'avec ses leaders. Parfois en faisant rouler les premiers contre les deuxièmes.

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