Greg Van Avermaet: "Je veux à nouveau disputer les finales et jouer la gagne"
Après une deuxième partie de saison 2021 pénible, qu’il attribue au vaccin, Greg Van Avermaet veut retrouver son niveau d’antan.
Publié le 18-02-2022 à 08h20 - Mis à jour le 18-02-2022 à 08h21
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Le 2 février dernier à Bellegarde, dans le Gard, Greg Van Avermaet a donné les premiers coups de pédales de sa seizième saison chez les professionnels en prenant le départ de l’étape inaugurale de l’Étoile de Bessèges.
Une campagne 2022 entamée avec ambition par le Flandrien mais aussi avec l’esprit parcouru par bon nombre d’interrogations. Pendant quinze ans, Greg Van Avermaet a mené une carrière linéaire, qui l’a vu progresser jusqu’au faîte de la hiérarchie internationale où il est ensuite devenu un locataire permanent. Vainqueur du WorldTour et numéro 1 mondial à la fin 2017, le coureur de Grembergen (entité de Termonde) a connu des saisons suivantes certes moins percutantes mais toujours aussi régulières jusqu’à l’année passée. Ou plutôt jusqu’à l’été dernier.
Subitement, le coureur, passé quelques mois plus tôt chez Ag2R Citroën, a semblé ne plus être que l’ombre du champion que l’on connaissait jusqu’alors, toujours offensif, jamais avare de ses efforts. Bien sûr, le Flandrien a désormais 36 ans, presque 37 (il les aura le 15 mai prochain). Lui a une autre explication, puisqu’il attribue ce coup de barre à la deuxième dose du vaccin anti-Covid reçue à la fin du mois de mai dernier. Le champion olympique de Rio veut retrouver son niveau d’antan, rejouer dans la cour des grands, et lui-même se pose la question de ce retour et entend bien obtenir une réponse dès les prochaines semaines.
Comment vous sentez-vous, en ce début de saison ?
“Bien, je sors d’un bon hiver. Je suis content de ma condition, d’autant que j’ai débuté l’entraînement plus tard puisque j’ai attrapé la Covid, en novembre. Je suis resté dix jours sur la touche, confiné seul dans une chambre parce que je ne voulais pas contaminer ma femme, Ellen, et nos deux filles. Je ne pouvais pas leur faire subir cela. Pendant tout ce temps, j’étais isolé, on déposait mes repas sur une table devant la porte de la chambre. Je n’ai rien fait, absolument rien, si ce n’est lire la presse et dévorer plein de séries. Je me suis reposé, ce qui m’a fait du bien après cette saison pénible. Le plus dur, c’était la perte du goût. Mais j’étais content de pouvoir appuyer sur le bouton de “reset” pour repartir. Je n’ai pas pris de retard, j’ai pu faire les deux stages de l’équipe à Denia, en Espagne et prendre le nouveau départ dont j’avais besoin après la saison passée. Du moins après la deuxième partie de l’année qui était franchement mauvaise.”

Une période très difficile, marquée par un Tour de France où vous n’étiez que l’ombre de l’ancien double vainqueur d’étapes et porteur du maillot jaune pendant onze jours. Tout cela, pensez-vous à cause de vos vaccins contre le coronavirus.
“Le timing de la vaccination n’a pas été bon pour moi. Je sortais d’un stage difficile en haute montagne et j’ai enchaîné le Dauphiné, très dur aussi, puis le Tour. Subitement, alors que quelques semaines plus tôt je disputais encore la finale des classiques, je n’avançais plus. Rien à voir avec mon âge, je n’ai plus retrouvé mon niveau qu’en toute fin de saison, et encore… L’impact de ce deuxième vaccin a été important sur moi, comme sur d’autres athlètes, Jakob Fuglsang par exemple. D’ailleurs, si je n’avais pas été sportif de haut niveau, cela ne m’aurait pas dérangé. À l’entraînement cela allait mais à l’effort extrême, tout d’un coup, je bloquais. Mes valeurs sanguines n’étaient pas bonnes, elles ont montré que mon corps avait subi une agression.”
Vous avez même voulu abandonner le Tour.
“Oui, je devais m’arracher pour tenir ma place dans le gruppetto mais l’équipe ne voulait pas que je me retire, d’autant que nous avions Ben (O’Connor) qui luttait pour le général (NdlR : il a terminé 4e à Paris). Mais bon, dans ces conditions, vous demandez plus à votre corps et vous enfoncez dans une spirale négative. c’est difficile quand vous avez toujours été offensif de devoir suivre sans plus et même en devant s’accrocher.”
C’est pour cela que vous reportez votre troisième vaccination après les classiques ?
“Je veux être clair à nouveau, je ne suis pas anti-vaccin, au contraire. J’ai eu mes deux premiers vaccins mais, comme j’ai eu la Covid avant l’hiver, j’ai assez d’anticorps. Je respecte les règles, mais je peux attendre jusqu’à la fin mai avant de recevoir une troisième dose. Pourtant, je vais le faire fin avril, après avoir récupéré des classiques, pour justement éviter les séquelles de l’an passé.”
Des classiques printanières qui sont encore et toujours votre grand objectif !
“Je suis toujours autant motivé à poursuivre ma carrière en ayant des objectifs importants. J’ai mon âge, mais je suis toujours ambitieux. Je veux encore gagner des courses, j’aime m’entraîner, j’essaie d’être plus fort chaque jour, je fais toujours tout ce qu’il faut pour être au top de ma condition. L’an passé, mon printemps n’a pas été si mauvais, j’ai fait des top-10 dans les grandes courses et j’ai obtenu la 3e place du Tour des Flandres. Quand on a gagné une fois les courses, on veut le refaire et c’est encore ma mentalité cette année. On verra jusqu’où j’irai…”
Pas question d’arrêter, donc ?
“Non, j’ai encore un contrat de deux ans avec Ag2R Citroën. Je veux le terminer et, ensuite, on verra. Ce qui est sûr, c’est que je veux finir en beauté comme Valverde par exemple, qui gagne encore des courses.”
Justement, il y en a une qui vous tient spécialement à cœur.
“Après Bessèges et la Ruta del Sol (16-20 février), je veux être très bien à partir du Circuit Het Nieuwsblad et jusqu’à Paris-Roubaix. Je suis curieux et excité à l’idée de voir jusqu’où je peux encore parvenir à mon âge. Je veux encore disputer les finales, jouer la gagne, être régulier et obtenir des résultats. C’est comme cela que j’ai construit ma carrière en étant constamment au plus haut niveau avec, de temps en temps, un exploit. Vous le savez et je vais me répéter, jusqu’à l’ennui peut-être, mon objectif reste le même : gagner le Tour des Flandres. ça a toujours été mon but et ça ne changera pas. Cela restera chaque année mon grand objectif du printemps tant que je n’y serai pas parvenu.”

En arrivant chez Ag2R Citroën, l’an dernier, vous aviez changé d’entraîneur après dix ans passés à travailler avec la même personne. Est-ce que, après des derniers mois de 2021 compliqués, vous avez modifié quelque chose dans votre approche de la saison ?
“Je ne devais pas tout changer, ce n’est pas comme si ma mauvaise deuxième partie de saison était consécutive à une faute. Je ne dois pas paniquer parce que les quatre derniers mois de 2021 étaient mauvais. Quoiqu’il arrive, cela ne remet pas ma carrière en question en un coup. J’ai recommencé ce que je faisais avec succès les années précédentes. Fondamentalement, on n’a rien changé dans mon entraînement. L’an dernier, j’étais passé de Max Testa (NdlR : ancien médecin de BMC) à Jean-Baptiste Quiclet. On a fait des retouches à la marge, nous sommes revenus un peu plus à mes idées pour être mieux (il sourit). “JB” (prononcez Djibi) est un bon entraîneur. Il connaît très bien son métier, toute la théorie mais chaque coureur est différent et j’avais mon passé, mon expérience. J’ai dit quelques petites choses à changer. J’espère ça va porter ses fruits, on verra dans les courses.”
Vous êtes plutôt un coureur à l’ancienne ?
“Peut-être. C’est normal, je ne suis plus tout jeune (il rit). En décembre, j’ai préféré rouler tranquillement et en écoutant mes sensations. Je pense que c’est important d’en tenir compte, d’écouter son corps, ce que l’on ressent. J’ai fait moins de blocs d’entraînements intenses de cinq-six jours. Moi, j’ai toujours préféré deux-trois jours suivis d’une journée plus tranquille. J’ai toujours fait cela, ça ne m’a pas trop mal réussi et j’ai voulu y revenir, mais ce sont des petits aménagements.”
Il y a deux ans vous aviez fait un stage en altitude avant la saison pour la première fois. Pas cette année ?
“Non, j’ai plutôt repris ma préparation habituelle. Je l’avais fait il y a deux ans en effet, mais ce fut l’année du Covid et des courses reportées de six mois (il rit à nouveau). C’était dommage, mais maintenant, avec les enfants (NdlR : il a deux filles, Fleur, six ans et demi, et Roos, deux ans et demi), cela devient compliqué et difficile, je préfère faire stage un en Espagne et revenir le plus souvent possible à la maison. Je pense que c’est suffisant pour retrouver mon niveau. Je cours aussi volontiers et je préfère ça.”
Vous ne compensez pas cela en dormant dans une tente hypoxique qui simule l’altitude ?
“Non. J’en ai une mais je ne l’ai pas souvent utilisée, ça me rend nerveux, je préfère dormir près de ma femme. Certains aiment, d’autres pas, moi, je préfère me focaliser sur l’entraînement et la diététique et encore, sur ce plan, il n’y a pas de grands changements. C’est de plus en plus scientifique, avec des entraînements spécifiques, mais il n’a rien de différents dans notre équipe par rapport aux autres. On a un nouveau diététicien, on emploie aussi un glucomètre. Il y a des choses à essayer, qui peuvent aider.”
Est-ce que vous avez peur de ne plus être assez explosif ? C’était votre point fort.
“Ce genre d’arrivées me convient toujours, je pense, et même si ce n’est plus pour gagner, ce sera toujours pour obtenir une belle place d’honneur. Ce sont des efforts que j’apprécie et dans lesquels je me débrouille pas mal. Faire ces efforts en course me permet aussi de revenir en forme. Ça permet aussi de jauger sa progression, il y a une différence entre l’entraînement, où je me sens bien, et la compétition.
Comment battre dans les classiques cette nouvelle génération de coureurs incarnée par Wout van Aert et Mathieu van der Poel ?
“C’est vrai, ils sont super. J’espère revenir à mon niveau normal et si j’y arrive, je pense que c’est possible de les battre. Le plus grand problème c’est de retrouver ce niveau. Dans des grandes courses, comme les Flandres ou Roubaix, j’ai encore une chance de gagner mais ce ne sera pas facile. On parle toujours de Wout et Mathieu, ce sont les meilleurs, mais ils n’ont pas gagné les sept courses du printemps non plus l’an passé. Mathieu a gagné les Strade, Wout s’est imposé à Gand-Wevelgem et à l’Amstel, mais Asgreen, Pidcock, Stuyven et d’autres y sont parvenus aussi.”
L’équipe Jumbo s’est renforcée, avec Quick Step, elle sera un deuxième bloc très fort.
“L’an passé, Wout était esseulé dans les finales, maintenant, avec les transferts il va disposer d’une équipe vraiment forte, presque l’égal de Quick Step. Cela va changer un peu la physionomie des finales, il y a d’autres équipes qui peuvent rouler et qui vont prendre leurs responsabilités. Mais, nous aussi, nous avons une bonne équipe, avec un bon collectif. Il n’y a pas eu de transferts importants, mais Stan (Dewulf) a bien fini l’an passé, il va être là. Oli (Oliver Naesen) et moi devons retrouver notre niveau. Et Bob (Jungels) va aussi courir plusieurs fois avec nous.”
Votre dernier succès date du 15 septembre 2019, au Grand Prix de Montréal. Vous devez être frustré ?

“Pas vraiment, ou plus vraiment, je sais que je n’ai pas commis de faute et un jour, vous êtes confrontés à vos limites. Plus de deux ans sans gagner, c’est long. Est-ce que je ferai un geste spécial quand ça arrivera ? Ce serait un peu fou alors que je gagne si peu. Ce sera surtout un grand choc émotionnel. Cela ferait un bien fou. C’est pour cela qu’on s’entraîne dur tous les jours, pendant des années pour obtenir des résultats. Le luxe reste évidemment de battre les autres et de passer la ligne en premier. Je ne roule pas en étant frustré, c’est moins marrant quand ça n’arrive pas, mais il n’y a pas que la victoire, obtenir un bon résultat est aussi important. Le niveau est tellement haut et quand on roule surtout des courses WorldTour comme moi, c’est encore plus dur. Comme tous les coureurs, j’aimerais gagner plus souvent. Pour beaucoup, cela reste un vœu pieux, mais moi, je suis fier de ma carrière, j’ai déjà remporté beaucoup de belles courses.”
Vous serez au Tour de France en juillet ?
“Oui. C’est important pour l’équipe et pour moi. Il y a de belles opportunités, dès le départ au Danemark, puis sur les pavés ou à Longwy où j’ai déjà fini quatrième. On a aussi Ben (O’Connor), c’est motivant de l’aider pour un classement. C’est comme à l’époque de BMC, j’étais là pour quelques étapes, mais le reste du Tour, j’épaulais Tejay (Van Garderen) et Richie (Porte) pour le général. Heureusement, sans cela, le Tour est long (sourire) pour un coureur comme moi.”
À la fin de la saison, il y a aussi un rendez-vous que vous ne voulez plus manquer : le championnat du monde.
“J’espère ! On verra si je suis sélectionné. Si j’ai un bon niveau, je pense que le parcours, que j’ai vu sur internet, convient aux spécialistes des classiques. En Belgique on a une superbe équipe pour ce genre de courses. Si je suis dans une bonne forme, je voudrai y aller.”
Votre expérience a fait défaut au sein de l’équipe belge à Louvain…
“(Il rit encore). J’espère aller en Australie et si j’y vais, ce ne sera pas pour rouler en début de course mais pour faire la finale. C’était une déception de pas être retenu l’an dernier, mais c’était un choix correct du sélectionneur, je n’avais pas le niveau. Quand Sven m’a téléphoné (Vanthourenhout), ça a été difficile de retenir mes larmes et pourtant, je le sentais, ce n’était pas une surprise, mais depuis 2005, chez les espoirs puis les pros, j’avais toujours été retenu et, en plus, c’était en Belgique…”