Remco Evenepoel: "J’ai retrouvé l’envie de rouler à vélo"
Outre son désir de briller à la Vuelta, Remco Evenepoel espère jouer les premiers rôles sur les ardennaises.
Publié le 10-01-2022 à 22h57
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C’est ce qui fait le charme de Remco Evenepoel, il est entier et représente l’esprit du compétiteur dans l’âme. Tantôt capable d’être le plus heureux du monde lors d’un succès important ou d’adresser un geste de frustration à ses adversaires lorsqu’il passe à côté de son objectif, le Brabançon ne cherche pas à plaire à tout prix, son but ultime est d’obtenir des résultats à la hauteur de son talent.
Sous le soleil de Calp, à quelques hectomètres du célèbre Penon de Ifach, Remco dégage beaucoup de sérénité, de quiétude. Discret ces derniers temps dans les médias, le coureur de Schepdaal semble prêt à affronter la saison qui l'attend, avec enfin tous les pépins physiques derrière lui. "C'est la première fois depuis que je suis professionnel que j'ai pu prendre des vacances, cela m'a fait un bien fou", sourit-il.
Mais peu de place pour les discussions légères, Evenepoel est là pour parler de ses ambitions. Et elles ne sont pas petites. Rencontre.
Remco Evenepoel, le début de la saison approche, dans quel état d’esprit êtes-vous ?
"Je suis très heureux de la manière dont l’hiver s’est passé. C’était une période normale, sans problème, sans arrêt. Mon corps s’est définitivement remis de ma chute en Lombardie, j’ai retrouvé la fraîcheur et l’envie de rouler à vélo. Cela m’a beaucoup aidé pour les premières semaines d’entraînement. Il y a toujours l’une ou l’autre petite douleur mais ce ne sont pas des choses contraignantes. Après dix ou quinze jours d’entraînement, j’ai besoin de relâcher les muscles, mais cela, ce sera pour la vie malheureusement."
Nous sommes à l’approche de la saison 2022, mais quel bilan tirez-vous de votre année 2021 ?
"Il y a eu huit victoires en fin de saison (NdlR : une étape et le classement final du Tour de Belgique, deux étapes et le général du Tour du Danemark, la Course des raisins à Overijse, la Brussels Classic et la Coppa Bernocchi) mais il ne s’agissait pas de succès de prestige. Il ne faut pas faire la fine bouche mais je veux gagner des épreuves d’un autre calibre. Je peux être satisfait de ma saison. Au Giro, j’étais content de ma première semaine. Ensuite, j’avais connu des moments difficiles avec de la fatigue physique et mentale. La mauvaise journée est tombée lors de l’étape la plus compliquée, dans des conditions météorologiques dantesques. Le mois de juin avec le Tour et les championnats de Belgique m’a fait du bien dans la tête. Je regrette en outre la mauvaise semaine à Tokyo aux Jeux olympiques. Au Tour de Lombardie, le stress a pris le dessus sur le reste. En fait, ce jour-là, je n’étais pas prêt à prester au plus haut niveau, je n’avais pas de bonnes sensations. On a pu en tirer des leçons pour la suite de ma carrière. J’ai fait cinq podiums lors des différents championnats, ce n’est pas négligeable, mais je donnerais tous mes podiums contre un maillot distinctif, c’est évident."
On vous attendait avec impatience au Giro, c’est davantage sur les courses d’un jour que vous avez marqué les esprits…
"C’est vrai. Je pense beaucoup aux championnats d’Europe, par exemple. Maintenant, je sais comment j’aurais pu lâcher Colbrelli mais à l’époque, j’ai juste roulé alors qu’il fallait tenter des petites accélérations pour le perturber. C’est ce que m’ont dit les sprinters de l’équipe. Mais après coup, c’est toujours plus facile d’analyser la situation. J’ai beaucoup évolué cette saison, notamment dans les efforts courts et intenses, mes sprints sont meilleurs. Je pense que le travail effectué pour le Giro s’est ressenti durant l’été. Je le ressens encore à l’heure actuelle. Mon corps est devenu plus fort et probablement plus mûr. J’ai également repris les muscles perdus lors de ma revalidation."
On vous sait impatient. Avec les bonnes circonstances, êtes-vous plus impatient que jamais de commencer la saison ?
"Je ne suis pas impatient. Je suis toujours très motivé et ai hâte de commencer la saison mais il faut aborder jour après jour. Il faut finir chaque journée sur une bonne note avant de passer à l’étape suivante. C’est ce paramètre qui aide aussi à être plus mature et plus calme quand quelque chose ne va pas."
Vous pensez à votre réaction au Tour du Benelux, avec votre ennui mécanique, lorsque vous dites cela ?
"Chaque personne dans mon cas aurait eu la même réaction parce que c’était une journée nerveuse. Deux erreurs stupides m’ont fait perdre beaucoup de temps, alors que j’étais dans une bonne forme. Car je savais que si j’avais fini parmi les premiers ce jour-là, j’étais certain de pouvoir gagner le classement final. Aujourd’hui, probablement que ma réaction serait moins expressive. Même si les caractères, on ne les change pas. Je veux juste gagner mais parfois peut-être qu’il faut réfléchir plus et ne pas toujours s’emballer. J’ai travaillé sur ces points cet hiver. J’avais besoin d’une période sans stress, cela m’a rendu plus relax."
En 2020, vous aviez fait forte impression dès le début de saison, avec un pic de forme immédiat. Sera-ce le même schéma cette saison ?
"Si on a l’occasion de gagner, il ne faut pas la laisser. Mais si ça ne va pas, il ne faut pas forcer les choses. On travaille toujours l’hiver pour être prêt de suite. Au Tour de Valence, il y a des arrivées au sommet, on visera la victoire. On est payé pour gagner. Ensuite en Algarve, il y a un chrono individuel de 32,2 kilomètres, donc ce sera également un excellent test pour moi. Cela me plaît, donc je dois être prêt pour performer. Mais une chose est sûre, on va essayer de placer les pics à des moments clés de la saison."
La saison dernière, vous aviez dit vouloir plus de jours de compétition… Est-ce toujours votre point de vue ?
"Je confirme. Le premier bloc Valence, Algarve et Tirreno sera axé sur un pic à Tirreno pour essayer de jouer les premiers rôles. Je découvrirai les classiques ardennaises cette année. Je suis extrêmement heureux que ce soit enfin le cas. Je donnerai la préséance à Liège-Bastogne-Liège car c’est une course qui me convient à merveille. Après les classiques, le reste de ma saison sera axé sur la préparation pour la Vuelta. Je vais disputer des courses d’un niveau important, je pense que cela me permettra d’être prêt pour le Tour d’Espagne."
Durant la Doyenne, vous devrez partager le leadership avec Julian Alaphilippe. La cohabitation est-elle possible ?
"C’est un rêve. Nous sommes tous les deux différents mais avec la même qualité. Cela peut aider l’équipe à gérer la course de manière différente. Je pense que ce ne sont que des avantages pour Quick-Step Alpha Vinyl car on pourra mettre en place plusieurs tactiques. Avec Julian, on se comprend bien, on aime rouler ensemble. J’espère qu’on sera tous les deux au sommet de notre forme, cela peut donner du feu…"
"Aider Wout à être champion du monde"
Posséder deux talents d’un tel niveau peut parfois entraîner une guerre d’ego, voire un sentiment de jalousie par moments. Depuis la déception des Mondiaux et les déclarations qui se sont ensuivies dans les médias, Remco Evenepoel et Wout Van Aert n’entretiennent pas les relations les plus chaleureuses du peloton. C’est le moins que l’on puisse dire.
Alors que le sélectionneur, Sven Vanthourenhout, a émis le souhait, dans les médias néerlandophones, de voir les deux stars du cyclisme belge se réconcilier, les principaux concernés devraient se rencontrer pour mettre fin à ces divergences d'opinions et passer à autre chose. "Ils ne peuvent continuer à s'éviter comme cela, j'espère les amener à une conversation de 'réconciliation' au plus vite car ils porteront encore le maillot belge ensemble à l'avenir", déclarait Vanthourenhout.
Interrogé à ce propos, Evenepoel n'a pas botté en touche. "En fait, il n'y a jamais vraiment eu de disputes entre Wout et moi, souligne-t-il. Les gens ont amplifié la chose. J'ai laissé quelques messages à Wout avant le Nouvel An, sans en parler avec le sélectionneur. Les choses ont été sorties de leur contexte après le Mondial et je le regrette. On souhaite se rencontrer pour mettre les choses à plat mais je ne dirai pas l'endroit, ni la date car c'est une conversation privée."
S'ils venaient à se réconcilier, ce qui sera le cas, à n'en point douter, le Campinois et le Brabançon flamand feraient les affaires du cyclisme belge dans son entièreté. Un peu comme l'ont déjà fait d'autres nations par le passé, il n'est pas impensable de faire cohabiter ces deux talents. "On a besoin l'un de l'autre avec la Belgique. On en est conscient. Quand vous voyez le tracé du prochain Mondial, j'ai la sensation que Wout a les qualités pour remporter le maillot arc-en-ciel. Et croyez-moi, je préfère l'aider dans sa mission plutôt que de rester chez moi et regarder la course dans mon fauteuil. On a, tous les deux, une mentalité de vainqueur. On débute chaque course pour la gagner."
Il est vrai que lorsqu'on regarde le tracé du circuit australien, nul doute qu'un WVA en forme récolterait les faveurs des pronostics. "C'est pour cela que je veux l'aider, insiste le prodige de Schepdaal. Il mérite de remporter le championnat du monde, je ferais en sorte de l'accompagner. On va donc faire en sorte de commencer la saison sans le moindre malentendu."
De là à imaginer que les deux protagonistes deviennent meilleurs amis du jour au lendemain, il y a un monde, mais dans les deux camps, on est largement capable de faire preuve de sagesse et d’intelligence… On ne leur en demande pas davantage, à vrai dire.